Franck Amsallem est né en 1961 à Oran dans l’alérie Française mais grandit à Nice où il prend des cours de piano dès son plus jeune âge. mais c'est pourtant au saxophone, instrument qu'il a étudié au conservatoire de Nice, qu'il se produit pour la première fois sur scène. De par sa rencontre avec Jerry Bergonzi (en), Richie Cole et Michael Brecker à la Grande Parade du Jazz de Nice (à Nice le Festival passait dans les rues sur des camions remorques, un peu comme sur les charrettes de La Nouvelle Orléans), il décide très vite d'aller étudier outre-atlantique.

Il part donc aux États-Unis en 1981 où il étudie au Berklee College of Music de Boston2 puis a la Manhattan School of Music. Il y étudie le jazz, l'arrangement et la composition avec Herb Pomeroy (en), Michael Gibbs (en) et Bob Brookmeyer, le piano classique avec Phillip Kawin.

Présent sur la scène new-yorkaise à partir de 1986, il joue dans l'orchestre de Gerry Mulligan, Maria Schneider, Joe Chambers, ou Charles Lloyd. Après une longue carrière de pianiste instrumental qui a joué avec les plus grands, le dernier album de Franck Amsallem Amsallem Sings était le premier où on peut l'entendre en solo chanter en s’accompagnant au piano, sur des standards extraites du Great American Songbook, et on le redécouvre en chanteur, entre Frank Sinatra, Chet Baker ou Harry Connick Junior !

A propos de cet azlbum et de ce choix de chanter sur "Franck Amsallem Sings VOL II"Frank Amsallem nous dit « ces jours-ci, le jazz me parle à travers les chanteurs et leurs chansons. Chanter est la plus pure forme d’expression de soi, et j’aspire à transmettre à travers mon chant des messages musicaux que je manquerais autrement. En effet, contrairement à beaucoup de mes contemporains, j’adore les chanteurs et leurs chansons»!

Moi aussi c'est dans ses chansons que le jazz me Touche le plus, si je sais qu'il est bien d'autres choses depuis (le free jazz, la fusion, jusqu’à l'électro jazz), c'est agréable de retrouver les fondamentaux comme un retour au port et de se dire "c'est ça!" et ça l'est encore ICI AUJOURD'HUI ET MAINTENANT en 2014! Car Chet ou Sinatra sont morts et Stacey Kent ne fait plus vraiment ça, Harry Connick Jr qu'une fois sur deux et encore!

Et c’est vrai que ça fait du bien d'entendre à nouveau du Jazz récent (au sens de sorti aujourd’hui, ce que j'ai décidé de défendre comme Jazz VIVANT par lassitude de la nostalgie et pourque TOUS LES JAZZs VIVENT)!

Et c'est une bonne surprise de découvrir même des standards qui m'étaient inconnus comme Never Will I Marry de Frank Loess sur un rythme de claquettes peut-être par un personnage de célibataire endurci d'une comédie musicale Tin Pan Alley chanté avec ce côté Harry Connick (ses premiers albums m'ont fait croire à un renouveau du jazz sentimental jusqu’à She et Turtle Turtle) ou Chet Baker avec ce voile d'émotion sur la voix! Sans compter la joie enfin de réentendre le pianiste Franck Amsallem épaulé d'une bonne rythmique qui tourne bien (Sylvain Romano à la basse et Karl Jannuska à la batterie, ajoutant la joie de l'improvisation ou de l’interaction collective du Jazz!

J’ignorais aussi qu’If You Could see Me Now était du pianiste Bop Tadd Dameron et Carl Singman, repris très lentement sur un air rappelant «que feras-tu de ta vie» de Michel Legrand par Stacey Kent au début et le pianiste accélérant dans le bon solo pour rejoindre « Four» du saxophoniste Eddie Cleanhead Vinson mais souvent attribué au trompettiste Miles Davis dans la version d' Anita O'Day()!

Le début de Dindi d'Antonio Carlos Jobim et Ray Gilbert m'a bluffé, cette voix presque acidulée, traînante sur les voyelles, puis sans tomber dans la morgue Jobinienne, le piano part vers d'autres rives dont il est trace les vagues, la voix au gouvernail ou à la proue nous fait réentendre le standard su différemment sur la basse mât et la batterie bossa et latine juste ce qu'il faut!

Dans cet album Franck Amsallem se montre un grand chanteur (voire plusieurs) ET aussi le grand pianiste de toute sa carrière instrumentale, concilie les deux ! le premier Amsallem Sings était magnifique mais on en restait à "Ah il chante aussi? Et très bien" mais en s’accompagnant seul au piano! Le chanteur John Hendricks a dit à Jazz Mag que les chanteurs donnent une émotion humaine que peu d'instrumentistes peuvent égaler !

Body & Soul de Green, Heyman, Sour & Eyton est magnifique aussi, juste piano voix, avec ces retards, ralentissements, chase avec lui même dans ce dialogue amoureux avec l'instrument, et on y retrouve là encore la fraîcheur vocale qui émeut même si on l'a déjà entendue par tant d'autres, un peu Monk ou Bill Evans des jours mélancoliques, cet abandon, lâcher prise pour l'envol dans le final!

