Née le 16 mars 1960 à Bourges, Eva Linder peint depuis l’âge de 10 ans, son père lui demandant des reproductions de grands tableaux classiques. Elle pratique en professionnelle depuis 1980. Ses professeurs memorables aux beaux d'art d'Angers furent Martine Chatel en peinture, Hubert Tonka (sémiologue, éditeur et ami de Gilles Clément).

Installée à Strasbourg depuis 1987, elle expose actuellement ses toiles « Géographie d’Echos » du 13 septembre au 11 octobre (du lundi au samedi de 15 à 18 h) au Centre Culturel Alsacien, 5 Boulevard de la Victoire, et en permanence à la galerie 23h14, 5 quai Charles Altorffer à Strasbourg, du mercredi au samedi de 14h à 19h.

Eva_Linder_Geographie_d__echos.jpg

Ce qui intéresse l’artiste c’est de confronter la stabilité chaude, percussive, ancrée du rouge à la froideur apparente du vert. Après avoir expérimenté le bleu et le figuratif dans les années 90, elle est venue à cette abstraction rythmée par des formes, dit « entendre » la peinture lui inspirant l’envie d’écouter telle ou telle autre musique plus tard. Pendant qu’elle peint, elle n’écoute que le son de la peinture!

L’Exposition commence par « Où L’Irlande est avant tout une Couleur », celle verte des prés, traversée d’éclats, d’échos de danseurs ou de révoltes rouges sur un port pourpre.

Linder_Ou_L__Irlande_est_avant_tout_une_couleur.jpg

La seconde toile est une Huile sur Toile également de 2012, échos rouges à travers le vert d’une vitre de voiture, de bateau, d’essuie-glace, essuie-mousse ? « Sans Titre », reste le mouvement. Yvon Schmitt, auteur des textes du catalogue d’exposition a écrit sur ce tableau : « ...le printemps se passe même de fleurs. Allez y au moins pour ça »

Eva_Linder_Printemps.jpg

Suit un premier « Repère Mobile de l’Imaginaire » de 2013, accroché à un portique qui fait un 5. A l’origine une architecture éclatée - souvent présente dans les toiles - la moulure d’un porche sous un mur… L’imaginaire est le passage d’un vert clair, comme une éclaircie, dans un rouge sombre qui l’encadre. Yvon Schmitt a écrit « La note est chut, faut il le préciser ? »

Pas de mise sous verre précieuse de la toile dans cette exposition, mais des toiles « mobiles de l’imaginaire» accrochées à même les murs par des fils, libres de se balancer au gré de la « géographie d’échos » du public…

Eva_Linder_3_Repere_Mobile_de_l__Imaginaire.jpg

Autre huile sur toile sans titre, de 30/30 en 2007, la suivante, plus petite, africaine, représente un autre paysage plus désertique, la géographie de dunes avec les échos de percussions au loin, et toujours ce vert bourgeonnant, comme souterrain, éclaboussant l’image rapide d’une jeep en mouvement de son crachin.

L’artiste voulait voir dans cette montagne La Montagne Magique de Thomas Mann, mais se souvient aussi que son père militaire « ce bon alsacien » parlait bien des langues et dialectes lointains, adorait l’Afrique et le Maghreb.

Le «Repère Mobile de l’Imaginaire » suivant est de 2007, et l’artiste est toujours étonnée qu’on croie cette toile récente. Au centre, elle a laissé la toile à nu, et c’est comme une autre texture, qu’on croirait au contraire un tissu rajouté, un collage jaune, ocre !

Yvon Schmitt y a vu, en vis-à-vis «Soudain quoi ? L’annonce au lac effaré que Münch aurait pu se noyer dans ce vert sombre d’algue.»

L’ «Oeil-Maison » de 2006 est rouge, on voit bien son orbite, l’artiste y est en sécurité face au rouge du monde extérieur, y voit et s’y réfugie. Il existe une série de six « Œil-Maison » visible à la galerie 23h14.

Sur la dernière huile sur toile on retrouve la botte la tête en bas d’ «Où l’Irlande est avant tout une couleur » face à un club de golf du rouge au vert, ou un pied de femme assise, chaussé d’une tong chinoise ?

Suivent les papiers huilés.

Dans le premier, j’ai vu comme un brassard ou masque Africain fait de bec d’oiseau, de plumes, de poils et de peaux, symbolisant la solitude humaine…

Puis la dernière « Géographie D’Echos », technique mixte papier huilé (2012-2013) J’ai cru y voir, sur fond rouge, une épine dorsale, elle, une flèche ou sagaie, inspirée d’Octavio Paz (un de ses « pères chéris « avec tous les auteurs de la "réalité magique") qui écrivait :

                                    La flèche de l’oeil
                                               juste
                                dans la cible de l’instant.

Eva_Linder_Geographie_D__Echos_2012_2013.jpg

L’oeuvre suivante de 2012 est une autre technique mixte sur papier huilé ; elle reste la plus différente des autres par ses coloris, plus beige, plus claire. On y devine les courbes de la silhouette harmonieuse d’un violoncelle et l’artiste pensait à la musique

Eva_Linder__Musique_Mixte.jpg

La toile suivante, technique la plus mixte, représente l’antre de l’artiste en ogresse, ourse ou sorcière démiurge au chaudron devant son brasero où fument un bout du brassard ou masque précédent, quelques épis d’ «Humanités » à venir. Il arrive à l’artiste d’utiliser des « chutes » de riens, d’anciennes toiles dans ses tableaux en auto collages qu’elle appelle « papiers huilés» ! On voit aussi, à côté de la fumée, un petit pan de mur rouge. Comme le Bergotte de Proust, Eva aime chez les peintres Hollandais le passage de l’ombre à la lumière.

Le suivant, comme quelques dessins isolés sur une table, montre que, quoique peintre, Eva Linder a voulu garder le rapport plus minutieux au dessin, presque minimaliste pour ces « Humanités ». Un papier où l’on croit voir de loin des hiéroglyphes, qui sont, quand on se rapproche, des individus tous différents formant une porte d’église d’Orient, et en bas une foule avec quelques traits orangés, épis de récolte ou sarments de révolte ?

On voit ici la minutie du détail du microcosme formant le macrocosme humain d’une foule dans ses différences!

Pour Eva Linder, l’Art est passage du microcosme au Macrocosme.

Suit un « Repère mobile de l’imaginaire » de 2013, fenêtre sombre à ouverture verte, à colonnes sombres avec sur une le côté une petite lame jaune

Eva_Linder_Repere_Mobile_2013.jpg

La dernière toile porte le nom de « Prague », peut-être cet arc boutant où j’ai cru voir avant d’être informé une trompe éléphantesque est il celui du Pont Charles?

Eva_Linder_Pragues.jpg

En tous cas ne ratez pas cette exposition d’Eva Linder, vous y trouverez un véritable univers qui défie l’interprétation, les formes et les couleurs !

Son travail est aussi visible en permanence a la galerie 23h14, 5,quai Charles Altorffer,

Jean Daniel BURKHARDT