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Le 10 novembre 2008 à 22 h 30, JAZZDOR invitait le trio “Fat Kid Wednesday” (http://www.myspace.com/fatkidwednesdays ) de Minnéapolis, patrie de Prince, mais aussi de toute une scène Jazz très active avec Happy Apple (dont Michael Lewis est le saxophoniste), The Bad Plus ou le guitariste Jef Lee Johnson.

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Le trio s’est créé autour de la rencontre de trois amis de longue date : le saxophoniste alto et ténor Michael Lewis, le contrebassiste Adam Linz et le batteur au jeu non conventionnel JT Bates. Le nom du trio (« Gros Garçon du Mercredi») vient de leur rencontre à l’époque de leur adolescence, où les gros garçons obèses à force de hamburgers du mercredi (jour où ils n’avaient pas classe) allaient à la piscine…

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Michael Lewis a des cheveux longs et est le plus maigre des trois, chemise verte hors du pantalon et cravate, JT Bates entre les deux en chemisette orangée et Adam Linz est le plus « fat » des trois sans être vraiment gros, à lunettes, en jean et chemise blanche sous une veste noire.

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Dès le premier titre, une ballade cool du bassiste, puis de plus en plus tempétueuse, Michael Lewis fait figure d’agité du pavillon avec un son à la Dexter Gordon, balancé d’avant en arrière avec tout son corps sautant, se balançant d’un pied sur l’autre dans une attitude trash, parallèle au sol, sous le sourire et les petits coups répétés sur les mêmes toms et la cymbale de JT Bates, qui se lève parfois en plein solo pour changer d’attaque de baguettes en plein solo, courbé le reste du temps sur les éléments de la batterie.

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Mais la rythmique est toujours libre, au moins en partie, la basse assure son rôle originel de tempo fédérateur, rejoint par de petits breaks de Lewis pendant son solo, qui adopte ensuite un jeu Aylerien, pavillon au vent, mais avec un jeu plus Lesterien (premier agité du pavillon à 90° sous le soleil du Jazz) et sautille encore sur ses jambes, ne tient pas en place. JT Bates traite les éléments de la batterie en jouets qu’il manipule avec de longs silences, puis, debout, retrouve quoique surplace les attributs et la puissance ambulatoire des batteurs de fanfare, mais avec un air soucieux, appliqué à déjouer les rythmes naturels du Jazz d’une démarche contemporaine originale. Le saxophone parcourt la scène de long en large. C’est indéniable, c’est bien la passion du jeu et celle du Jazz improvisé sur le vif qui anime et embrase ces trois jeunes américains.

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Leur influence, avérée par une reprise, outre des compositions étranges mais séduisantes, soufflant le froid du cool puis le réchauffant en Bop/Hard Bop jusqu’aux échappées Free avec avancées, reculs et surprises, est aussi à chercher chez Ornette Coleman., tendance plus violente que « The Blessing » ou "Lonely Woman", plus proche de son «Free Jazz» par les ruptures mélodiques, les brisures rythmiques, dans son côté Parker destroyé sur le tempo rapide de la batterie fourrageant toujours, folle et rageuse de JT Bates. Adam Linz se montre aussi un scatteur de talent pendant ses solo, sans les qualités vocales et le côté solaire et latin d’un Rosario Bonaccorso. Il est le pilier, le mât directionnel, l’axe autour duquel tourne leur musique, qui lui permet par son assise rythmique imperturbable d’être folle par la liberté qu’il offre à ses acolytes.

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JT Bates est d’une nouvelle génération de batteurs de Jazz américains, plus libérés de l’obligation de donner le tempo, proche de Paul Lovens par ses effets «jetés» mais sans son côté ludique et absurdement farcesque ni aucune utilisation de jouets ou dispositifs extérieurs à l’instrument, et qui finalement bat tout de même le rythme, à sa manière non conventionnelle et parfois en « tinkty-boum », comme pour essayer, puis à contretemps, comme à l’envers, poussant plus loin encore ou les expérimentations menées par Jim Black, ou y rajoutant les siennes.

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Une fois lancée, la section rythmique basse / batterie se fait parfois machinale, celle-ci breakbeat / drum’n’bass par ses répétitions, où le saxophone intercale ses riffs et breaks, avec un vrai son de groupe évolutif. Chacun est à son tour rythmique ou mélodique, voire les deux, puis fond sonore pendant leurs solos.

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JT Bates joue recroquevillé sur lui-même, la tête dans les épaule et le dos rond, arc-bouté sur sa batterie pour faire peser ses effets de tout son corps, puis se lève pour changer d’angle d’attaque, frapper plus légèrement, car de plus loin. Dans cette technique, on croirait que les baguettes sont les excroissances de mouvements engageant le corps tout entier. C’est peut-être cet investissement physique total qu’il a amené à la batterie.

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Sur l’étui du saxophone est collée une relique de la campagne présidentielle américaine, mais on se doutait de leur position : un autocollant du ticket gagnant OBAMA (rouge) / BIDEN (bleu). Le jeu de scène et de jambes trash de Michael Lewis, a, aux deux-tiers du concert, raison d’une planche de la scène (peut-être de fortune, ce petit auditorium étant inauguré pour l’occasion), ce dont il s’excusera en remettant le tapis en place d’un « Oh Sorry, ‘think ’broke th’ stage» sur un tempo trrrès rapide, poussé jusqu’au cri, puis sautant sur place à pieds joints tel un Hard-Rockeur pour l’attitude et l’énergie.

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Si elle n’est pas du Jazz classique, « standard » dans ses formes, leur musique l’est indéniablement par ses instruments, mais aussi cette liberté qui les transcende, les mène on ne sait où (tiennent-ils à le savoir eux-mêmes ?), sinon vers un Jazz libre et énergique. Tel Lester « Prez » Young en Jam-Session dans le geste plus que dans la forme, Michael Lewis « Leaps In », rentre dans la mêlée de l’impro avec son anche et sa langue. « Cela fait 16 ans que nous jouons ensemble. Merci d’avoir joué pour une fois ailleurs que dans la maison d’Adam.»

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Fausse modestie, certes, puisque cela fait quelques années tout de même qu’ils jouent, sortent des disques, et courent les festivals de Jazz et Musiques Nouvelles et Improvisées partout dans le monde!

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Mais peut-être est-ce aussi leur secret, leur attitude qu’ils livrent ici : un groupe de copains d’adolescence qui font du Jazz « de garage », comme d’autres plus nombreux font du Rock de garage, dont les rapproche parfois leur énergie et leur révolte, avec la même passion fougueuse, la même superbe insolence de la jeunesse éternelle qui les conserve, la même liberté, la même envie, la même folie, la même incorruptible, irréductible indépendance. Être arrivés à garder CELA tout en menant une carrière à leur façon, c’est déjà énorme, dans le monde formaté et mondialisé qui est le nôtre!

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Jean Daniel BURKHARDT