« Les Nuits Européennes » nous emmenaient jeudi soir 14 octobre bien au-delà de l’Europe et des mers, en présentant à la Salle Du Cercle de Bischheim la chanteuse et guitariste de Blues Haïtienne vivant au Canada Mélissa Laveaux et le trio du pianiste Néo -Zélandais Aron Ottignon Aronas.

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Mélissa La veaux est une chanteuse de Blues Canadienne d’origine Haïtienne qui est devenue la sensation de la scène Folk Blues Parisienne du Trabendo.

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Elle est accompagnée de Mano, contrebassiste joliment fredonnant en seconde voix et du batteur et percussionniste Sébastien Lété.

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Elle a sorti après de nombreuses scènes son premier album « Camphor & Cooper » (le camphre et le cuivre, deux thérapeutiques avec parcimonie, dangereux à forte dose, qui ont le même charme insidieux que sa voix et sa musique, à consommer sans modération).

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Extraordinaire guitariste de Blues skiffle, elle se dit d’ailleurs « amoureuse de ses guitares » pour introduire la chanson « My Boat », qu’elle lui dédie, la comparant à un bateau dans lequel «elle rêve de long en large».

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Elle chante d’une voix sensuelle, parfois enfantine, puis profonde en anglais, français (magnifique « Chère Trahison » ou « Koudlo » «C’est un coup de pied dans le ventre, …obligée d’expirer les chagrins …Je te déchirerai la langue ») , : et Créole, semblant parfois mêler les deux dans des expressions à syntaxes anciennes entre insulaires et cajuns qui nous semblent savoureuses et poétiques (« C’est un où qu’on aille »), même si l’on en comprend qu’un mot de temps en temps, devinant le reste. C’est un peu l’exotisme Haïtien Et Canadien qu’on trouve réunis en elle, un Créole d’Outre-Mer sur la guitare Blues très authentique et parfois des rythmes un peu Bayou.

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Du folklore Créole, elle reprit une Berçeuse Créole Haïtienne trouvée sur un vinyle de Marianne Jean-Claude après l’avoir entendu au Canada dans l’émission enfantine « Passe-Partout », disant à un enfant que «s’il ne se couche pas, des crabes vont venir manger ses parents », et ajoute, ironique, « maintenant, y’a pire que les crabes en Haïti et pas qu’en Haïti ».

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Elle reprit aussi «Evil » (démoniaque) du répertoire sa première idole Eartha Kitt (décédée le 25 décembre 2008), composée comme une allégorie de la chanteuse sorte de Screamin’ Jay Hawkins au féminin (mais ça fait plus peur au féminin) à la voix acidulée et à la présence extraordinaire, qualifiée « La femme la plus excitante du monde » par Orson Welles qui en fit son Hélène de Troie

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En seconde partie, on pouvait entendre Aronas, quartet Anglais du pianiste Néo-Zélandais Aron Ottignon avec Nick Fyffe à la basse électrique carrément funky et deux noirs, Jerry Brown à la batterie, trio enrichi de Samuel Dubois aux percussions caribéennes (où se retrouvaient une batterie et quelques toms brésiliens, quelques rondins caraïbes frappés transversalement, (merci à Axelle pour ces précisions en cmmentaire) ET, ce qui est plus rare -je crois n’en avoir jamais vus en vrai-, deux steel-bands originaires de Trinidad, sculptés dans des fonds de bidons d’essence depuis 1945, faute d’instrument sur l’île pour fêter la victoire alliée), qui n’ont jamais joué musique si moderne, utilisé, pour le steel band, presque comme un fender rhodes pour donner plus d’harmonies.

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Ils ont déjà sorti « Culture Tunnels», leur premier album.

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Ils définissent leur musique comme du « Jazz+Punk+Dance ».

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Le Jazz, indubitablement, est la base du répertoire de leur musique: on reconnaîtra un peu des Gymnopédies de Satie, ou le début de « What I’d Say » de Ray Charles dans « Hot Tub », ralenti, décomposé, puis hystérique, partant rencontrer le Coltrane d’« A Love Supreme », sur la plage du carnaval steel band, et reste la base aussi de la technique pianistique d’Aron Ottignon, de ses montées - descentes époustouflantes stride d’ « Happy Song » mais du Jazz il semble n’avoir pris que les crêtes d’intensité et les moyens d’y parvenir, appliquées à d’autres musique.

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Le punk est surtout dans l’attitude iconoclaste, l’envie de bousculer le Jazz, le look (Aron Ottignon arrive en veste fluo rose et verte sur un t-shirt de femme nue), avec des lunettes de soleil aux montures camouflage léopard camouflage et porte une crête frisée sur son crâne rasé, le bassiste a les cheveux longs et une barbe et fêta son anniversaire sur scène avec un bouteille de Vodka Absolut, et ils boivent de la bière. Peut-être les punk rigolos quand ils dansent leur danse « Starfish » (comme un étoile de mer allongée sur le sol), le bassiste jouant même couché sur le dos, invitant le public à faire de même!

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Et cette modernité est issue uniquement de leur jeu live, deleur mise en place et de leur énergie propre, SANS EFFET ELECTRONIQUE AUCUN, simplement chacun amène sa touche Jazz, Funk ou Trad à propos pour un bonne mise en place pour amener l’ensemble à une intensité rare dans le Jazz.

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Et quand le public se lève irrésistiblement pour danser devant la scène commence la troisième dimension « Dance» de leur musique, reprenant des chansons connues, mais utilisant juste une intro de trois notes de «Tainted Love » de Gloria Jones encore plus modernisé que par Soft Cell de l’inconscient collectif, réduit à un reiff et la répétant en remix live acoustique sur la basse disco funky jusqu’à la transe, si bien qu’à la fin on se croirait dans une discothèque intelligente quand ils font monter la jeunesse sur scène.

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Justement, il faudrait remplacer la techno inculte par des musiques de ce genre, vivantes, ancrées dans une tradition, remettant au goût du jour les traditions percussives qui ont fait danser le monde, mais modernes et intenses.

Jean Daniel BURKHARDT