Pour l’été, l’Illiade, salle de concert d’Illkirch, organise des pique-niques musicaux gratuits aux repas tirés du sac les vendredis dans ses jardins ou dans ses locaux en cas de pluie de 19 à 22 h. Le 18 juillet, le groupe de Salsa local Sonando en petite formation les inaugurait.

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Sonando est un des groupes de Salsa les plus actifs à Strasbourg. Composé de musiciens de Jazz locaux expérimentés du CEDIM (Centre Européen d’Improvisation Musicale) fous de Latin Jazz (Pascal «Papy »Beck au trombone, Franck « El Terror » Wolf au saxophone) menés par le percussionniste Guy « Guido» Broglé. Ils ont déjà trois disques à leur actif :

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«Bailando Con Sonando», avec la plus latine des chanteuses alsaciennes Angela Haber (également chanteuse de l’autre groupe de Salsa local « Candela » mené par le Colombien Hugo Hernandez, directeur du Big Band de Haguenau) et Benjamin Moussay au piano, vite remplacé par Grégory Ott.

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« Salsa Explosion » arrive en 2003, année où le groupe se produisit au festival «Strasbourg Alsace Percussions». Plus expérimental, avec déjà un répertoire de compositions originales de Guy Broglé et Pascal Beck dans des rythmes très variés, comme l’excellent « Cha-cha-cha Du Glandeur » aux paroles d’anthologie : « De terrasse en terrasse, je mate les nanas / ça n’use pas les godasses, et ça ne fatigue pas!», le Guaguanco avec «La Esencia Del Guaguanco », mais aussi la « Bomba » Portoricaine et un titre instrumental plus Latin Jazz avec Grégory Ott au piano électrique, «Babete».

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Enfin, en 2006, « El Montuno », d’un son plus moderne, rajoutait à la palette rythmique de leurs compositions le Son Montuno Cubain, le Merengue ou la Bachata Dominicains, la Plèna Portoricaine, la Cumbia Colombienne, invitait plusieurs chanteurs latins pour les textes en espagnol et allait même jusqu’à expérimenter une « Salsa Hip Hop » au goût du jour, avec Franck « El Rubio » Bedez à la basse.

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Ce soir, c’est en formation réduite au minimum qu’ils se produisaient : Grégory « Candela » Ott au piano électrique, Franck « El Rubio » Bedez,à la basse, Guy « Guido » Broglé avec une casquette à la Che Guevara aux congas et percussions, un chanteur Cubain domicilié en Allemagne Osvaldo et Pascal « Papy » Beck au trombone soliste comme seul cuivre.

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« Oye Mi Ritmo|http» ouvre le second set avec déjà des guias d’ Osvaldo et les douceurs éléphantesques de Pascal Beck sur les peaux des congas de Guy Broglé.

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Ils continuent par « Oye Como Va » du timbalero portoricain Tito Puente, popularisé en 1971 par le guitariste Mexicain Santana, repris en Cha-cha-cha à la manière de Puente, qui lui-même adapta jusqu’à « Pata Pata » de la sud-Africaine Myriam Makeba ou « L’Odyssée de L’Espace » (Titos’Odyssey )!

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Comme Miles Davis à sa dernière période Jazz, s’ils interprètent des compositions sur leurs albums, ils reprennent des standards connus du public sur scène. Le trombone fait coulisser ses langueurs sur les réitérations rythmiques de Grégory Ott. C’est le portoricain Mon Rivèra, auteur de nombreuses plènas qui fit rentrer le trombone dans l’orchestre de Salsa En l’absence de batterie, la cowbell est jouée à la main par le chanteur en clave prolongée, très syncopé.

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Soudain, un break arrête le thème avant la reprise des chœurs assurés par tous les musiciens, qui souvent dans la Salsa, reprennent le refrain du thème obsessionnellement pour permettre aux cuivres d’improviser et au chanteur soliste de s’en échapper vers ses « guias » (improvisations vocales proches d’un proto-hip-hop improvisé au naturel).

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Pascal Beck reprend le thème à son tour, puis s’en échappe librement dans des glissandos presque « free « lançant les autres dans la Descarga (Jam-session à la Cubaine créée par le contrebassiste Israël Cachao Lopez).

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Mais les Descargas avaient été interdites à Cuba par le régime Castriste au pouvoir depuis 1959, comme le Jazz américain, le Guaguanco (pour oublier l’esclavage), le Danzon et le Son’ (hérités du colonialisme espagnol) et remplacés par l‘OCMM (Orchestre Cubain de Musique Moderne) censé inventer une nouvelle musique moderne, spécifiquement Cubaine, (alors que ces interdictions en coupaient les sources naturelles), mais aussi porteuse du message Révolutionnaire de Fidel Castro. Chucho Valdès en fera partie avant de pouvoir enfin lancer son groupe Irakere avec d’autres membres de l’OCMM.

