Après une pause avec Bumcello, le batteur Cyril Atef (Olympic Gramofon, M, Alain Bashung, l’ONB), présentait le 15 décembre CongopunQ au Cheval Blanc, son nouveau projet où il joue de la batterie des percussions, des samplers et claviers et du likembé (piano à pouces africain aussi appelé sanza) trafiqué électroniquement à la manière de Konono N°1 ou le Kasaï All Stars, dont il devient de fait l’un des pionniers en France pour le côté Congo, et qu’il considère comme des punks Africains, en duo avec le danseur et le performeur / décorateur d’intérieur Constantin Leu, alias Dr Kong, alias Oussama Jésus, phénomène barbu de deux mètres de haut né d’une mère Française et d’un père Roumain ayant fui le régime de Ceaucescu ... Ils ont déjà sorti le disqe "Candy Goddess" avec des invités sur Underdog Records, mais c'est sur scène, en duo, qu'il faut les voir.

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Dr Kong fait partie de « Musique post-bourgeoise » qui recherche de nouveaux lieux et de nouvelles formes de relations entre public et artistes visant à ce qu’ils ne fassent plus qu’un dans une sorte de happening. Frank Zappa avait fait des essais dans ce sens à ses débuts en jetant de la nourriture de la scène sur le public, l’invitant à faire l’amour sur scène dans la libération sexuelle des années 60s. Jim Morrison avait assisté à certains de ces happenings et rêvait de cette communion, d’une communion totale avec le public dans un acte collectif, mais le show-business et les Doors ne le lui permirent jamais, alors que lui dès l’album « Strange Days » ne voulait plus être cette idole sexuelle pour les femmes et révolutionnaire pour les hommes, mais changer le monde. Cette déception n’est peut-être pas étrangère à sa fin tragique. CongopunQ pose aussi ces questions, de manière plus légère et moins idéologique. Mais le public est-il prêt à sortir de son rôle passif pour entrer dans le spectacle?

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La couleur est donnée d’emblée par Cyril Atef, en pyjama afro et bonnet gnawa (comme au dernier concert de Bumcello en octobre, en fait) : « Vous êtes assis ? Notre but est de vous faire danser ! ». Il commence, comme nous sommes dans un lieu du Jazz, par une improvisation.

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Constantin Leu/ Dr Kong/Jésus Oussama arrive lentement, religieusement, sur les basses de la « Sanza Music is good for you », hip hop comique prêchant les bénéfices de l’instrument sur la sanza à peine saturée, au son encore très pur, armé d’un rouleau de film plastique, vêtu d’une peau de bête et masqué de rouge et chaussé sabots/babouches remontant en cornes de rhinocéros.

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Atef part en batucada sur la caisse claire et la cymbale que Kong approuve de tout son corps d’une transe immobile et convulsive, puis se cache sous sa peau de bête.

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Dr Kong se dévêt, s’extirpe de sa peau comme un serpent d’une ancienne mue morte, tape dans une percussion puis la remplit d’eau et la verse musicalement. Il intègre l’absurde électroménager ordinaire d’une panoplie d’accessoires détournés, rendus inutiles par l’art, dans sa danse post-moderne ou préhistorique.

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Cyril Atef entonne «New World Disorder », la chanson la plus engagée et actuelle de l’album, où Black Sitichi énonce par des vocaux hip hop les extrémistes de tous poils qui terrorisent nos informations et alimentent la paranoïa, la peur de l’autre, par le « désordre du nouveau monde » et sa paranoïa : chrétiens à nouveau nés, jihadistes islamistes, Zionistes constructeurs de murs, hérétiques sans foi..



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En plus de ses qualités d’improvisateur Cyril Atef, se révèle aussi dans CongopunQ, comme dans Bumcello, un efficace compositeur de chasons format pop accessibles au plus grand nombre.

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Soudain arrive un des spectateurs (habitué des concerts Jazz du Cheval Blanc) qui vient participer avec eux, se mettant une peau de lapin comme barbe postiche, et adoubé par dr Kong, devient le « nain de jardin» du spectacle. Tout cela était bien entendu improvisé.

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Alors que Cyril Atef continue de jouer, Dr Kong nous fait du café sur une petite plaque électrique , annonce « CAFFFFFFE » au micro d’Atef, le verse dans des verres et le distribue aux premiers rangs. La générosité fait partie du spectacle, comme un pied-de-nez à ces temps de crise, une alternative collective à l’égoïsme.

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Plus tard, Dr Kong retrouve son métier de décorateur d’intérieur : il amène des tuyaux de PVC et les assemble en un grand cube, qu’il entoure de plastique noir, tend des cordes à linge dans le public, invité à les fier aux poutres de la salle, puis y étend son linge.