Il y a chez Amsallem chanteur quelque chose d'un Chet Baker mais mature, plus méconnu que le juvénile androgyne que j'adore de Chet Baker Sings, plus "It Could Happen To You" ou Baker's Holiday!

Justement "It Could Happen To You" est très différente de Chet, moins mélancolique, sur une batterie latine et une bonne basse en réinventant son tempo, avec la voix devant ou derrière, en embuscade, je la préfère même à celle de chet pour sa modernité et même ce presque scat sur meeeee, moins mélancolique, plus vivante, moderne, presque, si je ne craignais de l’insulter à la manière rajeunie de Jamie Cullum dans ses standards et dans le solo de piano j'entends la mélodie pour un « piano de mauvaise vie » où "Mozart joue du Jazz coiffé d'un chapeau melon" de Claude Nougaro sur Bleu Blang Blues (d'après Jeru de Miles Davis un standard, mais moi aussi je ne me souviens que des chanteurs ou des chansons, ou des paroles, rarement des compositeurs instrumentaux!

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Paris remains in my heart non plus je ne connaissais pas forcément c'est une composition originale d’Amsallem et Elizabeth Kontomanou , mais ça fait drôle de l’entendre garder un peu d'accent américain en passant au français puis à l'anglais, comme un dialogue transatlantique piano voix bilingue et entre ses voix!

Mais ça envoie aussi sur « Just One Of These Things » de Cole Porter, moins rapide que d’autres versions d Ella & Louis, où le piano retient la lancée pour la relancer ailleurs et la voix d’Amsallem se fait cri d’enthousiasme sur la basse, invente son propre phrasé, ses voicings (qui portent bien leurs noms) comme un instrumentiste en chantant ou non à tel ou tel moment, comme trouvant ses propres espaces non explorés par d’autres depuis pas loin d’un siècle et raviver la flamme qui court sur le piano avec la rythmique en feu follet surprenant! The Sound of surprise disait Ellington comme l’apanage du jazz, on le retrouve ici sur des standards qu’on croyait connaître par coeur!

The Second Time Around de Cahn et Van Heusen m’était inconnu aussi mais dans son envol a quelque chose de « The Song Is You » ralentie du tempo de Charlie Parker par un chanteur que j’ai oublié pour me souvenir juste de « The Song Is You ! » puis me fait penser dans son immobilité mélancolique qui se cherche entre voix et piano me fait penser à une version positive de « But beautifull » ou mieux à la version de Lush Life chantée et accompagnée par son auteur Billy Strayhorn (je n’ai dû l’entendre qu’une fois dans une émission d’Alain Gerber) !

How Deep Is The Ocean m’étonne aussi par rapport aux versions Ellaiées par son tempo plus lent sur la seule basse avec cet fois l’envol d’un vrai scat Bakerien mené jusqu’au bout ou à ce qu’on croit l’être puisque le piano reprend ensuite où la voix s’arrête ! La Surprise, LES surprises du Jazz sont celles là, de voir que tel interprète va accélérer à tel moment, ralentir à tel autre, rendre le triste gai ou le gai triste on ne sait comment (c’est peut-être la seule qualité d’un brad Mehldau de jouer Billie Holiday de façon guillerette et de faire qu’on y croie) avant un super solo de basse !



Two For The Road d’Henry Mancini (compositeur de La Panthère Rose) et Bricuse non plus je ne connaissais pas! C’est plus un Blues instrumental after hours et longue durée pour terminer mais qui a encore le temps dans ses 7 minutes de nous créer tout un monde qui chante et susurre ces mots inconnus à mi parcours et finit comme Chet dans It Could Happen To You Happened To Meeee!

Alors je me demande pourquoi je n’écoute plus trop de chanteurs de jazz actuels ! Parce que je préfère Chet, Frank, Bille Sarah ou Louie et Ella ? Certes ! Par peur peut-être aussi d’entendre massacrer ces trésors de mon jardin secret, ce qui me déprime au plus haut point! Un exemple de cette déception était « Midnight Sun » d’Elizabeth Kontomanou où je ne retrouvai aucune des mélodies aimées par Billie Holiday même pas dans ce Midnight Sun que je ne connaissais pas par Billie mais adorais par Sarah Vaughan avec un orgue et Count basie et des violons! Toujours est-il que je trouvais qu’elle prenait avec les mélodies des libertés qui me les rendaient méconnaissables!

Je craignais aussi de n’en avoir rien à apprendre de neuf ni de plus que les insurpassables précités d’entendre « une AUTRE version de... », de entendre ENCORE ces standards au point d’en être dégoûtés! Il manque souvent ce sound of Surpise dont parle Ellington!

Jean Daniel BURKHARDT

Je passerai cet album demain jeudi 4 septembre à 21 h dans mon émission Jazzology sur Radio Judaïca

Il sera en Concert au Sunside le 20 septembre!