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Elio Revé était un joueur de timbales (sorte de tambour sur trépied dont jouait le portoricain Tito Puente) cubain né à Guantanamo en 1939. Après une fanfare française avec violon en 1956, il monte son orchestre entre 1967 et 1968, qui devient très célèbre grâce aux compositions du bassiste Juan Formell, qui le quittera pour former « Los Van Van ».

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Elio Revé déclarait : « On m’appelle le Père du changüi, bien qu’il ait existé depuis longtemps, car, tandis que le son quittait les provinces orientales, arrivait à La Havane et voyageait dans le monde entier, le changüi n’a pas bougé jusqu’à ce que je l’aie fait sortir. » En effet, l’un de ses plus grands succès, sera « Changüi Clave », hommage à la clave et au changüi , avec une ouverture en guaguanco qui se mêle ensuite au son modernisé. Avec son Charangon, le timbalero Elio Revé y mettait l’accent sur les racines africaines (percussions qui incluent les tambours bata, la cloche cowbell et une voix de tête connue comme voz de vieja), tout en maintenant l’usage du tres (Papi Olviedo) et des violons, avant de partir dans une salsa plus moderne. Après le départ de Juan Formell pour former Los VanVan, Elio Revé change le nom de son Orchesta Revé pour Elio Revé Y Su Charangon, mais continue de mélanger le rythme changüi, avec le son, la rumba, la bomba et le merengue, et enrichit son orchestre de trombones.

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Si Elio Revé est mort en 1997 dans un accident de voiture, son fils Elito (le petit Elio) Revé a repris son Charangon avec succès, et a célébré le 75ème anniversaire de sa naissance à la Télévision Cubaine et par l'album "Con La Mano En La Masa". On appelle maintenant Elito Revé Elio Revé Jr comme son père, statufié en décembre 2007, à l'occasion du premier festival de changuï.

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Si j’ai raté les «Afro-Cuban All-Stars», Papys du Son’ rendus célèbres par le film « Buena Vista Social Club » de Wim Wenders, quand ils étaient venus dans cette même salle au grand complet (Compay Segondo au très -guitare cubaine, Ruben Gonzales au piano, Ibrahim Ferrer au chant) avant le succès du film et que je ne les connaisse, mais fut le plus beau concert de la vie d’une jeune Salsera locale blonde comme la Loreleï, je les avais vu dans la tournée plus tardive de l’album « Distinto Diferente » et leur chanteur Ibrahim Ferrer avant sa mort, ils étaient des musiciens de son’, pas de salsa, et ne représentaient pas l’actualité de cette musique et de ses rythmes aussi bien Portoricains (la bomba), que Colombiens (la cumbia), ou Dominicains (le merengué), que Cubains, je peux donc dire que c’est mon premier concert de « vraie » salsa Cubaine, et je regrette de ne pas comprendre l’espagnol, ayant appris l’allemand en seconde langue comme beaucoup d’alsaciens frontaliers.

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D’après les annonces de l’organisateur du concert «Timbalero», le groupe est joyeusement cosmopolite et plutôt jeune, trop je pense hormis Eli(t)o Revé, qui porte une crête tondue au centre du crâne, pour avoir connu le fondateur du Charangon, son père Elio Revé. Le joueur de très semble également trop jeune pour être Papi Olviedo. Le contrebassiste noir et immense, dépassant de son instrument même de loin tel un marin à un mât, et semble le plus âgé. Il y a aussi un percussionniste, un batteur et un claviériste. Dès l’entrée sur scène, la section vocale de quatre chanteurs à la puissance de tchatche hip-hop en espagnol galvanise le public, et la section de cuivres de quatre trombones est assourdissante au point de provoquer quelques larsens avec un balancement de fanfare Portoricaine.

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Pendant le discours introductif d’Elio Revé, la clavé (bâtons de bois dur et rythme de base de la musique Cubaine), la cowbell (cloche frappée de la batterie) et le guïro (percussion striée raclée de forme ogivale) font monter le rythme jusqu’à la transe, jusqu’à ce que le chanteur blanc n’entame cette hymne au plaisir qu’est la salsa d’un « A Gozar » (on va s’amuser). En réponse, le public des premiers rangs saute en l’air bras levé au son du trombone moelleux sur le rythme de la cowbell. La chanson s’appelait « Camina ». Elio Revé harangue la foule des danseurs « Francia !», compte les temps « un dos tres », appelle le tchatcheur « blanco » (blanc) sur la clave du changuï, où les timbales se font plus mélodiques.

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La mise en place et en rythme des chanteurs et le contrechant des trombones en fond sonore rauque et doux est impressionnante devant une mer caraïbe de bras et de mains suivant leurs danses comme les tentacules d’un poulpe caraïbe dans l’âme de gauche à droite. Et soudain, ce qui ne se produirait dans aucun concert de Rock advient : Alicia, une danseuse du public se hisse jusqu’à la scène avec l’aide des musiciens et de ses amis et se met à danser en ondulant mieux encore que Shakira elle-même sur le mot « vida », et est même remerciée de sa prestation par les musiciens d’un « Gracias » qui devient « Gracia…Salsa ». Et si la Salsa était enfin la chance d’une véritable communion chorégraphique et émotionnelle entre artistes et public qu’a rêvé Jim Morrison toute sa vie sans la connaître ? Les rythmes changent, se font « timba » (dernier rythme Cubain des années 80s incarné par « Los Van Van » et « NG La Banda »), puis retrouve la clave, dans laquelle s’intercale le piano caractéristique de la salsa, qui semble toujours semblable et changeant à la fois.

