Même en formation réduite (Grégorio « Candela » Ott aux claviers, Pascal « Pascalito » Beck au trombone, composition et arrangements, Guy « Guido» Broglé à la composition et aux timbales, le Hollandais Roberto « Ro » Kuijpers aux congas, Pilou Würtz basses, qui a été le premier bassiste du groupe en 1990, et Osvaldo « El Guajiro » Fajardo chant), c’est énorme, incroyable de voir Sonando, , le meilleur groupe de Salsa de la région, composé de musiciens de Jazz locaux fous de musiques latines, jouer dans la salle d’exposition de la Bibliothèque Centrale, Rue Kühn, inaugurant toute une semaine de concerts de musiques traditionnelles dans les Médiathèques de la CUS avec : « Au Gré Des Vents » (folk local) le mercredi 4 février à la Médiathèque de Hautepierre à 15 h, Boya (musiques de Bulgarie) le jeudi 5 à celle de Neudorf à 20 h, les Papyros’n (klezmer, musiques tziganes, balkaniques et celtiques) le vendredi 6 à la nouvelle Médiathèque André Malraux à 20 h et IvRim (klezmer revisité à l’oud électrique) à la Centrale, mardi 10 février à 20 h, sur le thème «Musiciens d’ici, Musiques d’ailleurs », avec une table ronde le samedi 7 février à 15 h pour « comprendre l’itinéraire d’un musicien ».

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Le concert commence avec une nouvelle composition en clavé à paraître sur le prochain album de Sonando « Llego La Hora », avec le chanteur Osvaldo Fajardo au chant et guiro (percussion piriforme striée raclée d’une baguette).

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Suit le titre éponyme de leur dernier album, la salsa « Sonando El Montuno », où Osvaldo alterne guiro et maracas. Si le terme « Montuno » (montagnard) est le plus souvent associé au Son primitif qui descendit des Montagnes de l’Oriente, cette forme, modernisée avec des cuivres, et est ainsi à l’origine de la Salsa, il est encore présent dans la Salsa de Cuba et d’ailleurs, comme dans « El Mal del Hipocresia » d’Adalberto Alvarez ou même chez les « Afrocuban All Stars », célèbres papys Cubains du « Buena Vista Social Club » qui le remirent au goût du jour dans leur second disque « A Toda Cuba le Gusta », première idée de Juan De Marcos Gonzalès, mais qui suivit le film pour des raisons de publicité sur l’initiative du producteur Nick Gold. Après les accords de piano martelés pendant le solo de timbales et cymbales de Guy Broglé, Grégory Ott change le son de son clavier en un hallucinant « clavinet » 70s saturé comme le « Xénophone » de Bojan Zulfikarpasiç sur son disque « Xénophonia ».

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Sonando nous emmena ensuite en Colombie goûter la saveur du rythme de la Cumbia avec « Sabor De Cumbia ». La Cumbia, une danse noire des esclaves de Colombie du XVIIème siècle, fut d’abord jouée par des percussions, puis des accordéons, et passée ensuite dans les rythmes de la Salsa, pourrait d’ailleurs, d’après les magazines britannique « Songlines », français « Mondomix » et une récente compilation, supplanter le « Mérengué » Dominicain, en tous cas est l’objet d’un véritable engouement populaire en Colombie. Le chanteur improvise sur les chœurs pendant le solo de la cowbell, puis Pascal Beck prend son solo de trombone et la basse groove électrique termine le titre.

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Suit «A Bailar Bembé», une reprise de Fruko Y Sus Tesos, groupe Colombien de Julio Ernesto Estrada (Fruko) et ses « durs » (tesos) depuis 1970, introduit par le piano. Osvaldo chante la « Rumba Africana », invitant le public « a guarachar » (à s’amuser) puis se lance dans une « Bomba » Portoricaine sur la clavé. La richesse de la Salsa est celle de ces rythmes venus de toute l’Amérique Du Sud qui s’y retrouvent et se sont mélangés pour créer cette «sauce» syncrétique et généreuse à New-York qui a fait la fortune du Label Fania de Johnny Pacheco et Jerry Masucci, en utilisant à fond les musiciens Sud-Américains émigrés et exilés qui se trouvaient dans La Grosse Pomme.

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Suit une salsa dédiée par le groupe Sonando dans son dernier disque, « Para Ti Bailador », les invitant à « gozar » sur leur rythme. Le public bigarré répond à sa façon à cette invitation à s’amuser, peut-être plus à la musique qu’au mot : Booba, Salsero historique et premier DJ « Salsa » du Café Des Anges en 1998 danse avec des enfants, les collègues des musiciens du CEDIM sont dans la salle, ainsi que le personnel de la Bibliothèque et quelques couples de danseurs de la section Strasbourgeoise l’association «Ahi Na’ma» allient à la musique la joie de la danse pour le plaisir des yeux, prouvant que la magie de la Salsa opère partout où on la joue, où on la danse. Dans la musique aussi, la Salsa reste une musique improvisée collectivement avec joie de vivre sur des rythmes dansants, plus parfois que le Jazz Free actuel : la cloche cowbell de Guido Broglé se mêle aux peaux des congas du percussionniste Roberto « Ro » Kuijpers originaire de Hollande, tandis que le public participe en frappant de ses mains la clavé.