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Suit « La Negra Tomasa », popularisée par le guitariste Compay Segundo , suivie de « Bilongo », rallongée par le chanteur avant le « Yiquiriboum », commun aux deux thèmes et finit en «Mandinga». Cela tient du medley mais ces thèmes guaganco permettent ce genre de trasferts. Le chanteur improvise une guia sur Sonando et leur « ritmo de la vida », rythmée par les « Yiquiriboum Mandinga » des chœurs. Puis Gregory Ott amorce une descente vertigineuse des notes du piano sur la clavé jouée au guiro (percussion piriforme striée raclée d’une baguette), part pour une de ses folles envolées, emportant même une citation classique dans sa tournoiement de cyclone Caraïbe, repart en sautant d’une touche à l’autre enchaînant montuno, cha-cha-cha, boléro.

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Levant le nez je comprends enfin d’où vient cette incessante clavé, entêtante et sans fin.

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Elle est actionnée au pied par Guy Broglé, qui joue assis, en plus de ses congas, sur une pédale percutant un sabot de plastique rouge, l’autre pied actionnant un cowbell à pied.

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Osvaldo reprend une impro vocale : sur ces rythmes latins, ce proto-rap qu’est la guia retrouve l’improvisation décimale libre du Son’ hérité des trobadores Espagnols par les colons, puis descendue des montagnes de l’Oriente avec le trio Matamoros dans sa forme guitare/basse/percussions encore sans trompettes dans les années 20s, au cuivre soliste rajouté ensuite par Ignacio Piñeiro pour Sexteto Occidente, puis Nacional dans les années 30s puis porté à deux trompettes assourdissantes par Chappottin et Chocolate dans le Conjunto du joueur de très aveugle Arsenio Rodriguez modernisant la formule dans les années 40s.

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« Besa Me Mi Corazon » répètent les chœurs, rythmant l’improvisation du chanteur puis le trombone à la manière d’une Comparsa Carnavalesque Cubaine (musique de défilé carnavalesque). Les Salseros battent le rythme dans leurs mains quand s’envolent leurs Salseras en oiseaux libres. Le solo de piano semble reprendre le thème de Sonando «Llando Del Crocodilo » (Ne me pleure pas ces larmes de crocodiles!), une chanson d'El Montuno.

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A bien y regarder, les Salseros dansent avec plusieurs ou les mêmes Salseras successivement et tapent des mains aussi pour signifier les changements de partenaires. C’est une façon de rendre la Salsa moins danse de couple et plus danse collective, retrouvant les mazurkas et les Danzones de salon des colons et des cours espagnoles, mais plus en ronde joyeuse qu’en lignes rigides, mais ces changements sont bien calqués sur la clavé qu’ils frappent de leurs mains. Ils ont changé et ne sont plus ceux et celles du Café Des Anges dans les années 90s, mais je me souviens d’un Cubain au crâne rasé qui y dansait avec deux ou trois Salseras en même temps.

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« Besa Me Mi Corazon », chantent les chœurs, « EEEEh » répond le chanteur, semblant parfois un Gitan d’Espagne. Le terme de Rumba est d’ailleurs commun au Flamenco Espagnol et à la danse encore pratiquée à Matanzas succédant au Guaguanco Cubain, puis «rhumba» deviendra pour un temps le terme générique pour définir le Son’ sur lequel dansait Xavier Cugat aux Etats-Unis. Mais pas dans le sens qu’on pourrait croire.

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En effet c’est la guaracha Cubaine qui fut adoptée au XVIIIème siècle par les Gitans de Séville, puis deviendra « Rumba Catalane » dansée dans les rues du Raval de Barcelone par Orelles El Toqui sur du Son’ Cubain et du Mambo ou du Rock. Après Peret ou Paco De Lucia, les Gipsy Kings continuent à perpétuer ses qualités festives.

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Le piano part obsessionnellement sur la clave au pied, « Besa Me Mi Corazon », puis retour à l’orchestre, final du trombone à la Willie Colon (le tromboniste de La Fania connu pour ses pochettes «gangster» avec Hector Lavoe dont on aperçoit les pieds sur la pochette de ce « Cosa Nuestra » où l’étui de trombone semble suspect de contenir autre chose).

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Le thème suivant est une démonstration de Cha-cha-cha par le chanteur comptant les pas « Un Dos, Cha-cha / Un Dos Tres, Cha-cha-cha ». Le nom de ce style est né de la danse, d’ailleurs.

