Yankele (Petit Jacques) en yiddisch est un groupe de musique Klezmer Strasbourgeois composé de Christine Laforêt (accordéon et chant), Jason Meyer (violoniste américain), Yannick Thépault (clarinette et voix), vêtu d’une tunique Balkanique et Jean-Christophe Hoarau (guitare), absent.

Yankele_esprit_Klezmer.jpg



Après un premier disque « L’ Esprit Du Klezmer », en 2001, avec Emek Evci à la contrebasse, Mathieu Bresch lui a succédé en 2007 pour le deuxième « Paris Klezmer », plus libre à le fois dans le mélange des traditions Balkaniques et du répertoire, avec un jeu collectif entrecoupé d’intermèdes solistes, interprétant des classiques réarrangés et des compositions originales des membres du groupe, qui a eu les compliments de Georges Moustaki.

Yankele_Paris_Klezmer.jpg

Ce samedi 16août, après s’être produits au Festival « Au Grés des Jazz » de la Petite Pierre, ils se produisaient au Maquis’Art, atelier d’artiste Strasbourgeois, dont le cadre de boiseries et statues contemporaines s’accorde très bien à leur musique à le fois traditionnelle et libre.

Yankele_Maquis_Art.jpg

Le concert débute par une référence à « Pierre Et Le Loup », Conte Musical de Prokofiev, improvisé librement par la clarinette Klezmer, puis repris par l’orchestre, contrebasse, puis violon, enchaîné sur une danse hongroise de Brahms et « Foun der Khupe », un Freilach (thème Klezmer improvisé) du clarinettiste Yannick Thépault dont la clarinette passe du grave à l’aigu, du sanglot au cri de joie, suivi de l’accordéon russe et des « Oï Oï » de l’orchestre que le Klezmer partage avec les cosaques et les Tziganes Russes. D’un thème, d’une tradition à l’autre, les chansons ne sont que des paysages entrevus par la fenêtre d’un Orient-Express modernisé. Le violon ralentit le tempo d’un « Kalinka » Russe, puis la clarinette reprend, lente, troublée, comme timide, pour s’envoler de plus belle sur un final de Danse Hongroise pris à un tempo de cavalerie dans les steppes.

Yankele_Prokofiev.jpg

« La musique Klezmer », explique Yannick Thépault « vient de « Kli » (instrument) et «Zemer » (chant) en yiddish » (langue des Juifs allemands) . Cette appellation est récente, date du Revival américain des années 70s. Mais la musique Klezmer date du début XXème siècle, où des musiciens Juifs amateurs la jouaient dans les shteyt’l (villages et quartiers juifs) d’Europe centrale à l’occasion des mariages, bar-mitzvahs et fête de Pourim. Mais à cette époque « Klezmer » était presque une insulte, attachée à la mauvaise vie des Tavernes. Mais comme les Tziganes, les Juifs ont su au fur et à mesure de leurs pérégrinations nomades fuyant le rejet dont ils étaient l’objet, assimiler les musiques qui les entouraient (Balkaniques, Russes, Tziganes ou Turques) à leur manière, qui les rapproche également du Jazz par l’improvisation, mais aussi s’adapter aux nouveaux rythmes venus d’ailleurs.

Yankele_affiche.jpg

Pour preuve suit un Tango en Yiddish «Ich Hob Dich Tzufil Lieb » (Je T’aime Trop), paroles de Rhaïém Taïbér sur une musique d’Alchanetski. On reconnaît dans le titre l’allemand réarrangé par le Yiddish (« L’allemand c’est le yddish sans l’humour », dit un personnage pour l’enseigner à un autre dans « Train De Vie » de Radu Mihaelanu. L’écrivain Juif américain Isaac Bashevis Siger a écrit que si l’Etat d’Israël avait choisi le yiddish au lieu de l’hébreu comme langue, il n’aurait pu avoir aucun succès militaire, car « Il est impossible de donner un ordre sans rire en yiddisch ! »).

Yankele_train.jpg

Le début sanglote avec la clarinette, puis l’accordéon part en Tango, suivi de la clarinette, le violon et la basse rythmique et enfin le chant d’amour émouvant et fou en chœur, contrastant avec la voix cassée par Thépault ensuite à la Louis Armstrong ou comme un contrebassiste de Jazz Praguois que j’ai vu jouerPlace St Charles. Après des parodies dramatiques théâtrales, ils finissent par reprendre le thème en Klezmer rapide.

