Bonjour chers auditeurs,Demain dans Jazzology je vous présenterai le dernier album Tribe du trompettiste Italien Enrico Rava sur le label ECM avec Gianlluca Petrella au trombone, Giovanni Guidi au piano, Gabriele Evangelista à la contrebasse et Fabrizio Sferra à la batterie ainsi que Giacomo Ancillotto à guitare en guest. Ils seront demain vendredi 8 février en concert à Pôle Sud !

L’album Tribe commence par la ballade Amnesia aux jolies lignes mélodiques trompettes trombone (Gianluca Petrella) sur une mélodie très simple mais belle. On y entend que Rava a comme Chet, Petrella ou Glenn Ferris le talent de faire durer les notes et leur émotion et les terminer librement par l’aléatoire

Après le solo de piano de Giovanni Guidi dans Garbage Can Blues, on retrouve le groupe dans Choctaw, un bon Blues Be Bop où Enrico Rava a des phrases à la Miles Davis électrique sur la batterie drum N la basse ronde de Gabriele Evangelista, les cinglantes cymbales de Fabrizio Sferra puis un jeu de cache cache avec le trombone en embuscade sur le martèlement pianistique de Giovanni Guidi.

Autre bon Hard Bop plus modal d Enrico Rava rappelant Rava Noir et un peu le Pinocchio de Nefertiti) par ses lignes brisées Cornettology, comme Ornythology de Charlie Parker peut-être, ou hommage tardif et très modernisé à Bix Beiderbecke, cornettiste de Chicago qui trouvait que la trompette avait « un son pee wee ».

Dans les ballades très lentes, comme F. Express (dédiée peut-être à l’immobilité mobile d’un voyage en train) la trompette d’Enrico Rava a le naturel d’un coquillage de Steve Turre échoué sur une plage italienne, d’une trompette oubliée par Chet Baker en Italie sous les vagues Jazz Rock tremblotées de la guitare à la Bill Frisell de Giacomo Ancillotto, quelque chose de très libre que Rava apporte au Jazz transalpin dans cet Art d’être porté joué, agi par la musique plus qu’il ne la commande avec cet abandon de prendre son temps.

Dans Tears For Nèda plus encore, Rava fait pleurer le chant des sirènes en lignes atmosphériques, puis revient sur terre avec le vent pour caresser la « Song Tree », Chanson Arbre dont Rava se fait rameau tandis que Petrella enfle les feuilles et que Sferra fait bruire les branches. « Paris Baguette » est plus mélancolique que « La Petite Laitue » de Roy Eldridge, et me fait penser à un petit matin parisien d’avant à Paris, un peu de ce blanc laiteux encore du début du Central, dernier roman d’Alain Gerber.

Et puis La Mer, L’Arbre, La Baguette, tout cela est sur la Planète Terre, Planet Earth nous dirait Prévert qu’il faut préserver, si belle parfois avec une trompette rappelle Here Comes That Rainy Day  sur les cymbales bruissantes tandis qu’au loin le trombone en prolonge la ligne en coulisse vers on ne sait où sauf que ça bouge comme des tempêtes climatiques apocalyptiques annoncées dans un crescendo dramatique.

Sur la terre, il y a des tribus, des tribus d’Afrique et des tribus urbaines des clubs qui jouent du Bop Africanisé, des cats comme disait Cab Calloway, et ce groupe Tribe est la nouvelle tribu d’Enrico Rava qui portera ses tribulations à Pôle Sud demain soir à 20 h 30. Tribu nomade peut-être et de passage qui finit par s’assourdir, s’endormir sur l’herbe ou dans un lit de hasard

Une Tribu Jazz ça sert à l’Improvisation, à créer et composer ensemble, à se séparer puis retrouver, remplir l’espace du silence, être totalement de soi et complètement au service des autres avec cette liberté qui en fait le plus bel exercice de démocratie musicale possible !

Jean Daniel BURKHARDT