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Le nom du Cha-cha-cha vient du violoniste Enrique Jorrin, alors qu’il faisait partie de la Charanga (orchestre à cordes de violons) Orchestre América, jouant un soir son Danzon Silver Star, déplaça le rythme sur la troisième partie, et entendit les semelles des danseurs glisser sur le parquet de la salle de danse : « Ch Ch Ch », et improvisa dessus les paroles : « Cha-cha-cha, Cha-cha-cha, c’est une danse sans égal », qu’il reprendra dans le premier Cha-cha-cha : « La Engañadora » (la Femme trompeuse), dont le pianiste Ruben Gonzales, avec lequel il devait enregistrer « Estrellas De Areito » en riposte aux Etoiles de la Fania, puis membre des Afro-Cuban All-Stars qu’on aperçoit dans « Buena Vista Social Club », qui en donnerait une version mémorable dans son album «Introducing Ruben Gonzales».

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«Oye Mi Gente » chantent les musiciens, sur lesquels coulisse le trombone sur le piano rythmique semblant toujours jouer le même motif avec des changements infinitésimaux qu’on entend mieux dans cette formation réduite que noyé dans les cuivres de tout un orchestre de Salsa. On reconnaît dans cette trame rythmique répétée jusqu’à la transe l’influence de l’Afrique, déportée et débarquée de force à Cuba avec les esclaves noirs Yoruba, auxquels on laissa au moins leurs tambours et qu’on garda en tribus à Cuba et au Brésil, avec le loisir de jouer en public lors des « cabildos de nacion » (fêtes), d’où la prédominance rythmique de ces musiques dans les Caraïbes, contrairement à l’Amérique Du Nord où les percussions étaient supprimées, les familles et tribus séparées, toute identité niée.

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«Vacila Mi Congo» me rappelle par ce mot proche de « Vacilando » les plaisanteries de Norman Granz accueillant Machito Grillo, sa soeur Graciela et leurs Afro-Cubans au JATP rééditées sur l’album « Cubop City ». Le Cubop était le mélange heureux des rythmes afro-CUbains et du Jazz Be-BOP, à cette époque où Dizzy Gillespie avait engagé le percussionniste Chano Pozo Y Gonzales, déjà star de la Comparsa de son pauvre Barrio de La Havane, avec qui il composa "Manteca"Le Jazz y retrouvait quelque chose de son inconscient qui lui avait été dérobé.

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la ligne de basse du piano jouée à la main gauche, calée entre basse et congas s’appelle «tumbao» dans le Son’ Cubain , reprise par la basse qui l’assurait à l’origine en soutenant les voix, base de ces harmonies si collectives et profondes de la Salsa qui se taisent comme un serpent hypnotique puis reprennent, offrant une clairière dans leur jungle à la voix soliste avant les riffs finaux et la pause…

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Le second set débute avec une reprise de « Ran Kan Kan », proto-mambo de Tito Puente de 1949 dont le début annonce un peu, en plus bringuebalant et avec force cuivres assourdissants sur fond de marimba joué par le timbalero, le piano du célèbre « Tequila », instrumental R’N’B des Champs en 1958/9, que Perez Prado, autre père du Mambo qui quitta Cuba la même année pour le Mexique avec Beni Moré (le chanteur « Ugh Ugh » de ses mambos qui deviendra l’un des plus grands chanteurs Cubains, et finira auprès de Che Guevara et Fidel Castro dans la Sierra Maestra, filmé par une Agnès Varda surprise, et auquel les Cubains rendent parfois encore hommage en versant du rhum sur le sol « pour Benny ») reprendra bien plus tard.

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Ce "Ran Kan Kan" fit danser le Palladium Ballroom, temple New-Yorkais des danses latines où se produisait Tito Puente à ses débuts avec l’orchestre de l’acteur et danseur Pupi Campo (autre pionnier du mambo) qui y mourut fauché en pleine danse et avait épousé la chanteuse de Jazz blonde et diaphane Rosemary «Rosy» Clonney (tante de George Clooney). Elle tenait donc de lui sa propension « Mambo Italiano » et autres «Sway» vintage avec Perez Prado, latins et soulfull.

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Sonando l’avait déjà repris sur leur premier album « Bailando Con Sonando ». Ici le thème est rythmé par la cowbell au pied, les choeurs soutenant le chanteur avant le solo de cloche, puis celui de Grégory Ott sur le guiro. Le solo de piano débute sur la clavé puis s’emballe, dansant d’une touche à l’autre sur la cloche de la conga en clavé, doublée de celle à main d’Osvaldo menant ce tintinnabulant troupeau au bas des montagnes de l’Oriente.