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Cyril Atef rentre dans le cube, n’en laissant sortir que son visage au sourire lumineux et ironique, profondément humain et radieux d’un soleil intérieur de tolérance envers toutes les cultures, et ses bras aux mains jouant « Whirl & Sweat », un thème instrumental de l’album sur son likembé trafiqué/saturé, en tirant des sonorités inouïes qui en font de fait l’un des meilleurs spécialistes en France, dans la lignée de KonooN°1 et des Kasaï All Stars en Afrique. Il y avait un côté camisole de force aussi, peut-être involontaire, quoique CongopunQ et Cyril Atef sont de douces folies plus intéressantes que la raison ou ce qui est accepté comme tel !

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Soudain, revenu à la batterie, il invite le public à rentrer à son tour dans cette cage, cette boîte de nuit prévue à cet effet pour danser sur sa musique de plus en plus électro-transe mais avec des moyens naturels, si l’on excepte le sampleur et les likembés trafiqués, en tous cas joués avec un jeu naturel..

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Sur l’instrumental « Red Car Go », je suis donc rentré dans la cage avec les autres, certaines y enlevant leur pull, mais pas davantage (nous sommes hélas en 2009), et Dr Kong vint nous y visiter, nous offrant sa seule expression de joie souriante (naturelle) du concert (où il avait un regard d’un vide sidéral incarnant l’absurde et l’incompréhension face au monde environnant), avec une idée pour la suite : «après on balance la cage dans le public! ».

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Ce que nous fîmes, comme pour impliquer de force les derniers « assis » de la salle. Il faut dire que CongopunQ a plus l’habitude de se produire dans des lieux de concert et pour un public debout, dansant, hurlant et en transe, et que la sale du Cheval ne sy’y prêtait pas vraiment, ce qui constitua un défi pour le duo : LEVER ce public assis.

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Une seconde vague de spectateurs goûta donc aux charmes de la cage, revenue sur scène, et je trouvai dans le plastique de ses murs des vertus d’élasticité percussives qui furent hélas fatales à certaines de ses arêtes. Je ne crois pas de toute manière que le but de CongopunQ est de garder la cage, sa construction, ou celle d’une tente scénique, d’une yourte industrielle pour les réfugiés de la musique, faisant partie de la prestation de Dr Kong.

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Ceci n’empêchait pas les éléments de la première vague de dériver entre salle, scène et cage dans une joyeux sac, ressac et raz-de-marée désorganisé, ou de retourner dans la cage voir ce que les autres y faisaient.. Ne plus voir qui est le public, qui les artistes était le but de cette déroutante opération appliquant à l’art l’engagement Sartrien (ils auraient dû avoir CongopunQ au Tabou, vous imaginez un peu Juliette Gréco et Boris Vian dans la cage!).

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Sorti de la cage, j’ai été moi-même réquisitionné par Dr Kong alors que je croyais pouvoir regagner ma place sans participer davantage. Dr Kong m’assit donc sur un tabouret à ses côtés, gonfla un coussin d’aluminium, puis le jeta à terre, m’intimant du geste l’idée de l’écraser sous mon pied. A sa mine défaite et déconfite, j’ai d’ailleurs cru avoir mal compris... Puis il se coiffa dudit coussin et alla parader sur scène en St Nicolas galactique...

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La chanson « Invasion Cow-Boys» (Invasion des Cow Boys graisseux !) avec ses strophes rappelant parodiquement les Sisters Of Mercy, que je croyais comprendre comme une critique des hamburgers made in US, fut adaptée à la population locale en nous offrant les bretzels locales (gâteau salé alsacien créé par un pâtissier forcé sous peine de mort de créer un gâteau où l’empereur pourrait voir « se lever trois fois le soleil »), grâce à l’entrelacement tressé de ses branches). C’est peut-être le cholestérol, ces cow-boys graisseux nous guettant après les fêtes ou une parodie des régimes?.

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Dr Kong devint aussi un chien sur « Candy Goddess », qui donne son titre à leur album, hymne funky CongopunQien à une déesse en sucre à la manière de la dernière reine Bumcelliienne « Lychee Queen », attachant d’une chaîne un portrait de berger allemand à son cou et aboyant à sa manière.

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Le concert se termina en bis par « N’importe Quoi», leur plus grand tube «passé sur les radios et les télés » (radio la mienne, télé pourquoi pas, à coup sur le net !), techno parodique aux vocaux exultant les vertus du corps vibrant au refrain hymne à l’absurdité de CongopunQ repris par le public à corps et à cris puis vendirent leur disque entre 10 et 15 €uros à leurs concerts.... Allez voir CongopunQ : ce ne sera jamais deux fois pareil.

Jean Daniel BURKHARDT