Samedi 11 juin on pouvait entendre au Shadok Africaine 808, duo berlinois composé par Dirk Leyers, moitié de Closer Musik qui fit le grand écart entre Buenos Aires et Cologne début 2000, et DJ Nomad, Hans Reuschl de son vrai nom, disciple musical du légendaire DJ italien Beppe Loda. Leur musique se veut une rencontre entre la boîte à rythmes Roland TR-808 (prisée des fous de lignes rythmiques, du hip-hop à l’electro) et des sons piochés dans les musiques du mondes. Un voyage sans retour Lagos – New York ou la découverte d’un Cosmicumbia seront deux des surprises du live qu’ils concoctent pour Contre-Temps.

En warming et after on pouvait entendre le dj colmarien ARAMIS tout d’abord dripper dans des remixs trippants de BOs et musiques des années 70s extraits de « Drippin’ For a Tripp’ » de DJ Sotofett que je pris pour du Carlos Santana, mais remixé trip dub, tandis les V Jayes de «Super Dimanche » projetaient des danses de Marie Ziegman sur les murs, puis une femme bleue ornée de l’étoile de David et de la croix d’Ankh sur les murs, l’une plus dans les paysages, l’autre les personnages derrière la scène, dont un homme préhistorique d’un film de Jodorowski.

Arrivent Africaine 808, les deux DJs accompagnés d’un batteur en Live, Dodo, Africain ou Caribéen par son bonnet rasta. Les deux musiciens électroniques sont l’un au sampler, l’autre à l’ordi et aux effets et la batterie live donne ou change le rythme.

Le début me fait penser à Frédéric Galliano et ses African Divas déjà passé à Contretemps il y a des années pour un Dj Set avant la fin du projet. avec «Esa & Mervin Granger-Visum (Africaine 808 Remix) » La batterie est vraiment bien intégrée entre les samples et les effets, montant en breaks sur les effets dub.

Dans « Rythm Is All You Can Dance » , une voix Afro samplée est modifiée par les effets et rythmée par le batteur. Les trois se mélangent, se répètent, se suivent et se précèdent comme dans les solos de Jazz avec un jeu collectif entre samples, effets et batterie, sans frontière à l’écoute entre électronique et live dans cette Afro-Disco-Lectro bien homologuée avec la batterie Afro Beat à la Tony Allen (batteur de Fèla Kuti) S’il y a un petit côté Kononno N°1, c’est plus dansant et pas que des balafons et sanzas amplifiés d’effets, mais plus tribal et électro à la fois.

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Le passage entre batterie, sample et effet se fait imperceptiblement, et on assiste au jeu collectif des trois sans avoir le temps de se demander précisément qui fait quoi et comment, tant ça joue ensemble et collectif.

Les cultures aussi se jouent les unes des autres, les balafons rencontre leurs cousins les marimbas de plage sud américains dans « "Balla Balla" - Boiler Room Debuts »!

Ça me rappelle un autre grand moment de Contretemps ou électro et Live se mêlèrent avec L’Aroye en 2007.

Il y eut même des moments de flottements psychédéliques comme «Project01/That´s right (Africaine808 RMX) »

Quel que soit le style ou les instruments, seule compte la cohésion musicale du groupe. Le sample peut être arrêté/repris par la batterie ou le sampler en drum’n’bass comme un vrai instrument ou une note d’un pianiste électrique ou synthétiseur, modifié par les effets comme sur l’Ableton comme on le verra ce soir avec Ben Vedren à la Kulture. Les tempos world libèrent les phalènes du live à l’écho de la transe des balafons faisant chanter les chants pygmées.

L’électronique live permet aujourd’hui comme dans le dub, une modification improvisée en live de la musique et des sons comme les instrumentistes des années 70s (et de pousser leurs délires encore plus loin) d’une « Cosmicumbia » (https://soundcloud.com/africaine-808/africaine808-cosmicumbia-istr). Et quand comme ici elle joue avec le live, cela ouvre vraiment d’autres galaxies musicales où le passé serait présent et le présent le modifierait par son improvisation.

Qu’importe les djs, samplers, effets ou batterie live quand comme ici l’ensemble est dans l’instant cohérent et collectif.

A l’envoûtement hypnotique dématérialisant House/Electrode "Cobijas" peut succéder l’énergie de l’Afro Beat et de ses percussions.

Le secret ? c’est peut-être la fluidité musicale en amont et l’écoute en live, tandis que sur l’écran un Danseur préhistorique nu de La Montagne Sacrée de Jodorowsky danse avec son ombre.

De plus en plus, et peut-être depuis longtemps que je ne pense, les djs sont, en plus des garants de la culture musicale remise au goût du jour pour les dancefloors (Gilles Peterson qu’on pourra entendre vendredi à Roc En Stock en est un bon exemple), des Discothèques au double sens conservatoire et actif par la danse, de réels musiciens électroniques et c’en est encore ici un bon exemple.

Le Final Set d’Aramis fut plus Afro House et rêveur, chill out exotique mixant voix, rythmes et autres liquidités musicales. Attiré depuis longtemps et toujours aujourd’hui par les sonorités africaines dans la musique électronique, Aramis a entre autre accumulé les vinyles de cette veine. Il était donc tout trouvé pour ouvrir et clôturer ce concert.

Jean Daniel BURKHARDT