En deuxième partie de Wameedd, plus énergique, un groupe de cabaret russe et rock, "The Billy'sBand", mené par Billy Novik. En 1999, le contrebassiste russe Billy Novik découvre l'enfant terrible du cabaret rock américain à la voix cassée mais néanmoins émouvante. "The Billy's Band" reprend certaines de ses chansons en anglais ou en russe, et interprète des compositions.

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Dès l'arrivée du groupe, leurs manteaux loqueteux, élimés ou troués, craquant sur les coutures font ressembler les musiciens au comédiens d'un cabaret rock assumé destroy. Outre Billy Novik à la contrebasse et au chant (voix pas aussi cassée et lyrique que celle de son idole Tom Waits mais bien imitée tout de même), il y a Anton Mathesius à l'accordéon, darbouka et choeurs, un certain Mikhaïl "Gipsy" au saxophone et cowbell jouée de façon originale, sur la cloche ET DANS la cloche ce qui est moins commun, dont ce surnom, sa liberté mélodique allant jusqu'au free et son talent pourraient bien convenir à un musicien tzigane russe, enfin un certain "Regik" à la guitare, cymbales et choeur dans l'aïgu à la coupe afro frisée rappelant celle de Jimi Hendrix, qui semble être le benjamin et l'électron libre et l'élément le plus rock du groupe.

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Côté reprises de Tom Waits, elles restent très personnelles, même en anglais, ne serait-ce que par l'humour de Billy Novik, introduisant "Clap Hands" (danse au rythme déjanté de "Rain Dogs", premier album de la seconde période de Tom Waits dépassant l'idiome du chanteur Jazz Blues de ses débuts avec Marc Ribot à la guitare) par un histoire tragi-comique en anglais avouée pas complètement véridique le faisant naître dans un taxi New-Yorkais et obligé de trouver un travail, acceptant une place de "coordinateur entre mères et enfants", et se faisant renvoyer pour des raisons qui lui paraissent encore évidentes. Derrière les musiciens, sur un écran, Tom Waits en personne avance en titubant dans un tunnel, déformé monstrueusement par la prise de vue aux lumières stromboscopiques... Une autre reprise de Tom Waits fut introduite "for losers only", elle aussi tragi-comique, sur un rythme cabaret jazzy, l'écran montre des sourires et boîtes de soupe pop et kitsch à la Warhol, des bilets de banque, et pour terminer un immense sourire final. Toujours de Waits, la chanson qui suit décrit ce qui peut arriver aux enfants qui veulent devenir des stars de cinéma. Billy Novik y imite d'une voix de fausset la fillette ou sa mère, tandis que l'écran montre des démons poilus et des loups-garous extraits de vieux films d'horreur en noir et blanc, ou un adolescent alcoolique buvant du vin à la bouteille dans la rue, le saxo crie, le guitariste, aux cymbales, rythme une fanfare funèbre, et tout se termine sur l'écran par une tête de mort.

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Les compositions du groupe, quant à elles, couvraient tous les styles de Tom Waits et au-delà avec ce sens du tragi-comique propre à l'âme slave. Un Gospel/Rock'N'Roll rappelait le "Walking Spanish" de Waits sur "Rain Dogs", ponctué de cris de Billy Novik:"Jââââzz" et "Kazaktchok", tandis que la guitare et le saxophone semblaient jouer en duel face à face, le saxo utilisant fréquemment l'espace en jouant dos au public, sur un fond d'immeubles noyés de bleu liquide.

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L'oreille marquée par cet anglais à l'accent russe, l'on croit aussi entendre des mots anglais dans les chansons en russe, entre "rutzki" et "catholi" des relents de "California, Coca-Cola", au point de ne plus savoir si c'est Billy s'essayant au Tom Waitsien ou Tom Waits baragouinant en russe, des colmobes conciliatrices s'envolent en fond à la fin de la chanson, résolvant ce conflit, ou peut-être de l'un à l'autre, d'Amérique en Russie ou de Russie en Amérique... Sur la scène et l'écran également, où le groupe était filmé en gros plan très déformant , les mimiques de faux borgne tourmenté de Billy Novik le font ressembler de plus en plus à son idole au fur et à mesure du concert.

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Une jolie composition faisait voyager le public à St Petersbourg, où vit Billy Novik, sur fond d'immeubles liquides, le saxophone perché sur l'ampli faisant passer l'ambiance de cette ballade du cool au cri déchirant par son solo, et Billy finissant en scat. Une autre chanson de ce groupe décidément voyageur, présenté comme "Mes saisons parisiennes", était introduite parodiquement par les clichés d'usage du Russe à paris: "Je suis à Paris, tout est OK avec l'argent, hier je me suis acheté des saucisses fraîches", sur fond de manèges et de foules, de fêtes foraines et de chevaux de bois, qui, accélérés semblent faire tourner des disques ou des crêpes comme dans "Amélie Poulain".

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Une ballade amoureuse désamorcée par la parodie introductive: "A propos de l'Amour... Tu sais bien ma chérie que personne ne t'aimera jamais autant que moi, personne n'est assez fort pour cela et.. personne n'a assez d'argent pour cela, bien sür", puis la voix brisée de Billy énonçant pluie, foudre, présidents morts, sur fond de scie musicale vocale du reste du groupe en choeur (hooooooo). Très loin de ces traditions, le groupe excelle aussi dans l'"alcoolo-tango" très Waitsien avec pluie de confetti et "Bluuuuuues" final.

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Sur la chanson suivante, "une histoire de fantôme", sur fond de vieilles chanteuses et actrices en noir et blanc, avant l'intervention fracassante du guitariste aux cymbales, qui, comme pris d'un soudain coup de folie, saute de la scène et court et les entrechoquant dans la salle...

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Le groupe peut aussi se jouer de ces genres qu'il maîtrise si bien , passant de l'intro d'un Blues "très désespéré, aussi solitaire que dans un désert", puis "accélérer le rythme trente fois", pour aboutir à la chanson la plus joyeuse et festive du concert, au rythme ska, sur fond de danseuse orientale, bonne fée ou bimbo blonde MTV, voiture de nuit, lumières de Noël sur l'obélisque à Paris...

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Enfin, en bis, Billy Novik interprèta la chanson la plus "russe" de Tom Waits, "Rain Dogs", puis, rappelé encore aux cris de "Daway" ("à donf'" en ukrainien, probablement appris au public par le groupe russe Gortopravci qui s'était produit le samedi précédent avec Red Cardell au festival), Billy Novik s'empara de la guitare, prétendant ne pas savoir en jouer, se contredit par les accords magnifiques d'une version bouleversante de "BlueValentine", ballade d'un Tom Waits encore chanteur de Jazz sur l'album du même nom, que presque personne n'aime sauf moi, idéal pour les retours arrosés où les petits matins vous donnent envie de vous faire un trip détective privé ou flic américain des années 50s en fin de parcours avec Humphrey Bogart dans votre rôle ou vous dans le sien.

Jean Daniel BURKHARDT

PS: Billy's Band reviendra dans les Nuits Européennes 2008 dans un lieu autrement plus festif et "Cabaret Russe" pour sa déco Baroque riougeoyante: "Au Camionneur", avec le group vocal féminin punk-rock "Iva Nova", également de St-Petersbourg, ville avec laquelle le festival "Les Nuits Européennes" a établi un partenariat d'échanges musicaux. Parallèlement, l'un des organisateurs, Jean-Etienne Moldo produit plusieurs groupes slaves dont "Sui Vesan", dont la chanteuse mérite votre attention sur le site "Slavomix"