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Suit une Salsa rapide où le trombone se greffe sur le piano, suivi de percussions Guaguanco au chant de « Yo Soy El Tambor » d’une voix puissante, puis un break et ils partent vraiment, exhortant les soneros à en faire de même. Osvaldo débite ses guias sur les chœurs jusqu’au cri, danse, embrasse une des danseuses, «lady in red» (vieille chanson Mexicaine oubliée devant celle de Chris De Burgh dans les années 80s, par laquelle Charlie Parker accueillait la robe rouge de Chan au Birdland et que Anita O’Day chanta chez Stan Kenton, qui fit aussi beaucoup pour le Latin Jazz) qualifiée de « sabrosa mama ».

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Puis le trombone revient sur la bell à pied, le chanteur reprend son guiro : « EEÊEE ». Grégory Ott est « El Mano » (la main, et même les deux et chacun de leurs vingt doigts), qui improvise sur la clavé collective avec des descentes vertigineuses, encouragé par les exhortations du chanteur. La marée de cette tempête aux vagues noires et blanches monte descend, avance et se retire, cogne le frêle esquif de la basse à la justesse insubmersible, les voix des chœurs et du chanteur comme celles de tribus indiennes primitives, auxquelles succède après le bégaiement « Sona-Sonan-Sonando » le trombone final de pascal Beck, qui joue aussi de coquillages marins avec le VSP Orchestra (Vibraphone Spécial Prioject, mini big-band dont fait parfois partie Guy Broglé réunissant les meilleurs solistes locaux autour cette fois, de cors, d’alphorns suisses , de deux vibraphones et quelques coquillages autour de compositions originales, Jazz groovy ou latines .

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Sonando joue « Para Ti Bailador », extrait du dernier album « El Montuno » et dédié aux danseurs qui rythment leur musique de leurs pas, lui donnant le rythme de la vie sur lequel Osvaldo les invite à s’"amuser" (« gozar me ritmo »). La Salsa est une des musiques à permettre encore cette communion magique avec le public des danseurs que le Jazz a perdue après les beaux jours du "Savoy Ballroom", "Home of Happy Feet" depuis les années 50s et la fin des Big Bands Swing.

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D’ailleurs, parmi les danseurs, Léo, alias « Timbalero », danseur noir officiant à la Salamandre lors des soirées Salsa, est dans la place, ainsi qu’enfin maintenant une ancienne Salsera De Los Angeles (du Café Des Anges), Pascale, que j’ai surnommée pour sa sympathie et sa bonne humeur communicative soleil de ces soirées « Pascandela » (également pour le « Candela » du Buena Vista Social Club chanté par Ibrahim Ferrer).

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Ce thème me fait penser à « Rico El Guaguanco » de la Sonora Matancera où la chanteuse de Salsa Célia Cruz fit ses premières armes, ce qui me rappelle que par le Guaganco, les tribus Yorubas ] d’Afrique déportés comme esclaves continuent de vivre dans la Salsa

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D’ailleurs Osvaldo me confirme cette idée au cri d’ « AFRÎÎÎCA !!! » qui annonce le solo de congas et amorce un changement de rythme avec des réitérations proches dans leurs effets mystiques des Qawwali Pakistanais comme Nusrat Fateh Ali Khan, dans un tout autre genre.

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A la suite du public, Osvaldo tape dans ses mains puis avec une percussion de fer bullé sur un tempo à couper le souffle, sur lequel part le trombone Pascal Beck, auteur de ce Merengue « Vive Tu Vida », joué plus rapide encore qu’au disque, râclé sur le métal, sans les saxophones dans cette formation réduite, qui parfois me lassent dans ce style par la répétition des mêmes motifs rythmiques. Cette façon de jouer le Merengué libère le tempo et la rythmique, le rend plus proche du Merengué traditionnel (accordéon/saxophone) dont le dictateur Trujillo fit la musique nationale Dominicaine, avant q’il ne soit le champion de la Salsa rapide. Le message est positif : « Vis Ta Vie, Chante Ton Rêve », retrouve la fonction sociale de la Salsa dans l’Amérique Du Sud pour les travailleurs pauvres et populaires aux tâches éreintantes et payées une misère. Elle les console de leur vie, leur rend un peu d’espoir et de rêve le temps d’une nuit, une raison de continuer leur dur labeur.