Yankele_bois.jpg

Le thème suivant (« Tori Batié »?), Macédonien, commence par un accordéon à la manière du rebetiko grec, et se poursuit avec la clarinette turque, basse et violon en harmonie, puis part en danse de taverne tzigane turque sur l’accordéon en fugue, poursuivi par la clarinette avec ornement du violon et repart en rythme de cavalerie.

Yankele_en_action.jpg

Suit un « Freilach » : thème de base de la musique Kezmer : une danse vivante. Il débute avec la clarinette comme dans un sanglot, suivie du violon style cabaret tzigane, qui vient soutenir l’accordéon russe dans ses pleurs d’âme slave, puis soudain dans sa cavalerie rythmée par la basse. La clarinette s’envole soudain gaiement.

Yankele_thepault.jpg

Cette musique est « gaie et triste à la fois, comme nous », en disait Antoine De Caunes dans le rôle d’un clarinettiste de klezmer homosexuel faisant fondre la famille américaine très orthodoxe et le père rabbin de sa fiancée (Elsa Zylberstein) dans « L’homme est une femme comme les autres »de Jean Jacques Zlbermann. L’accordéon solote pendant que clarinette et violon duettisent. Parfois la corde se confond avec l’anche, s’enroule autour d’elle.

Yankele_l_homme.jpg

Le « Yankele » qui donne son nom au groupe est un poulbot des rues «Petit Jacques », un Gavroche juif comme la casquette du contrebassiste. Le thème commence triste, le violon en pizzicato étouffé aux allures de balalaïka est hanté par la clarinette en embuscade sur un tempo très lent. On pense à une musique tragique, solitaire, avec l’accordéon du silence et de la peine, sur lequel le violon use la corde sensible, suivi par les soufflets aux larmes de l’âme des lames de l’accordéon sur la basse lente, mais qui console aussi, déjà. Mais soudain le malheureux, le désespéré se relève, chavire et bascule dans un balancement enivré du Tzigane ou du Juif, se met à danser une danse folle, à la russe aussi gaie qu’elle était triste sur le tempo qui prend forme…puis retombe. Cependant dans son esprit, au fond de ses yeux, flotte encore l’ombre en miroir de son chagrin qui déjà se console d’alcool ou de lui-même, du bourdon du violon, de la clarinette et de la basse, dans une méditation immobile, avec la certitude que son désespoir comme sa joie ne sont que les deux faces d’une même pièce qui rit ou pleure selon les jours, philosophie qu’il a apprise du destin tragique de son peuple et de la sienne propre.

Yankele_rebbe.jpg

Plus peut-être que dans la Musique Tzigane qui est OU gaie OU triste sur tout le thème durant, le Klezmer peut l’être successivement, passer du désespoir à la joie (et vice-versa) dans le même thème. Le violon lent danse soudain sur l’accordéon, sur la basse presque cuivrée par l’archet, retrouvant son ancêtre la basse à vent des rues, tuba ou soubassophone des fanfares de New Orleans ou des Balkans entre les « Daï Laï » collectifs hantés de souvenirs russes, mêlés à l’expression proprement Yddish qui les a assilmilés, puis de plus en plus vive, s’ébranlant en une course folle dans des rues imaginaires. Suit un court intermède roumain, la « Doïna du vent », thème mélancolique des bergers Roumains dont Georges Zamfir est le spécialiste, passé dans le Klezmer. La clarinette joue à la manière d’une flûte « ney » turque soufie, comme le tzigane bulgare d'origine turque Ivo Papazov joue de sa clarinette à la manière d’une zurna turque, ou d’une cornemuse., le tout sur des rythmiques très modernes, qui vient de sortir "Dance Of The Falcon", son dernier album.

Yankele_Papasov_Falcon.jpg

La mélancolie passe vite avec le plus gai de leurs arrangements « Devotedly buoy ant abos » (aussi appelé « Nifti’s Freilach ») («N’épargnez pas votre monture »), chant hassidique traditionnel contenant le thème russe «Nyet Nyet » et popularisé par Giora Feidman.

