Avec son projet Tinissima (), le saxophoniste et clarinettiste Italien Francesco Bearzatti (Aldo Romano, Gianluca Petrella), en t-shirt gondolier marin rouge et noir, rend hommage à l’actrice Hollywoodienne, photographe à Mexico, humanitaire à Berlin, Moscou et pendant la guerre d’Espagne Tina Modotti (1896-1942) née à Udino dans le Frioul où il fit ses études par plusieurs tableaux musicaux illustrés de photos relatant sa vie bien remplie, passionnée, généreuse et engagée, avec projections de photographies, accompagné de Giovanni Falzone à la trompette, lunettes et crâne rasé, Danilo Gallo (contrebasse guitare basse acoustique), barbu Rock à banane, et Zeno De Rossi, chemise rouge garibaldienne et Casquette Castriste à la batterie.

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Tina Modotti naquit dans le Frioul, région pauvre de l’Italie, pendant cette belle Epoque qui ne l’était pas pour tout le monde, ne put terminer sa scolarité et fut ballottée entre Autriche et Italie, puis prit un travail de couturière dans un manufacture textile d’Udine. Pour évoquer cette enfance difficile, Bearzatti emploie dans Mandi Friul le lyrisme à la Dolphy de la clarinette, dont Falzone imite bien le trompettiste Booker Little par son ubiquité décalée et ses effets étouffés ou violents sur la guitare glauque, puis la batterie les fait s’envoler vers la liberté d’une vie plus libre ou moins dure, ailleurs, avec sur l’écran ces foules misérables d’Italie noircissant les rues et un portrait de Tina Modotti jeune.

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Ailleurs, ce sera Outre-Atlantique, en Amérique, où Tina Modotti rejoint ses parents à San Francisco en 1913, travaillant dans le textile en manufacture, puis comme couturière indépendante. Elle épouse le peintre et poète Canadien Roubaix de l’Abrie Richey.

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Elle sera même actrice Hollywoodienne au temps du muet de films de tigresse (Tiger Lady ou The Tiger’s Coat), mais ces films en costume correspondaient mal à son tempérament de gauche.

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America traduit ces espoirs en une échappée libre, puis les musiciens se recentrent sur une rythmique plus swing de l’époque sur fond de drapeau américain, le voyage en Amérique, comme un certain Elia Kazan, autre émigrant Grec venu de l’Empire Ottoman, qui en tirerait le film America America.

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Plus que dans le Cinéma, c’est dans la photographie, qu’elle apprend avec Edward Weston, que Tina Modotti trouva son expression artistique. L’effervescence intellectuelle et artistique cette période est bien traduite par Why, interrogation qu’on pourrait rapporter à la misère, l’injustice, la mort de son mari en 1922, l’Art et la Vie...

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En 1923, Tina Modotti part à Mexico ouvrir avec Edward Weston un studio photo. Elle y fut l’amie et la modèle de Diego Rivera pour La Terre et Frieda Kahlo, y rencontrera Maiakovski.

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Dans ce pays en constante Révolution Sociale après le Zapatisme, elle trouve un style abstrait et personnel (très éloigné du figuratif et du réalisme de Weston), mais à forte portée idéologique de gauche dans le mouvement des muralistes voulant libérer le peuple des propriétaires terriens.

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Mexico illustre cette période par des références dans le saxophone à « A Child is like a tree » d’Albert Ayler, saxophoniste de Free Jazz Américain et son épouse Mary Maria, Falzone rappelant un peu son frère Don Ayler à la trompette, engagés dans cet autre mouvement libertaire plus tardif, le Free Jazz , mais auquel ce projet donne peut-être par sa réflexion sur l’histoire et les engagements Européens de Tina Modotti, un sens que le Free Américain trouva trop rarement (peut-être dans All Africa dans We Insist ! FREEDOM NOW SUITE de Max Roach, ou Archie Shepp dans son Attica Blues. Puis on part rythmiquement au Mexique sur des rythmes exotiques de Mariachis.

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Quand Edward Weston rentre aux Etats-Unis en 1926, Tina Modotti reste à Mexico et sous l’influence de nouvelles rencontres, adhère au Parti Communiste, ce qui lui vaudra son expulsion en 1930. De retour en Europe elle choisit la Vie (la préservation de celle des autres) à l’Art, publiera encore quelques photos dans des feuilles rouges à Berlin, mais son engagement l’engagera davantage dans l’assistance humanitaire avant l’heure.

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Missions retrace ces Missions avec des cuivres comme des appels lointains puis une rythmique de plus en plus Rock, sur laquelle Falzone utilise un kazoo, l’embouchure seule, puis prend des attitudes de Miles Davis période électrique.

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A Moscou, Tina Modotti s’engage au sein du Secours Rouge, porte assistance aux militants communistes blessés. Dans Russia, on retrouve la clarinette et les influences Européennes klezmer teintées de mélancolie slave.sur la basse grave et la trompette trouvant l’émotion dans des raucités inouïes.

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En 1936, c’est la Guerre D’Espagne qui fait s’engager Tina Modotti aux côtés des Républicains Anti-Franquistes, où elle s’occupera de problèmes de santé et d’assistance.

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Si Hitler considéra cette Guerre comme une répétition de la Seconde Guerre Mondiale en bombardant Guernica (dont des détails sont projetés), Staline ne fut pas tout blanc non plus, enfermant les chefs du POUM Anarchiste comme Andréu Nin pour désarmer celui-ci au profit de ses Brigades Internationales venues d’Europe ou d’Amérique (Orson Welles) pour prêter main-forte contre le Franquisme. Marionnettes politiques, comme celles d'Edward Weston, à l'écran.

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Cette Guerra Civil donne lieu à une basse Flamenco Jazz à la Olé de Coltrane qui éclate soudain en Paso Doble Jazz Rock poussé jusqu’au Free par Bearzatti, puis ralentit tragiquement à la défaite comme un train.

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A la défaite des Républicains Espagnols, en 1939, Tina Modotti voulut rejoindre les Etats-Unis, n’en obtint pas l’autorisation et repartit à Mexica, où elle mourut en 1942 d’une crise cardiaque dans un taxi. Les dernières photos montrent une femme vieillie avant l’âge, aux yeux cernés par une vie dévouée aux autres.

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Mais le dernier titre est un message d’espoir, Hermanos No Duermes (Ne Dormez pas, Frères !, citation de Pablo Neruda), comme Fédérico Garcia Lorca écrivant avant d’être fusillé par les franquistes : « Je ne veux point de pleurs ou nous sombrerons dans un océan de larmes »), et se termine en procession sur la batterie martiale sur les cuivres gémissants, criant la révolte.

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En Bis, Francesco Bearzatti nous offrit deux extraits de leur dernier disque, dédié cette fois, aux héros noirs de la lutte des Droits Civiques comme Malcolm X, qu’il imagine dansant au cotton Club (ce qu(il fit dans sa jeunesse), mais sur de la Disco Bop! Pourquoi pas, s’il avait vécu, peut-être se serait-il laissé pousser la coupe Afro pour revendiquer le Black Is Beautifull et fêter les Droits Civiques? (http://www.youtube.com/watch?v=xkhAx2NGr4k)

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Ils terminèrent en rendant hommage à Mohammed Ali par un titre Afro Beat rappelant le combat et festival de Kinshasa.

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Merci à ce quartet Transalpin de donner au Jazz ce sens historique et cet engagement.

Jean Daniel BURKHARDT