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On peut évidemment déplorer que la Salsa ne soit pas plus engagée politiquement, ne dénonce pas les responsables des injustices sociales, l’esclavage et la domination économique des Etats-Unis sur la misère de l’Amérique Du Sud. Les plus engagés semblent être Joe Arroyo et son groupe « La Verdad » avec leur «Rebelion» sur l’esclavage et les nègres marrons qui le fuirent, et Yuri Buenaventura, également Colombien, qui déclare dans ses concerts (Moi je suis d’Amérique Du Sud, pas de celle qui fait la guerre en Irak !). Elle console plus qu’elle ne révolte, proposant un bonheur immédiat dans la danse ici et maintenant, ce qui n’est finalement déjà pas si mal.

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Le Merengue se poursuit après un break à la manière du « Suavemente » d’Elvis Crespo dont j’ai toujours préféré la version de Leana Neal à la reprise plus lourde et commerciale de Paul Cless, avec le piano claquant sur la basse Funky- Rockoise.

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Arrive l’ «Ultimo Numero por esta noche », annonce Osvaldo, qui ne parle pas français, comme je regrette de ne pas comprendre l’espagnol. Lors du concert de Sonando au Festival Alsace Percussions, j’avais félicité un autre chanteur, un indien aux cheveux longs qui avait essayé de me parler en espagnol. Je lui avais répondu : « No Habla Espaõl, Habla Salsa » pour lui dire que je ne parlais pas sa langue mais aimais la Salsa sans la comprendre.

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La basse part sur « Mission Impossible » (composé par Lalo Schifrin). Osvaldo exhorte le musiciens et le public «A Guarachar !» («à prendre leur pied» me signale le Salsero Bouba), puis part en scat sur la clave d’un Guaguanco dédié à Babalu Aye (Dieu Orisha de la variole et des maladies en général équivalent au Saint Lazare Catholique, aux couleurs blanche et bleue) et Eleggua (Dieu du destin et de la chance qui ouvre les portes, équivalent à Saint Antoine, qui transmet les prières à tous les autres Orishas, aux couleurs rouges et noires).

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C’est le groupe Irakere (déjà Chucho Valdès, et encore à l'époque Paquito D'Rivera au saxophone et Arturo Sandoval à la trompette) qui a fait passer le Guaganco dans les origines électriques de la Salsa en reprenant ces chants traditionnels avec une orchestration moderne Funk/Rock fusion à l’énergie irrésistible.

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Osvaldo chante « Para el Mundo » avec pascal Beck, dans un jeu de question-réponse, puis repart en scat latino. La basse change de rythme, passe au funk slappé à « la Salsa » de Lavilliers (la première Salsa en français par cet amoureux de l’Amérique Du Sud, parti à 18 ans au brésil pour y travailler comme chauffeur poids lourd, engagé et très concerné par le devenir du Tiers- Monde et aux textes magnifiques) sur la clave.

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En Bis, Osvaldo tient la note d’ « OuEEEEE » pendant toute une phrase du trombone. Ils reprennent l’original de la chanson cubaine reprise par Sergent Garcia en Salsamuffin sous le titre « Amor Pa Mi ».

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« Otra ! Otra ! » réclament les danseurs pour une autre chanson.

Ils reviennent sur la clavé manuelle puis le trombone avec « Yumbambe » de JC Campos, que Poncho Sanchez, grand conguero d’origine Mexicaine qui joua avec Cal Tjader, Myriam Makeba et Nina Simone, rendit célèbre, et que Sonando avait repris dans son premier album « Bailando Con Sonando ». Les harmonies du trombone enrichissent en sous-main cette rythmique Portoricaine, clave prolongée d’une bomba de percussions. Pendant le solo de piano, les doigts volent sur les touches, reviennent en rythmique, puis partent en boléro, dans une transe entraînant les autres, avec une accélération à la Gonzalo Rubalcaba, spécialiste du genre né à Cuba mais qui fait maintenant une carrière de pianiste de Jazz le plus rapide de l’Est à Miami, à laquelle Grégory Ott rajoute encore une touche de piano bastringue et de boogaloo finale.

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Bref, Sonando a montré par ce concert, et malgré un effectif réduit à son minimum qui personnellement les a gênés plus que moi, son aisance dans les différents rythmes qui font la richesse de la Salsa : Cubains, Colombiens, Portoricains ou même Dominicains et donné de la joie et de la bonne humeur au public et aux danseurs et danseuses. On attend de pouvoir les revoir bientôt au complet dans la région.

Jean Daniel BURKHARDT

PS: Mon émission Terres Tribales de ce lundi 17 août à 11 h 30 sera consacrée à la Salsa Cubaine de la Rumba à la Timba sur Radio Judaïca (102.9 FM à Strasbourg, "www.judaicastrasbourg.com" partout ailleurs...