Yankele_Giora_Feidman.jpg

Après une introduction rythmique, la clarinette y dialogue follement avec l’accordéon sur les envolées du violon, l’archet frappe le bois de la contrebasse, comme redevenant arbre de forêt sous une branche par grand vent, bois, sève et tripes, slappe les cordes, retrouve quelque chose du violoncelle originel son aïeul, se souvient de son histoire, rejoint l’oiseau libre si semblable du petit violon qui vient le taquiner de son crincrin comme la puce nargue l’éléphant et nos tympans de ses aigus de colibri, puis s’assourdit, se confond, se perd dans les soufflets de forge de l’accordéon Jazz qui pulse, prend la mer, se fait main, fait des vagues nous fait perdre l’équilibre et peur à douter de son équilibre jusqu’au mal de mer, nous relève au sommet de la vague dans les cris de chien fou, de sirène d’incendie et des mers à la fois dans leurs aigus de la clarinette, oiseau libéré enfin de tout et de lui-même par ce proto-groove ethnique au tempo original où tous se retrouvent, se confondent, se réjouissent ensemble à la fête et nous y invitent de leur bonne humeur et la basse finit en explorant le haut de ses cordes, du mât, sans crier « Terre » car on n’y découvre que l’inouï , l’inconnu le venu de nulle part qui part à l’aventure vers un ailleurs indéfini mais qui nous emporte dans son énergie musicale pure.

Yankele_en_action.jpg

Suit «Yedid Nefesh », repris dans le premier album du groupe « L’esprit du Klezmer ». Le violon tzigane joue devant le rideau rouge d’un Cabaret Tzigane Russe avec le soufflet et les boutons de l’accordéon slave, puis la clarinette s’immisce entre eux, sur le temps de la contrebasse qui s’écoule goutte à goutte. Cela prend lentement forme, comme un sanglot, pleurant de moins en moins, dansant de plus en plus, en des inflexions de sentiments minuscules et infinies à la fois, du malheur à la consolation, dans la beauté de cette ambiguïté, de cette navigation sentimentale louvoyant entre deux eaux. Ce tremblement peut pleurer ou rire, danser à perdre la tête ou la prendre dans ses mains, sourire à chaque instant, éclater ou se taire finalement.

Yankele_Klezmer_peinture.jpg

Suit un intermède soliste de "Paris Klezmer" à l’accordéon, «Caline Kitch». Après un Kalinka lent, méconnaissable, hésitant, vibrant comme un bandonéon argentin venu d’Allemagne dans les soufflets, hésitant, se perdant pour se retrouver ses touches, de plus en plus rapide quand le tempo s’emballe dans sa virtuosité, se dépassant, bifurquant vers une Danse Hongroise Hongroise devenue morceau de bravour des violonistes Tziganes qui fut mise en fanfare par Goran Bregoviç] qui le présente toujours comme un morceau militaire appris de son père alors dans l'armée, pour ouvrir la cavalcade du film «Underground» d’Emir Kusturika en 1995 sous le titre de Kalashnikov, mêlant house et thème Traditionnel, et retrouver le Kalinka en final.

Yankele_Undreground.jpg

Gitan et Juif se retrouvent dans « Gitan Juif », extrait du premier album. Le violon vibre, claque l’archet sur les cordes, craque, puis la clarinette vient taquiner ses réminiscences classiques digérées puis charriées par les torrents de l’émotion, quand même l’accordéon danse sur la basse à deux temps qui fait la grosse voix, l’arbre, le pilier du rythme quand les autres dansent autour de lui comme les enfants d’un shteyt’l juif d’Europe ou d’Amérique où le jeune Benny Goodman apprendrait la clarinette Klezmer à la manière Naphtule Brandwein à la synagogue avant de devenir « la tourelle » des clubs de Jazz de Chicago, puis le chef d’orchestre que l’on sait, qui ferait entrer "Bei Mir Bist Du Schön" au Carnegie Hall en 1937.

Yankele__tourelle.jpg

Dans le thème suivant, c’est du « Printemps » de Vivaldi que se souvient le violon sur la basse lente, puis le quitte pour d’autres danses, Tziganes Russes sur la rythmique des autres.

