Aujourd’hui 11 novembre, on pouvait assister au Centre Culturel Marcel Marceau de Neudorf à la création du projet « Liane » réunissant les groupes de musiques traditionnelles Iônah et le groupe Japonais Koma.

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Iônah est une formation locale réunissant le guitariste japonais Hideaki Tsuji, la chanteuse de Jazz Christine Clément, Marc Linhoff au sarod (plus petit que le sitar indien) et Hazaël Bonhert aux tablas et cajon. Lors de l’été 2007, ils ont fait une tournée au Japon invités par le groupe Koma, et les ont invités à leur tour pour quelques dates en Alsace.

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Le concert commence par Iônah, avec « Badrinath », le thème le plus inspiré du flamenco du groupe, grâce à la guitare d’Hidéaki Tsuji dont les cordes rythmiques se mêlent à celles glissées du sarod de Marc Linhoff qui les prolonge, puis parcourt toute la gamme de ses cordes d’un effet « ambient » bien connu dans la musique indienne. Puis le thème prend forme sur le cajon, de cordes virevoltantes et de peaux frappées au galop, comme un voyage de Thierry Titi Robin, guitariste de flamenco qui alla jouer jusqu’en Inde à travers les déserts, des jardins de l’Alhambra, à travers le désert du Sahara jusqu’en Inde à celui du Rajasthan. Mais il y a une vraie modernité dans le jeu, rappelant aussi la formation «Mukta » dans les envolées de la guitare et du sarod.

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Arrive Christine Clément entourée de clochettes, pour « Aëlwynn », composition japonisante qu’elle débute par des effets de souffle qui deviennent le rythme de base sur lequel se greffent guitare, cajon et sarod. Elle s’apaise et chante des paroles Japonaises ou bien imitées sur les accélérations de la guitare en vrille. Puis Clément va chercher au fond de sa gorge un chant mongol, tartare à l’attaque sur le galop du cajon, une folie dans le tempo rapide rappelant aussi les envols d’Angélique Ionatos dans « Sapphô de Mytilène ».

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Suit "Qu'es de ti, desconsolada?", titre arabo-andalou inspiré d'une mélodie du compositeur Espagnol du XIVème siècle .Juan del Encina. La voix de Christine Clément se fait orientale (elle est aussi l’une des chanteuses accompagnant le Grand Orchestre de La Méditerranée dans sa nouvelle version Electrique augmentée d’un trio Rock), vibre comme dans les vieilles Cantigas sur la guitare espagnole baroque, puis monte en puissance et même le sarod joue flamenco avec la guitare avec une vélocité où ils se confondent au point de ne plus pouvoir être distingués.

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Ils terminent avec « Vehuya », un autre thème de Christine Clément, plus joyeux et printanier, plus chinois que japonais dirais-je sans connaître aucune de ces deux langues, avec des vocalises dans un style d’opéra. Le solo de cajon joue le tonnerre, puis la voix reprend plus orientale par sa profondeur dans le second couplet, poussé jusqu’au cri final.

Arrive le groupe Koma d’Osaka: un grand tambour (asséné par Yoji Ueki), un ensemble Wadaiko de petites et moyennes percussions (frappées par Tomoya Terao) et une flûte shakuhachi (soufflé par Atsuhisa Kawasaki) et un luth shamisen (gratté par Yoji Ueki), interprétant des compositions et des reprises de thèmes traditionnels japonais. Les gestes avant de prendre en main la flûte ou les baguettes rappellent le taï-chi par leur élégance et leur sérénité.

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Après le début joué par les percussions moyennes et la flûte, Yoji Ueki arrive brandissant des clochettes, le visage caché sous son kimono, puis brusquement l’enlève et montre un terrorisant masque Nô noir et blanc, joue du grand tambour debout, menace le public en pointant ou faisant tournoyer ses baguettes. Joué de profil, on apprécie mieux la technique de grand tambour et les grands gestes en arc de cercle cosmiques des bras, frappant plus ou moins fort car de plus ou moins loin et donc avec un élan plus ou moins important. Quant à Tomoya Terao, il trouve aux petites et moyennes percussions des effets de roulements proche d’un batteur de Rock.

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Certains thèmes introductifs à la flûte shakuhachi ont la simplicité des compositions classiques japonaises inspirées par les sons de la nature (oiseaux, vent, ruisseaux), très reposants et zen, puis s’emporte sur les tambours dans les compositions, Atsuhisa Kawasaki tremblant des pieds à la tête pour insuffler cette vibration presque électrique à l’instrument.

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Pour les derniers autres thèmes, Yoji Ueki, également chanteur d’une voix rauque prolongeant les voyelles dans des aigus presque diphoniques, se met au luth shamisen, avec des techniques d’attaque de cordes à l’aide d’un plectre époustouflantes, mêlant pour plusieurs sons / jeux, en fait ne jouant pas toujours des mêmes cordes sur la caisse de résonance et sur le manche, avec des accélérations étourdissantes.

Pour la dernière partie, les deux groupes présentaient ensemble leur projet commun « Liane », tressée entre l’Orient, l’Occident et l’Asie. La guitare baroque puis le sarod accompagnent la voix arabo-andalouse orientale de Christine Clément, le shakuhachi et le shamisen prolongent la mélodie sur les percussions légères, puis la voix s’envole à la Angélique Ionatos.

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Dans le second thème, le shakuuhachi semble venir de très loin, puis soutient cette fois la voix voyageuse, se mêlant à elle avec des effets très intéressants dans les aigus. Guitare et sarod entraînent le shamisen dans leur danse sur les tablas entrecoupés par les aigus oiseleurs, presque diphoniques de la voix qui finit en chant de gorge plus profond. Les percussions Rock attrapent au vol et emportent avec elles le flamenco des cordes.

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Pour le bis, « O Kiri Ho » est repris en chœur par tous les musiciens, avec Christine Clément d’une voix vibrante rappelant celle des chanteuses de « Sarband » sur une mélodie lente, puis plus rapide chantant « Fô Pa » avec la flûte en fond sonore diphonique.

Bref, on a pu voir Christine Clément dans un contexte traditionnel, plus solaire et sereine qu’avec son groupe de Jazz-Rock un peu Wave «Polaroïd 4 » qui vient de sortir son album «One», et la liane tissée par ces musiciens entre l’Occident, l’Orient et la lointaine Asie nous a fait voyager agréablement dans des contrées méconnues car sorties de leur imaginaire. Les groupes Iônah et Koma seront en concert ce dimanche 16 novembre à 17 h au Grillen de Colmar.

Jean Daniel BURKHARDT