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Après « Abre Me La Puerta », arrive « Yo Soy El Son' » , un son' repris de “Mercadonegro” (marché noir) , l’un des meilleurs groupes de Salsa actuels pour Grégory Ott, formé par Armando Miranda (natif du quartier Buna Vista de Cuba , Rodrigo Rodriguez né à Carthagènes en Colombie et Cesar Correa, né à Truijllo, au Pérou, étant tous éduqués dans des Conservatoires musicaux en Amérique Latine ou en Europe, ce qui est plus fréquent chez les musiciens de Salsa qu’ion ne pourrait le croire, en particulier pour les Cubains, qui ont souvent une culture classique.

Sur ce thème moins rythmé, Osvaldo Fajardo dévoile sa plus belle voix, un peu à la Bèni Moré, le plus grand chanteur Cubain pour le quel certains Cubains versent du rhum à même la terre « para el Bèni ». Le texte rappelle qu’outre le Son, le chanteur de Salsa est aussi l’incarnation de la Rumba et du Guaguanco, et par là l’héritier des esclaves Yoruba arrachés à l’Afrique qui purent, à Cuba, garder leurs tambours, rester en tribus au sein des cabildos (sociétés d’entraide) et continuer de pratiquer, jouer et chanter ces formes primitives dédiées aux dieux Afro-Cubains de la Santèria, en parallèle avec le christianisme imposé, d’où un syncrétisme intéressant (Chango, qui ouvre les portes se confondant avec le Christ, Yemaya la déesse maritime avec la Vierge Marie, etc…).

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Après un break, Grégory Ott prend un solo de piano en cascade à la Ruben Gonzalès montrant sa culture classique dans « Classiqueando con Ruben »par des accords lents, des accélérations contrôlées, et des réitérations rythmiques fracassantes lançant le solo de trombone puissant, puis langoureux.

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Suit « Baila Mi Gente », reprise du conguero Poncho Sanchez, une des dernières légendes vivantes du Latin Jazz et de la Salsa encore en activité. Osvaldo multiplie les « guias » (improvisations vocales en rythme du chanteur sur les chœurs). Pendant le solo de « Pascalito » Beck au trombone, le piano le soutient par ses répétitions rythmiques entêtantes qui paraissent semblables, mais font évoluer le thème par des variations infinitésimales mais essentielles sur le tapis des percussions congas, timbales et guiro. Suit un solo de congas où Roberto « Ro » Kuijpers d’un fût à l’autre, du plat de la main, de la paume et du tranchant de la main sur les accords martelés du piano, fait « parler » les tambours, rythmé par les « Baila Mi Tambor , Baila Mi Gente » d’Osvaldo et des autres en choeurs…

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Nouvelle composition à paraître dans le prochain album de Sonando, « Corazon Cubano » est d’un style plus proche de la Bomba Portoricaine, plus New-yorkais, d’un arrangement plus resserré autour de la voix d’Osvaldo qui part en proto-rap latino sur le rythme des mains du public, puis ça repart sur un piano d’enfer, le vocal un instant ralenti repart sur les chœurs en une rumba endiablée. Osvaldo confie les maracas à la petite fille qui dansait, puis le guiro au petit garçon qui jouent, ou croient jouer (ce qui doit être formidable dans leurs têtes) avec l’orchestre. Le nouvel album de Sonando promet d’être très varié rythmiquement , même à l’intérieur des titres. En attendant,on peut,outre leur albums, les trouversur une la compilation "Calor Latino 2".

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Suit «Rumba De Mulatos » (Rumba des mulâtres, une des nombreuses classifications des noirs à Cuba) de la Sonora Carruseles (http://www.myspace.com/sonoracarruselesdf ) , groupe Colombien fondé par Rincon Pachanga à Medellin qui a remis au goût du jour le « Boogaloo » (mélange de musique latine et de Soul afro-américaine) (http://www.youtube.com/watch?v=MI83PLKhr2Y ) et jouent des cumbias dans le style des la salsa des années 70s. Osvaldo scatte sur le solo de trombone, puis part dans un guaguanco dédié à Eleggua (personnification du destin dans la Santéria).

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Avec «Ache Para Todos», Osvaldo remercie tout le monde (« Ache para todo el mundo »), puis chante un dernier boléro de Pascal Beck, “Tu Veras” et puis s’en vont.

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En guise de rappel, tout le monde se lève, saute et danse aux accords introductifs de piano plaqués rappelant l’original de « Oye Como Va », Cha-cha-cha du timbalero Tito Puente, mais Santana, qui le reprit avec succès en Blues-Rock sur son album « Abraxas » dans les années 70s aimait la chanson autant que le compositeur lui en laissa toujours la paternité, ce qui rendit Tito plus célèbre.

Sonando a commis, sur son disque de 2003 épuisé depuis, « Salsa Explosiva », commis un fameux, le « Cha cha du glandeur» composé par les trombonistes Jean Lucas et Pascal Beck au texte amusant et estival : « De terrasse en terrasse, je mate les nanas, ça n’use pas les godasses et ça ne fatigue pas». Merci à Alexia Gabel qui à la Bibliothèque a eu l’idée de ce concert.

Jean Daniel BURKHARDT