Yankele_Meyer_portrait.jpg

Quand ils s’accordent c’est déjà ou encore un silence habité de musique, de fêtes, qu’elles soient réminiscences ou futures. La clarinette sort de la grange en flammes en sirène hurlante, s’incurve vers l’émotion sur les harmonies des autres, dramatique, assourdissante, où couve un drame terrible qui se trame, annoncé, joué collectivement/individuellement, sans exploser encore, où la sirène prend son envol, rencontre le violon vrillant l’air, montent lentement très haut dans le ciel, mais avancent dans le drame vers un dénouement qui s’étouffera dans un silence des cimes. Fausse alerte.

Yankele_Salomon_Saba.jpg

Le violoniste américain Jason Meyer, est plus d’être un soliste virtuose, est aussi compositeur de certains thèmes, comme l’ «Ethiopique Blues» qui suit. Pourquoi Ethiopique, comme la collection célèbre rééditant les chefs d’œuvres de Mullattu Astaqué? Quel rapport avec la musique Klezmer ? Historiquement, il y a deux liens entre les Juifs entre les Juifs et l’Ethiopie : le Roi Salomon, malgré sa légendaire sagesse (qui ne l’empêcha pas d’avoir 700 femmes et 300 concubines), succomba aux charmes de l’Ethiopienne Makeda Reine de Saba et la demanda en mariage, essuyant un refus car elle voulant être l’unique épouse. Ils finirent par passer une nuit ensemble, et le Roi donna à la Reine en gage l’anneau de son petit doigt, faisant preuve en cas de descendance. Elle eut un fils , Ménélik Ier (comme le chanteur Soul Hip Hop Franco-Camrounais devenu Mnlk), qui visita Salomon et créa le Royaume ethiopien et la Dynastie Salomonique. En outre, ce fils importa en Ethiopie la célèbre harpe du Roi David, père de Salomon, dont il joua pour endormir le roi Saül, encore pratiquée par Alemu Aga, produit sur le label Ethiopiques.

Yankele Alemu Aga

Enfin, il y a les Juifs noirs d’Ethiopie (appelés Falashas en Amharique ou Beta Israël), dont les origines et la venue en Ethiopie se perdent dans la nuit des temps.

Yankele_Falashas.jpg

Le tempo de cette composition est lent mais allègre, le violon surfe sur la rythmique de la clarinette en proue de navire sur les vagues de l’accordéon, puis soudain part en valse lente sur la basse à la barre de cette felouque naviguant en pleine tempête rythmique. Peut-être peut-on rapprocher de la musique Ethiopienne funky et de ses orgues répétitifs utilisés dans la BO « Broken Flowers » de Jim Jarmusch ces réitérations rythmiques soutenant le violon où le rejoint la clarinette, mais la basse accélère le tempo et le frêle esquif rame d’un côté l’autre comme une pirogue africaine. C’est peut-être par là qu’on rejoint l’Ethiopie…

Yankele_Broken_Flowers.jpg

Violon, accordéon puis clarinette s’envolent puis s’arrêtent en breaks sur un autre thème dont les voix couvrent l’éventail rythmique et des traditions sur la basse au rôle rythmique de pilier assumé. Le contrebassiste Mathieu Bresch m’avait confié l’épanouissement musical qu’il trouvait dans ce groupe. Il est vrai que le Jazz actuel ne permet pas toujours à la contrebasse d’assumer ainsi seule le rôle rythmique.

Yankele_flou.jpg

Prenons maintenant « Le train de 7 h 40 » (enregistré dans « L’esprit du Klezmer » sous le titre de «7 :40 AM »), heure à laquelle les chauffeurs de trams prenaient leur service à Odessa. Les dernières brumes se dissipent encore sur la rosée matinale et il y a encore des reflets de nuits dans la Mer Noire aux premières mesures crissées de violon quand la clarinette mélancolique s’élève… Et soudain, c’est la vie qui s’éveille, la vie industrieuse de la ville urbaine et la journée commence, on met du charbon dans la machine et le tramway s’ébranle, se met en marche, de plus en plus vite, sur la basse slappée tirant en locomotive, fait tinter ses cloches dans les rues et prend sa course folle d’un jour qui finira sa course avec le soleil comme elle l’a commencée jusqu’au lendemain.. C’est dans le port d’ Odessa qu’éclata la révolte du cuirassier Potemkine en 1905 filmée par Eisenstein en 1925, qu’on peut encore voir le célèbre escalier où y dévalait une poussette (scène reprise ensuite dans « Les Incorruptibles» de Brian De Palma). Mais les juifs de la ville, la plus importante communauté de Russie avant-guerre, souffrirent de l’occupation roumaine alliée des nazis entre 1941 et 1945, où la ville fut libérée par l’armée Rouge et reçut l’une des premières le titre de Ville Héroïque en 1945.

