Le Jazz est devenu une musique universelle qui se pratique dans le monde entier même en Israël, et plus que jamais des générations spontanées de jeunes musiciens « sidemen » émérites de gloires plus anciennes et confirmées montent leur propre trio ou groupes. C’est le cas du pianiste israélien Shai Maestro qui après avoir accompagné à 19 ans le contrebassiste israélien Avishaï Cohen (http://www.youtube.com/watch?v=PEhz_0yTavE&feature=related) (privilégiant d’abord le Jazz Américain aux Etats-Unis avec Chick Coréa , puis sous son propre nom, et retrouvant depuis deux albums ses racines israéliennes en chantant du ladino ou ses propres compositions. Après avoir prouvé sa maîtrise des standards Bop ou Hard BopHard Bop Shai Maestro sort six ans plus tard son premier album (http://www.youtube.com/watch?v=a0xPZ3eJ9tQ) « Confession » (http://www.qobuz.com/interprete/shai-maestro-trio/telechargement-ecoute-albums ) chez Laborie Jazz, accompagné de Jorge Roeder à la contrebasse (Roy Haynes, Gary Burton.) à la contrebasse et Ziv Ravitz(Lee Konitz, Esperanza Spalding.) à la batterie.. Et dès ce premier album, Shai Maestro enrichit le répertoire du Jazz de compositions originales variées entre influences classiques, Jazz très moderne à la Esbjorn Svensson Trio, orientalisme festif et mélancolie contemplative cinématographique !

« Confession” commence l’album en solo sur une note introductive mélancolique classique puis “Sleeping Giant” révèle la belle complicité du trio rappelant celui inaugural du trio Jazz piano basse batterie de Bill Evans (piano), Scott La Faro (contrebasse) et Paul Motian (batterie). La rythmique moderne assurée Jorge Roeder à la contrebasse rappelle à l’archet Dan berglund, contrebassiste Hendrixien et Ziv Ravitz à la batterie par ses effets drum’n’bass celle d’Esbjorn Svensson, tandis que Shai Maestro intercale déjà des traits rapides ou orientalisant.

“Brave Ones” est plus pop dans son piano à la EST sur la batterie, suivant la ligne dans sa course imperturbable dans le frétillement des cymbales, s’arrête quand la rythmique se fait plus groove sur la contrebasse, puis repart à la Keith Jarrett, s’allège au fond des touches. Chacun de ces compositions semble raconter son histoire sans paroles dans une dramaturgie dont l’intensité plus ou moins présente et passant d’un instrumentiste à l’autre semble le personnage.

Painting est une musique composée par Shai Maestro pour des peintures de Vilislava Boyadjieva animées en 2 D par David Wegmann Serin, commence très lentement sur une planète, puis focus sur un immeuble, entrée dans une chambre où un personnage aveugle à la Modigliani est assis sur un lit. Sur la contrebasse à l’archet aux résonances baroques, orientalisantes ou asiatiques, il sort par la fenêtre et grimpe sur le toit pointu. Une femme, en robe blanche, aveugle comme lui est dans la lune, il veut la rejoindre mais tombe sur la batterie assourdie. Le piano va larguer les amarres, mais se retient sur la basse. Elle le rattrape, et c’est lui qui va sur la lune tandis qu’elle va dormir dans le lit de la chambre.

Silent Voice est plus rythmé et dramatique sur la basse et la batterie dansante sur des rythmes festifs orientaux où le piano fait chanter silencieusement le fond des touches. On pense à Yaron Herman. La contrebasse passe de l’ancrage ethnique au Mingusien, au groove, puis la danse reprend à pleine voix.

Angelo commence sur un rythme de batterie original, valse émouvante à l’ancienne où l’on croit le voir danser mélancoliquement avec un certain Ellingtonisme oriental et des ralentis sur les cymbales.

Lethal Athlete est un jeu de mots amusant à l’ère du dopage, sur une batterie plus martiale et une basse groovy. On pense à Brad Mehldau ou Jean Michel Pilc, ou Malcolm Braff pour la touche Africaine autour d’une mélodie amusant.

« The Flying Shepherd » est le thème le plus rapide de l’album, suit l’envol de cet agneau dans le ciel à la Tristano en plus oriental, propulsé par la turbine de la turbine de la batterie et la basse qui groove à une vitesse faramineuse, s’arrête puis reprend avec un côté Monkien

Kalimankou Denkou est la seule reprise de l’album, un traditionnel de Krassimir Kuyrkchiyski, et l’album se termine avec « One for AC » (probablement Avishaï Cohen) plus rythmique et orientalisant, avec une chanson cachée où piano et basse joue l’intériorité d’une kora en impro libre.

Ces compositions de Shai Maestro sont exactement ce qu’on attendrait d’un Jazz Israélien en trio, avec cette touche orientalisante et festive, cette mélancolie parfois.

Shai Maestro se produira à guichets fermés au Cheval Blanc de Schiltigheim le lundi 15 octobre mais vous pourrez entendre cet album demain jeudi 4 octobre à 21 h dans mon émission Jazzology!

Jean Daniel BURKHARDT