Depuis quelques années, un étrange hillbilly, d’abord imberbe, depuis barbu, hante les bars, places, festivals et tavernes de Strasbourg, leur donnant à s’y méprendre un air d’Etats-Unis tant il joue de la guitare Country, chante et martèle le sol d’une clochette en vrai hillbilly country blues à la Chris Isaak. Pourtant, nul destin unique ne l’a mené des fleuves boueux à l’Ill et au Rhin, car Thomas Schoeffler JR est né ici ! Mais il a si bien intégré les styles et le répertoire de Johnny Cash , Hank Williams ou Bob Dylan et tant d’autres que c’est à s’y méprendre! Et mieux encore, son deuxième album, « Daddy’s Not Going Home », comme le premier, offre hormis deux reprises des compositions originales à la manière de ses idoles ou crée le sien!

Le premier album était acoustique, celui-ci un peu plus électrique, mais toujours en solo. Dès «Day By Day » on retrouve la voix plus aigue partant plus loin sur le bourdonnement progressif d’une guitare électrique s’approchant du riff de « La Grange » piqué à John Lee Hooker et son « Boom Boom » () qui ne leur en voulait pas car « ils font du bon Rock’N’Roll ». La voix se fait de plus en plus aigue après et les riffs reprennent en Rock Métal en cascades jusqu’à la fin. On a presque envie de le remettre tout de suite, s’arrêter à ce premier titre pour en apprécier la progression, le chemin parcouru!

« How Long This Day Wil lt Last” commence plus lent mais retrouve l’harmonica le jeu de guitare skiffle sur un air rappelant le populaire irlandais « Dirty Old Town » écrite par Ewan MacColl en 1949, rendue internationalement populaire par les Spinners, les Dublinershttp://www.dailymotion.com... puis par les Pogues. Cette chanson fut écrite en référence à Salford, ville du Lancashire, en Angleterre, la ville où l’ auteur angry young man Ewan MacColl a été élevé comme mIke Grove, chanteur des Spinners. Lorsqu'il écrivit cette chanson, les autorités locales furent d'abord mécontentes que Salford y soit publiquement surnommée « sale vieille ville » (c'était pourtant un surnom connu de tous les Anglais). À la suite de nombreuses critiques, un passage fut modifié par l'auteur, ainsi la phrase « smelled a Spring on the Salford wind » devint « smelled a spring on the smoky wind ». Puis la guitare se fait de plus en plus picking électrique et proche des prestations des prestations solo de Thomas Schoeffler Jr, dont le talent est de composer des chansons qui nous en rappellent d’autres mais en restant originales. « A Girl In Your Car » (http://www.youtube.com/watch?v=FyOC8XY6i1Q) (Chuck Berry et Little Richard furent arrêtés avec une fille dans leur voiture!) rappelle “God He Knows My Name” du premier album dans le riff et la mélodie de départ et le « It’s all right Ma» de Dylan joué avec The Band puis enregistré sur “Bring It all Back Home” (le premier album un peu électrique de Dylan, après qu’il eût failli se faire lyncher par les folkeux pour avoir électrifié sa guitare!), mais Thomas Schoeffler y met l’énergie du premier Dylan en solo guitare et harmonica (mais chante et en joue mieux que lui) de “Freewheeling Bob Dylan» et la voix dans l’aigu d’un Hillbilly yodelant à la Elvis sur de bons ralentissements de guitare qui magnifient les fins des chansons de cet album.

« Daniel’s Fall » est plus apaisé et Country, rappelle un peu « Buckets Of Rain » de Dylan dans les accords, où il y a plus longtemps le Dylan du drame social « Ballad Of Hollis Brown » (http://www.youtube.com/watch?v=htEaLr08dBY&feature=related), mais avec le côté plus lumineux de la fin (le type se suicide en tuant femme et enfants mais d’autres naissent dans le monde) et l’ouverture à « On Too Many Mornings » (http://www.youtube.com/watch?v=Zjsr7q3F8EU) sur le même « The Times They Are A Changing », avec là encore un bon solo d’harmonica.

« Larry Cheek » revient à l’électrique, cette rappelle un peu dans son tempo la « Suzy Q » des Creedence Clearwater Revival de John Forgety ou la « Maggie’s Farm » de Dylan, mais en solo à la Hugo Race, fondateur des Bad Seeds de Nick Cave, gardant les qualités de l’acoustique, ne laisse pas l’ampli et la distorsion, les effets faire le boulot à sa place mais emporte la chanson dans une nappe sonore slide avec un côté Jimmy Page période Yardirds dans la rythmique adouci par l’harmonica.

« I’ve Lost Everything I Had » le dit avec joie à la Tex Ritter hoquetant et hululant “Rye Whikey” sur les accords indianisants en plus rapide du «2 000 Man » des Stones (sur Satanic Majesties Requests, leur essai d’album psyché à la suite du Sergeant Pepper des Beatles, mais plutôt raté à part « She’s Like A Rainbow »).

Après une intro Country Blues d’une note à la Ry Cooder qui quitta tout de même les Stones après « Sister Morphine » pour apprendre le sitar avec Ravi Shankar, rare ouverture d’esprit aux Etats-Unis) dans Paris Texas de Wim Wenders reprenant « Dark was The Night, Cold Was The Ground » du Bluesman Blind Lemon Jefferson en 1927, « Whatever You Do » est un autre bon Boogie Rock solitaiere poussant vers l’électricité rugissante en gardant l’authenticité du premier album. Il reste le meilleur compositeur de Country Blues Rock local.

L’éponyme « Daddy’s Not Goin’ Home » est une jolie mélodie de rupture (comme “Don’t Think Twice, It’s All Right” de Dylan) avec de beaux échos d’électricité comme venus de loin, peut-être la chanson où l’on voit le plus comme le nouveau Thomas Schoeffler envahit l’ancien d’un écho poussé plus loin. Il y a aussi un côté Wilco (pour moi le meilleur groupe New Country aux Etats-Unis pour « Sky Blue Sky en 2008 mais je ne les ai pas suivis depuis (http://www.youtube.com/watch?v=otz5V3RnG1Q)) avec cette nostalgie qui sied aux films de David Lynch.

« No More My Lord » est une reprise d’un vieux spiritual noir « No More Lawd » enregistré par Allan Lomax, commencé tout d’abord a cappella d’une voix bouleversante puis continué sur un train d’enfer avec guitare et harmonica.

« On The Next Day » est une autre histoire de femme et d’alcool sur une bonne guitare slide avec un bon riff que Thomas Schoeffler Jr sait faire durer en intensité comme un bon bluesman.

« Alone & Forsaken » est une reprise d’Hank Williams (que Thomas Schoeffler Jr connaît mieux que moi, et qui mourut dans un camion d’un mélange d’alcool et de médicaments). Mais Thomas Schoeffler a rajouté au récitatif respecté un riff d’harmonica introductif et repris irrésistible puis l’énergie de la guitare et l’apaisement final.

« There’s No One To Greet Me » est un dernier thème apaisé et solaire acoustique puis électrique à kla Ry Cooder puis chanté avec cet accent irlandais américain qu’il sait bien imiter puis ça part en Boogie Rock !

Et je suis sûr qu’il s’en trouvera pour le féliciter, à commencer par moi et son public nombreux ou ceux qui le découvriront.

Jean Daniel BURKHARDT