Yankele_Tram_Odessa.jpg

Les applaudissements publics soutenus sont le prétexte à réclamer le calme d’un « Sha Shtil» extrait de « Paris Klezmer » sur les conséquences heureuses ou malheureuses de la danse d’un rabbin. Le «Sha» est grave, clameur pleine de mystère, le « Shtil » aigu comme un cri d’enfant, repris par la voix, l’accordéon, puis le violon. Le rythme s’emballe, ralentit, suit les pensées et la danse du rabbin danseur hassidique, tendance née dans cette Europe de l’Est où il était guide mais aussi membre actif proche de sa communauté, qui passe de la tristesse à la joie, s’arrête pour reprendre sa danse folle, passe de l’émotion à la fête. Un autre thème Yddidsch de même thème s’emballe sur «Wenn De Rebbe Tanz » sur un disque intitulé "Yankele".

Yankele_rebbe.jpg

Il est enchaîné comme sur le disque avec un thème russe à l’accordéon avec la basse chantant « Oooh O Oï » sur les applaudissements rythmiques du public que les musiciens reçoivent debout comme dans les shteyt’l. De tzigane, l’accordéon se fait tragique, rejoint par le violon, puis la basse qui fait penser dans ce contexte à la balalaïka russe qui donne son titre à une vieille chanson Yiddisch. Une danse lente prend forme sur la corde de la basse, tambourine des doigts sur la caisse de l’accordéon, suit le violon, puis le public qui fait s’envoler la clarinette au rythme de ses applaudissements, retrouvant quelque chose de l’origine festive de cette musique dans cette communion, prolongé dans un autre thème festif roumain, tzigane ou balkanique sur lequel saute sur place la clarinette, marquant un temps, puis deux dans la lenteur, repart de plus belle pour quelques breaks avant un final au tempo hassidique, gai mais aux longues notes sur deux temps, puis rapide à couper le souffle.

Yankele_accodeon.jpg

Une casquette Gavroche ou Polonaise de Yankele vole des coulisses à la scène et c’est le Bis.

Le public est mis à contribution pour rythmer de coups sur les cuisses puis un dans les mains «Funtashlish » qui ouvre de la bonhomie de sa voix cassée « Paris Klezmer ».

« Boum Boum Tchac ! Boum Boum Tchac ! »

Yankele_Naftule_Brandwein.jpg

Ce tempo à trois temps collectif me rappelle d’autres grand’messes plus rock, celles de Queen et le tempo de leur «We will, We Will Rock You», qui peuvent après tout s’être inspirés de la musique Klezmer ou simplement avoir trouvé aussi cette vieille recette de furie collective sans le savoir. Sur cette rythmique prend place le scat de la voix cassée à la manière de cet Armstrong blanc croisé à Prague, puis sa clarinette miaule, couine et hennit comme aux origines du Klezmer, imitant toute une basse-cour en fête du shteyt’l, repris au vol par les soufflets libres de l’accordéon, puis le rythme prend forme, égrené par la basse, et enchaîne sur « Naphtule’s Freilach » inspiré par le virtuose de la clarinette Naphtule (ou Naftuly) Brandwein, né dans un de ces pogroms en 1889 à Przemislany en Ukraine, mais parti aux Etats-Unis pour y devenir l’une des premières stars de la musique Klezmer enregistrée dans l’orchestre d’Abe Schwartz et s’autoproclamer non sans raison vu son talent « Roi du Klezmer». Il jouait, une enseigne lumineuse à son nom autour du cou, aussi bien des musiques turques, grecques ou tziganes. Souvent ivre et caractériel, son génie improvisateur s’exprimait avec une liberté jusque là inouïe dans cette musique. Ce titre l’exprime par des écarts de ton vertigineux, puis des hésitations qui font très peur quant à la bonne suite du thème, des piaillements d’oiseaux de la clarinette flirtant avec le vide, dont il se relève en équilibriste ivre de justesse pour reprendre de plus belle et qui deviennent une part de son génie assez proche de celui de certains Jazzmen même jeunes et actuels qui le jouent encore.

Jean Daniel BURKHARDT