Helen Merrill est née jelena Milcetic, d’origine Yougoslave, le 21 juillet 1930 à New York. Elle commence sa carrière dans des groupes amateurs, chez Reggie Childs et au Club 845 dans le Bronx en 1947, est engagée par Earl Hines en 1952 pour son grand orchestre. Quincy Jones la conseille et arrange son premier disque fin 1954 avec le trompettiste Clifford Brown et le contrebassiste Oscar Pettiford et le pianiste Hank Jones, ainsi que le guitariste Barry Galbraith. Si ce « Born To Be Blue » l’engage sur la voie de la douce mélancolie, ce somptueux « Don’t Explain » montre que la blonde à voix d’alto et de brume peut rendre doux et dédramatiser le répertoire de Billie Holiday avec grâce, sur l’écrin d’un arrangement sublime.

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Rares sont les artistes qui rencontrent le succès du premier coup. Ce sera le cas d’Helen Merrill, sacrée « meilleure chanteuse de Jazz blanche » avec ce premier disque à acheter les yeux fermés, réédité en 2005 par Lonehill Jazz ou sur le label d’origine Emarcy. Elle y excelle en tous points dans un style instrumental, sur les tempos lents ou plus rapides, accompagnée de cordes ou de cuivres comme sur « ‘S Wonderful » des frères Gershwin rendu célèbre avant-guerre par Maurice Chevalier et son accent français.

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Dès ses débuts, Helen merrill est unique, semble sans influence et unique en son genre, tracer son chemin seule et toujours bien entourée, mais échappe à la compétition, puisque jouant seule dans sa catégorie, et a l’humilité rare de « ne pas appeler les producteurs mais de les laisser venir à elle », comme elle l’explique dans la pochette de son disque « You’ve Got A Date With The Blues », composé de titres étant soit des Blues soit sur la couleur Bleue, original concept album qui n’en est pas un pour le label Verve en 1959, produit par Leonard Feather à son retour du Brésil, accompagnée par Jimmy Jones (piano et arrangement), Jerome Richardson flûte et saxophone ténor, Barry Galbraith toujours à la guitare, Johnny Cresci à la batterie, Milt Hinton à la contrebasse et Kenny Dorham à la trompette dans « The Blues » de la suite Black, Brown & Beige décomposé rythmiquement avec un sens évident de la dramaturgie musicale, ou avec cette fois le bleu comme couleur, écoutons ce très doux « Blue Gardenia », un des thèmes fétiches d’Helen Merrill. Helen_Merrill_Blues.bmp

Si Helen Merrill chante sublimement bien, son vrai secret est peut-être plus poétique que vocal : caresser les mots des standards avec sensualité, nous les restituer dans leur essence poétique, en faire de la musique pure, nous faire parvenir à un au-delà du sens par le ressenti émotionnel.

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Et si cela est vrai en anglais, ça l’est aussi en français. Elle vient en Europe de 1959 à 1962, et sera la découverte de Nicole et Eddie Barclay...Elle aime à chanter en français avec un accent charmant qui avale certains mots sans nous les faire regretter, comme dans « Vous M’éblouissez », traduction du standard « You Go To My Head » qu’on écoute.

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Toujours en Europe, Helen Merrill passe par Rome, où elle se produit en 1960 pour l’émission de télévision « Moderato Swing » avec les musiciens de Jazz italiens du pianiste Piero Umiliani, prestation rééditée par RCA sous le titre « Parole E Musica ».

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Helen Merrill s’établit en 1972 au Japon jusqu’en 1975, travaille avec John Lewis, et revient à Paris en 1984, où elle rencontre Jean-Jacques Pussiau qui la fait enregistrer deux disques sublimes avec son accompagnateur attitré, le pianiste et claviériste Gordon Beck. Ce sera tout d’abord le magnifique « no tears...no goodbyes » fin 1984 pour le label Owl (réédité par Universal France), au titre tiré de « When i Look In Your Eyes » alliant sa voix de brume sensuelle aux rythmiques pianotées très fortes dramatiquement de Gordon Beck. Helen Merrill s’y révèle non seulement une chanteuse pour musiciens, mais encore une musicienne des sons, des mots et de la poésie pour sa faculté à les caresser pour nous consoler ou nous les faire entendre différemment. C’est par ce disque que je la découvris il y a plus de vingt ans, et avec lui qu’elle se produisit à Strasbourg pour Jazzdor en duo en 1994.

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Deuxième de la série, en 1986, Helen Merrill et Gordon Beck remettent le couvert avec « Music Makers », invitant au festin le violoniste français Stéphane Grappelli et le saxophoniste soprano Steve Lacy. Helen Merrill y excelle dans deux ballades cinématographiques, dont ce Laura sublime d’une voix de rêve.

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C’est aussi l’occasion pour Helen Merrill de remercier dans le titre éponyme, composé avec son mari le pianiste Torrie Zito, les musiciens qui l’accompagnent avec Steve Lacy au saxophone soprano.

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Si l’art d’Hellen Merrill touche aussi par la nostalgie, elle va toujours de l’avant. Ainsi, si elle retrouve en 1987 pour Collaboration l’arrangeur, chef d’orchestre et pianiste Gil Evans, c’est pour réorchestrer les succès de leur disque « Dream Of You » de 1956 et y ajouter un « Summertime » sublime sur le canevas imaginé par Gil Evans pour le « Porgy & Bess » de Miles Davis. Retrouvailles in extremis : Gil Evans s’étendra quelques mois plus tard.

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Dans les années 90s, Helen Merill multiplie les collaborations sublimes sur le label Gitanes Jazz avec wayne Shorter sur « Clear Out Of This World », ou le trompettiste Bakerien tom Harrell qui partage avec elle et Chet Baker ce goût pour l’émotion et le mystère. Si Chet avait été le plus féminin des chanteurs de Jazz, Helen reste la plus Bakerienne de ses chanteuses.

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En 1999, retour aux sources pour Helen Merrill avec « Jelena Ana Milcetic aka Helen Merrill et Steve Lackritz ake Steve Lacy, puisqu’ils retournent à l’île Croate de Krk dont les parents d’Helen Merrill étaient originaires. Elle écrit à cette occasion le texte « Long, Long Ago » sur une musique de Thomas Haynes Bayly de 1833.

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Enfin, Helen Merrill a encore sorti en 2004 « Lilac Wine », sur de sublimes arrangements de cordes tchèques et avec Torrie zito claviers, Lew Soloff trompette, George Mraz contrebasse et Alan Merrill guitare, son fils Rocker eu avec le saxophoniste Aaron Sachs né en 1951 Longue vie à Helen Merrill qui s’est remise à tourner et a encore sortie un nouveau disque et pour nous la chance de la voir en concert ?

Jean Daniel BURKHARDT