Dans Jazzology demain à 21 h sur radio Judaïca je vous présenterai le dernier album en trio du nouveau trio du saxophoniste Ellery Eskelin avec Gary Versace à l’orgue Hammond B 3 de sa mère et le batteur Gerald Cleaver. Vous pourrez les entendre tous trois demain soir 11 octobre à Pôle Sud En Première Française ! Et Eskelin n’a jamais été aussi sage et lyrique!

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Ce Midnioght Sun de Lionel Hampton et Sonny Burke), qui enregistrera une belle version avec Sarah Vaughan et l’orchestre de Count Basie à l'orgue Eskelin le commence comme Naima de Coltrane (plus proche de ce à quoi il nous avait habitués jusque là), puis le retrouve comme par hasard et s’y révèle pour la première un grand chanteur au saxophone. Gary Versace, presque liturgique à l’orgue Hammond B 3 de sa mère, ne nous fait pas regretter l’inquiétante étrangeté d’Andréa Parkins dans son premier trio.

Ce Soleil de minuit de sensualité religieuse et mystique (origine liturgique, Messiaenique de l’orgue, Fats Waller jouant sur celles de Notre Dame) ou comment revenir au thème en partant d’ailleurs.

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Sur ce Just One Of These Things de Cole Porter, Gerald Clever à la batterie ne nous fait pas trop regretter non plus Jim Black dans l’ancien trio d’Eskelin, (peut-être leur cohésion propulsive, la réactivité et la façon qu’il avait d’en ranimer l’énergie de ses uppercuts de boxeurs dans One Great Day qui viendra à n'en pas douter avec le temps). Eskelin semble perdre volontairement son chemin dans une forêt de standards autres que celui annoncé pour en retrouver la clairière sue, connue, comme par surprise. Eskelin est trop puissant pour ne pas être Hawkinsien, trop libre pour ne pas faire plus penser à Coltrane.

Gary Versace taille à ces standards un costard à la super énième mode mais rappelle dans son solo la bonhomie de Jimmy Smith, Rhoda Scott ou Wild Bill Davis. Ce trio retrouve le Jazz des standards DANS ou A PARTIR DE l’esthétique moderne free ! Et finalement dans son dernier chorus, Ellery Eskelin joue AUSSI Lesterien !

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Ils passent aussi par We See, standard bop de Thélonious Monk, Versace trouvant sur l’orgue des équivalences insoupçonnées, nous font voir Monk par les Sphères (son second prénom) et la nébuleuse de l’orgue sur un rythme latin. Eskellin les rejoint semblant revenir d’One Of These Things, puis arrive au thème Bop . c’est peu dire qu’il n’ jamais aussi BIEN joué, plus follement oui, mais jamais de façon lyrique.et les bombes de Cleaver rappellent tout de même celles Jim Black, tout en restant fidèle au tinkty boum swing apprécié de Lester mais ne s’interdisant pas des roulements plus libres..

L’orgue aussi fait son œuvre pour envoyer Monk dans des sphères qu’il n’avait pas explorées, comme Monk envoyait ailleurs Just A Gigolo.

Autumn in New York

Eskelin retrouve à la Lester « My Ideal » de Richard Whitting et Newell Chase) , la fille idéale mais ne la courtise pas des pieds à la tête comme elle-même mais comme un collage surréaliste d à Midnight Sun, à Autumn In New York, à Everything Happens To Me par Chet Baker en rade de son pianiste Dick Tardzwick à Paris!.

Et finalement n’est-ce pas une façon de nous faire entendre ces standards trop connus AUTREMENT comme des pochettes surprises?

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Gary Versace a ce bouillonnement pneumatique ambulatoire de l’orgue Hammond qui en fait une Cadillac pour voyage immobile, un lit roulant gonflable à la Eddy Louiss où buller même dans les rues, un pré chill out d’exception, un canapé de luxe d’un club à l’autre! C’est là une jolie version, Lesterienne, Dexterienne, Cole Porterienne, Chet Bakerienne (There Will Be Another You) juisqu’à la prochaine!

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After You’ve Gone de Turner Layton, Après ton départ, mais qui est partie ? La mélodie ailleurs, la chanson?

Pourtant le tempo n’est pas si loin par moments d’un swing modernisé, et le saxophone finit toujours, on ne sait comment, par retrouver le thème.

Eskelin entre avec ce disque dans la famille des grands saxophonistes lyriques ou leur paie son écot comme Chris Potter avec Gratitude, entre dans la cour des grands comme Pierrick Pedron avec Out Of A Dream.

Finalement il ne quitte le thème QUE pour mieux y revenir par surprise quand on ne l’y attend plus.

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L’album se termine avec Flamingo de Ted Grouya & Edmund Anderson, loin de la version de Coleman Hawkins et Kenny Burrell dans sa comique cascavalcade introductive de l’orgue et du saxophone où les flamands roses jouent à saute mouton avec les Pink Floyd avant de les retrouver finalement quand la batterie leur rappelle l’Afrique en entrant dans la danse.

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Avec ce disque Ellery Eskelin invente une attitude INVERSE de celle de Miles au PLugged Nickel (et de tous les Jazzmen passés du répertoire des standards obligés au free jazz en les décomposant par l’improvisation). Eskelin vient DE l’improvisation et retrouve ENFIN les standards par des moyens détournés!

Jean Daniel BURKHARDT