Après avoir fait sensation depuis quelques années dans tous les clubs Jazz/Soul de Paris et au Festival Contretemps, Sandra Nkaké] a enfin sorti en 2008 son premier album "Mansaadi" où l’on retrouve sa Soul Jazzy ethnique porté par sa personnalité originale et des musiciens complices.

Sandra_Mansaadi_album.jpg

Dès « The Way You Walk » , composée avec Olivier Ambruster, les chœurs (Janice Leca, Lisa Spada, [Gérald Toto, Karl The Voice et Kova Réa) jouent les oiseaux (tu-tu) rythmant le petit matin autour de la voix de Sandra, prêtresse enfant Soul, babillant, pépiant gaiement de l’aube de son réveil où sa robe jaune allume le soleil pas encore levé et se dirige vers sa prochaine destination jusqu’au soir à une soirée où elle commande un petit whisky et fait sensation sur la piste de danse. Tout le monde, toute la journée, s’extasie sur son personne, aime sa façon de parler, de danser, de parler, et sa façon de chanter, elle n’en parle pas mais je ne vous dis que ça. Ça se termine dans le Ciel en Gospel, puis bercée par les gazouillis des moineaux pépiant du matin elle s’endort avec le chat qui ronfle et ronronne. Evidemment c’est communicatif, de quoi vous accompagner dans la joie du matin au soir, à vous faire briller comme des soleils de sa/votre lumière même en hiver toute la journée. Tout cela est si ethnique, naturel, et pourtant si moderne, presque electro, urbain dans le traitement, à énergie hybride en quelque sorte, dans la belle lignée des deux premiers albums de Léon Parker.

Sandra_affiche.jpg

« Happy » est la chanson la plus gaie de l’album, une sorte de Soul vitaminée par un fender rhodes de Vincent Théard aux accords décalés sur la guitare funky de Didier Combrouze autour de sa voix plus puissante, d’une soul plus veloutée et même une touche de musette parigotte dans les flonflons de l’accordéon de Fixie. On ne comprend pas tout mais parce que toute grande chanteuse transcende les mots par la mélodie dont elle les habille, les sublime et par l’habite, qui nous emporte, nous ravit dans son univers, son au-delà des mots. Pour elle c’est en Soul qu’elle change les mots par son tremblement félin venu de fond de sa gorge, de son âme, de sa soul, de tout son être. Le texte, en anglais, est toujours positif, varié utilisant la poésie des mots et les alphabets plus mystérieux épelant la poésie urbaine et du tag (Happy devient H.A.P.P.Y.) Sur les chœurs des musiciens, ça monte en puissance sur le final, jusqu’à la tempête, à la tempête, l’ouragan de la guitare portant les dernières vocalies jusqu’à la crête d’intensité dans l’aigu.

Sandra_Fez.jpg

« I Miss My Land », son pays, son Mansaadi, qui donne son nom à l’album, c’est l’Afrique où Sandra Nkaké est née, terre mère, souvenue, réinventée, fantasmée, la Soul’Amérique et aux Caraïbes aussi. Cette chanson commence donc sur le vent de la voix et un petit oiseau en petite bossa funky à la guitare, puis part en groove funky sur les cuivres (Yann Jankielewicz et Cyril « Chili The Most» Guiraud aux saxophones, Gilles « C Freak » Garin et Guillaume Dutrieux aux trompettes, Simon Andrieux au trombone) aux unissons sublimes autour d’elle, en swing caraïbe et en salsa légère sur le piano du co-compositeur Vincent Théard sur la cymbale. Depuis toutes ses années de Jams dans les clubs Parisiens, Sandra Nkaké s’est produite avec toutes sortes de formations, de musiciens méconnus (dont les surnoms font rêver à d’incroyables histoires de super héros musicaux) ou de premières parties prestigieuses comme celle d'Al Jarreau, dont des cuivres qui lui rendent la pareille ici. Elle est la somme de toutes ses expériences qui font la richesse musicale de son album, sa diversité. Sa voix, sa personnalité est également une source d’inspiration pour ces musiciens. Dans cet écrin, on pourrait presque la rêver en James Bond Diva, et puis on se dit que ce serait du gâchis, qu’elle mérite beaucoup mieux que ça à être simplement elle-même.

Sandra_Africa.jpg

« Stay True » : par la Soul sur un Beat moderne, le groove liquide des guitares de Vincent Théard et Booster, ou Sandra révèle son plus précieux conseil et son secret : «Rester fidèle à Soi et ne croire qu’en Soi », chante-t-elle avec les choeurs, au-delà de toutes pressions familiales, professionnelles ou sociales, de n’écouter que son cœur. Quand on l’a vue sur scène ou juste écouté son disque, on comprend qu’elle’ n’a jamais fait autre chose qu’être elle-même, mais dans tous les sens, en assumant toutes ses facettes, toute son histoire et ses expériences, et que c’est pour cela qu’on l’aime tant, car cela la rend unique. Sandra_chauve.jpg

« La Mauvaise Réputation » est le standard contestataire de Brassens, déjà remis au goût rgga du jour par Sinsemilia mais dans une version aux vocaux modernistes, aux chœurs naturels arrangés/mixés façon electro-groove par Olivier Ambruster. Et c’est magnifique de l’entendre par une Femme et par une Noire, à se demander pourquoi personne n’y avait pensé avant (toute la vie de Billie Holiday et de tant d’autres pourrait s’y retrouver). Le monde est vraiment trop maccho de n’y avoir jamais pensé… Et puis on est content que ce soit elle, avec sa raucité Afro et Soul, ses chœurs ethniques et si modernes, seule capable d’en faire une version du XXIème siècle et pourtant fidèle. Sandra_chapeau.jpg

