Après le Son, le Mambo, la Salsa, la Timba et la folie des papys des Afrocuban Allstars qui tombent comme des mouches vu leur âge, la dernière sensation Cubaine depuis 2000 est le chanteur Raul Paz. Né à Pinar Del Rio en 1969 (d’où peut-être son goût pour la Musica Campersina et l’accordéon vallenato Colombien), il fut découvert lors d'un concert de la Fania dans les années 90s et a enregistré son premier album sur le label RMM de Ralph Mercado, puis, après sa faillite (suite à la mort de Tito Puente et Celia Cruz), a signé avec Naïve, où il a sorti Mulata, (2003) sorte de dub à la Cubaine, mais avec un intéressantDanzon-dub, "Aprietala", Revolucion (2005), plus funky et avec des cuivres, En Casa (2006) où il revisitait le Son, le boléro et le cha cha cha de son enfance, le live En Vivo (2007), enfin, Havanisation, et était vendredi 30avril à la Salle des Fêtes de Schiltigheim en concert.

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Le concert commence avec Mejo, Tengo, trois titres du dernier album. Les cheveux roux et plus long, presque coupe afro, il fait un peu penser à Robert Charlebois à son arrivée en France. Il est accompagné d’un jeune claviériste, d’un bassiste et guitariste noir portant dreadlocks, d’un percussionniste et batteur, d’une section de cuivres composée d’un trombone et d’une trompette et d’une très jolie chanteuse claviériste et percussionniste de charme. Il a une voix puissante et émouvante. Dans les bolèros (, on peut parfois même penser à l’entendre au grand chanteur Beni Moré. Gabriel Garcia Marquez a eu une jolie phrase sur Raul Paz, l’appelant «La Paz De Mi Guerra ».

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On peut dire qu’au long de sa carrière, il a pris le temps pour apprendre, assimiler progressivement les différents genres de la musique Cubaine, même s’il la modernise plus qu’il ne la prend au pied de la lettre, ajoutant des influences venues d’ailleurs comme le Reggae, le Rock, le Funk, le Hip Hop ou le vallenato Colombien. Il a trouvé sa voie vers le Son et le Boléro avec En Casa qu’il composa, dit-il, lors de son retour à Cuba après des études et un début de carrière en France, y trouvant une émotion vocale qu’on ne lui connaissait pas, mais déclare tout de même après cette chanson «Ce qu’on a besoin maintenant à Cuba, c’est d’être libres ».

Je porte un T-shirt Che Guevara (ramené de Cuba), certains au dernier rang agitent un drapeau Cubain à son effigie....Est-il pour lui le symbole de cette liberté ou du Castrisme dont Cuba pourrait se libérer sans perdre les acquis sociaux de la Révolution?

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Les Salseros et Salseras sont en place, au premier rang, mais il est vrai que sa musique ne prête pas vraiment à la danse de couple, même si on a vu tanguer un couple à la manière des danses de salon pendant un boléro. Bon public, ils ne lui tiendront pas rigueur, et lèveront toute la salle dans les travées jusqu’à la fin du concert avec un public plus debout qu’assis., même ceux d’un certain âge.

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Prenant sa guitare, on pense aux troubadours engagés de la Cancion Cubaine comme Pablo Milanès, parfois (trop rarement) à Irakere dans le fender rhodes, sans cette énergie Jazz-Rock, ailleurs, des fusions intéressantes, comme un solo de trompette de Son pur jus sur la rythmique de La Murga De Panama du tromboniste Willie Colon, chantée par Hector Lavoe fit une fusion intéressante, ou une salsa proche du Son sur le rythme dans les descentes de piano bouleversantes sur"Me Recordaras" dans «http://www.youtube.com/watch?v=4v3z...» d’ Adalberto Alvarès.

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Pour ce qui est des modernisations qu'il a amené à la musique Cubaine, on a pu apprécier le décalage dub des cuivres d’El Beso qui ouvrait Mulata, puis il partit en phrasé hip hop, avec plus d’authenticité dans la rythmique Cubaine que le groupe le hip hop Orishas (ou plus de respect pour ces dieux de la santèria Cubaine. Mua Mua Mua fut aussi bien envoyé avec les chœurs en décalage dub.

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Il reprit aussi avec la chanteuse une ballade chantée à l’origine avec la chanteuse française Soha.

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21 h 30...premier bis ou suspense, premier retour. Le piano peut aussi jouer à la Ruben Gonzales dans Clasiqueando con Ruben sur Buena Vista Social Club.

Raul Paz reprend à sa sauce, d’une voix moins aigue et efantine que l’original, Clandestino de Manu Chao, repris en chœur par le public.

22 h 15... second retour pour un Freaky moins funky et à la Jamiroquai Cubain que l’original, sur un rythme Reggae Jamaïcain avec une guitare psychédélique, freak en ce sens-là.

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Mais on a quand même l’impression que ce chanteur Cubain fait tout sauf de la musique Cubaine, et quand on l’aime, ça manque, malgré le Revolucion final (http://www.youtube.com/watch?v=ijwKxqidlTA), si énergique fût-il, braillé en chœur par le public, fût-ce même le poing levé, avec un solo de guitare à la Santana, aurait aussi bien se trouver dans un concert de Rock voire de Métal, n’ayant plus rien de spécifiquement Cubain, plus Sound System que Latin.

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Aussi, dans le bus, je ne puis m’empêcher d’être un peu amer sur le futur que Raul Paz prépare à la Musique Cubaine à l’heure de la mondialisation. Que restera-t-il de cette culture magnifique si les Cubains eux-mêmes la renient, ou ne la défendent pas particulièrement? Après tout, la musique Cubaine n’a pas BESOIN du Reggae ou du Funk pour être excitante. Ou l’inculture du public l’a-t-elle menée là, à cette World Music, sauce gumbo apatride et fourre-tout où sous les épices et le piment tout goût local se perd pour ne plus se retrouver. Yuri Buenaventura au moins se présente comme Colombien, fait de la Salsa, des chansons en français version latinos, mais aussi du Currulao de fanfare, fait connaître cette culture. Le Latin Rock/ Latin Soul de la Fania a été volé aux Cubains (Irakere faisait à l’époque de la Salsa sans le savoir mieux que beaucoup de ses groupes) et par les New-Yorkais à grand renfort de musiciens exilés en profitant du blocus mais restait latine, pour un public latin. Si les jeunes Cubains de l’an 20..10 se mettent à faire du Rap, du Rock et du Reggae, quelque soit le côté fédérateur, consensuel de ces musiques auprès du public le plus jeune ou le moins versé en musique cubaine, cette culture va disparaître avec les derniers papys de l’ Afrocuban Allstars, et ce serait une perte pour la musique mondiale, quitte à paraître réactionnaire. Eux défendaient le Son bec et ongle, et Ry Cooder leur a donné une visibilité pour le marché Américain, puis internationale! Raul Paz prend à tous les râteliers pour obtenir un mélange efficace, mais que REND-IL en échange à ces cultures ? Il leur tond la laine sur le dos et s’en habille, en fait son écheveau de fortune, et après ?

Jean Daniel BURKHARDT