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Autre chanson, autre rythme, avec cette fois le soutien des trombones des trombones en sourdine comme une troisième voix. Une autre fille est montée sur la scène pour les accompagnements chorégraphiques, et sur un rythme plus lent, le chanteur blanc danse avec elle, crie « Casaa !», puis le morceau repart en changuï clave sur les percussions. Les voix, gardent, même dans le chant collectif hip hop de la Salsa des tuilages des questions-réponses encore Africains issus du Guaguanco, que l’on retrouve dans le Gospel en Amérique du Nord, adaptées à Cuba aux métriques espagnoles imposées des colons rappelant le flamenco des gitans, ou plus proche de nous dans le chant Breton des Fest Noz ou le chant des bergers Basques, avec les trombones en fond sonore.

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Dans la ballade suivante, l’harmonie des voix fait presque penser aux groupes noirs « doo-wop » soul américains des années 60s par leur beauté. Mais toutes les musiques américaines étaient écoutées à Cuba à la radio, et avaient leurs pendants cubains. Après un break, le rythme est repris par les claquements de mains. Le frère de Timbalero m’informe que cette chanson s’appelait « De la parta de pelota ». Et soudain, ô surprise, surtout ici à Strasbourg, à la Salamandre et pour un artiste qui n’est pas local, et doit certainement avoir dans sa tournée bien des dates en des lieux plus prestigieux, comme l’Olympia ou n’importe quelle salle parisienne, Timbalero arrive et lui remet… l’équivalent d’un Disque d’Or! Suit la chanson « Moleja de Boloja », puis un changement de rythme annonçant, m’explique le frère de Timbalero, la moitié et la deuxième partie du concert.

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Mais la chanson suivante, je la connaissais sans savoir qu’elle était d’Elio Revé, si ce n’est une reprise, pour avoir dansé dessus au Café des Anges (où je dansais la Salsa solo, mais qui en était, jusqu’à il y a cinq ans, l’un des hauts lieux musicalement à Strasbourg par la qualité de la sélection musicale et des danseuses, dont beaucoup, d’ailleurs, sont présentes ce soir). Après avoir retrouvé cette chanson (ce qui est rare) par hasard sur le volume 3 ou 4 de l’ «Anthologia de La Musica Cubana», c’est en écoutant ses chœurs reprenant à l’unisson «Sa-Sa-Sa Sal-sa Sa-Sa-Sa Sal-sa » sur le rythme de la clavé cubaine que j’ai enfin compris ce motif rythmique qu’un ami percussionniste essayait vainement de m’expliquer par d’innombrables jeux musicaux, et elle reste donc l’une de mes salsas préférées pour ce qui est des chœurs (« Sa-alsa Tie-ene »), des accompagnements et du solo de trombone relevant la sauce et du piano tant dans leur harmonie que dans leur construction, leur énergie et leur diversité. Le public tape dans ses mains au rythme de la clave sur le mot «Arrollando», tandis qu’Elio Revé en redemande (una uya uya uya! : encore une fois !) et harangue le public sur le solo de piano.

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La chanson suivante, m’informe un danseur, s’intitule « Katzo Douro» et a la forme d’une timba, puis prend celle d’un punto (style de danse espagnol joué XIXème sicle par les orchestres à cordes proche de notre menuet), le piano restant en clave, sur des paroles en Congo Bantou héritées des origines africaines des esclaves noirs cubains utilisé dans le Guaguanco, mais qui dont les langues ont évolué à Cuba différemment des dialectes africains de ces régions, au point d’en être incompréhensibles, entrecoupés d’encouragements en espagnol (dise suave !) sur un changement de rythme, et se termine par les applaudissements encouragés par Elio Revé par des «applauso !» terminant le concert.

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Mais le groupe revient pour les bis, les cuivres jouant à pleins poumons sur des rythmes variés où piano et contrebasse intercalent leur « tumbao », tandis que les choristes continuent d’énoncer les mots de la chaleur (Caliente) et de la danse (Cintura : ceinture), rejoints par les danseuses du public sur scène, telles un arc-en- ciel coloré, l’une d’elle dansant en tenant sa bouteille d’eau (indispensable dans la chaleur torride des premiers rangs) entre ses dents, sous les applaudissements du public, le thème étant repris en clavé au mot de « Candela » («chandelle», « feu », et titre d’une chanson qu’avait chantée Ibrahim Ferrer avec les « Afro-Cuban All Stars » dans le film « Buena Vista Social Club »de Wim Wenders).

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Le second bis commence comme une ballade en introduction, puis devient plus rythmé alors que les trombones font monter la sauce et « se continuo » (continue) "Se sigue comentando (Uyuyuy que veo)", par un solo de très ponctué d’onomatopées «Ouille Ouille Ouille !» s’adressant tant à la lusique qu’aux danseuses.

Jean Daniel BURKHARDT