«Yayaya» révèle une Sandra plus prêtresse Funky sur un groove plus dur, plus funky, fusion, cosmique, futuriste, propulsé par la puissance spatiale des fender rhodes de Vincent Théard et François Faure avec des échos de météorites urbaines, d’agressions extérieures. Ce Big Bang, a lieu tous les jours sur terre aussi dans nos mégalopoles, nos cités, nos ghettos, cette escalade de violence, et après le passage des tambours militaires, ça se calme sur les cordes, les cuivres, les voix : l’espoir renaît, repousse entre les pavés, même sous le béton et les bottes. Oui elle pourrait être la Diva d’un film Blaxploitation, d’un James plus Black que Bond à la mode Shaft…

Sandra_Afro.jpg

« Time Healed Me » est une ballade douce, électro, entre fender rhodes du co-compositeur Vincent Théard et voix des chœurs, dégoulinant/ moussant de tendresse électrique liquide bullant à la Stevie Wonder propre à embellir toute la journée, la vie entière. Sandra_allongee.jpg



« Fairytales » commence au piano rag modifié par le Beat electro funky du co-compositeur Vincent Théard, puis les cuivres, taillés au cordeau façon Groove Gang autour de la voix plus acidulée. D’ailleurs Sandra Nkake a chanté dans les chœurs de « Messieurs les anglais, tirez les premiers» sur le disque « Fire & Forget » de Julien Lourau, mais on ne l’entendait pas beaucoup, hélas. Ça swingue, ça groove, ça pulse, ça plane et ça part même en salsa sur la trompette. Elle a beau ne pas croire aux Contes de Fées, elle pourrait nous y faire croire, tant de tels arrangements servant une chanteuse de cette qualité sont rares par nos temps charriant plus d’ersatz R’N’B que d’authenticité Soul’N’Funky …

Sandra_Egyptienne.jpg

Dans « Disenchanted Son », sur des claviers à la Stevie Wonder et guitare wah-wah funky du co-compositeur Didier Combrouze, mâtinés de bons cuivres riffant avec le scat de Sandra Nkaké et du saxophone de Cyril « Chili The Most » Guiraud et Yann Martin à la trompette. Sandra Nkaké joue les consolatrices d’un « Fils Désenchanté » de notre époque, courant sans cesse après un plus sans l’obtenir, fuyant sans cesse. Les voyelles sont prolongées, bondissantes sur le groove d’un talk-over parlé sur la strophe/ chanté sur le refrain sur l’orgue soulfull pour lui redonner l’espoir. Aucun doute cette Soul Sister est une « chanteuse pour musiciens », et ils le lui rendent bien.

sandra_nkake_crie.jpg

Dans « Souffles », texte de Birago Diop, les chœurs imitent le vent sur les percussions corporelles de Marcello Preto, devenus rugissements du fond de la jungle, c’est à nouveau la part Africaine de Sandra Nkaké qui parle pour les esprits des ancêtres et prêche, fille de feu et sirène, prêtresse d’un beau texte qui les retrouve dans les éléments, la nature, la naissance…

sandra_nkake_nb.jpg

Plus proche d’elle, le titre éponyme « Mansaadi » est dédié par Sandra Nkaké à sa mère avec une voix plus mûre, comme portée par son esprit, de plus loin, du plus profond d’elle-même, et retrouvant aussi sur la fin de ce rituel thérapeutique son sourire de petite fille dans les notes aigues.

sandra_nkake_ch_che.jpg

« I’ve Been Lovin’ You » est une ballade Country-Soul sur les seuls arpèges et pickings Jazzys Roots du guitariste co-compositeur Didier Combouze sur lesquels Sandra Nkake place sa voix avec avec naturel et simplicité.

sandra_nkake_profil.jpg

Dans « A New Shore », on retrouve la chanteuse Soul’N’Funky bondissante avec les "Grééments de Fortune"sur l’orgue Soulful éclaboussant du fond des touches et des cordes, voguant de la Création du Monde jusqu’au prochain rivage, part en croisière sur son arche de Noé musical d’un bord à l’autre, de son passé vers son futur avec dans ses cales les chœurs et accueillie à son arrivée par un orgue de barbarie magique à la Sgt Pepper, comme sorti tournoyant des manèges de l’enfance avec le ralenti psychédélique d’un rêve.

sandra_nkake__motion.jpg

« I Believe » est la Ballade Soul finale, déclaration d’amitié solaire sur les deux temps du fender rhodes, au message simple, consolateur, le clavier et le scat partant même chanter et rire sous la pluie.

Sandra_Nkake_boubou.jpg

Attention, il y a le balafon de Cheick Tidiane Seick avec la voix de Sandra Nkake nous souhaitant quelques bon jours à la mode Africaine, comme une bénédiction finale des esprits en chanson cachée. Sandra_Mansaadi_album.jpg

De loin, c’est l’album Soul le plus personnel que j’ai entendu depuis longtemps… Et on comprend que si on aime tant Sandra Nkaké c’est de nous faire penser aux plus grandes divas de la Soul, mais de redevenir toujours elle-même au dernier moment, avant qu’on ne mette un nom sur nos souvenirs, car sa richesse intérieure couvre toutes les musiques noiresde l'frique aux deux Amériques, aux Caraïbes, de l'Afo tyrad au Jaz, à la Soul et au Funk, à la modernité Electro, mais nous les délivre à sa seule et unique façon….

Jean Daniel BURKHARDT