La grande soirée du Festival présentait les "Contretemps All Stars" à La Laiterie de 23 h à l'aube le samedi 9 juin: au programme, Ben G de Strasbourg, puis Bonobo (Londres), Château Flight (Techno Detroit, Paris) et Megablast (Sound system deVienne avec le MC Big John) dans la grande salle, Pascal Brockly en live (New Wave, Strasbourg), Erik Rug (un des pionniers de la House française), enfin Jeff Lieb et Miss Tricky (Strasbourg).

ben_g.jpg Le set de Ben G (originaire de Metz et membre de "right on FM") fut pour moi la première bonne surprise de la soirée: mêlant rythmiques cubaine (la clave) et brésilienne (batucada, samba) pour un fond sonore intéressant et faisant évoluer un mélange de Funk, Disco, Voix Soul ou enfantines, ou de sons plus inquiétants à base de synthés électroniques. Mais l'impression générale laissée par la fusion de ces éléments lointains ou hétéroclites qui n'auraient jamais pu se rencontrer ailleurs que dans les samples mixés d'un DJ est quand même pleine d'espoir: cette musique, née de l'alliance et des dosages subtils de ces éléments étrangers les uns aux autres, se rejoignant dans la symphonie cosmopolite d'une transe globale et mondiale où les choeurs d'enfants d'Afrique accompagneraient le funk des anciens esclaves afro- américains sur les rythmes de leurs cousins caraïbes, réconciliant enfin ce qui n'aurait jamais dû être séparé, mais chacun apportant les richesses trouvées au-delà des mers en offrande à cette oeuvre globale en une discothèque mondiale pas si loin finalement d'un esprit Peace & Love respectueux de ces traditions. En effet, on leur laissait leurs tambours à Cuba où au Brésil et on ne séparait pas les ethnies, contrairement aux Etats-Unis, d'où une certaine survie de ces traditions venues d'Afrique dans ces musiques par le Guaguanco à Cuba et le Candomblé au Brésil, chants sacrés des esclaves appris par tradition orale de génération en génération, s'éloigna peu à peu des langues africaines jusqu'à devenir incompréhensibles.

Bonobo, originaire de Londres, producteur du label Ninja Tune, fut l'autre bonne surprise de la soirée. Déjà ses disques (3 sortis à ce jour) ont des qualités mélodiques rares dans la musique électronique actuelle: il y joue de plusieurs instruments (guitare, basse et fender rhodes) avec des invités au saxophone ou à la flûte, enregistrés dans les conditions du direct puis retouchés par ordinateur. On y trouve aussi des chants pygmées ou des chanteuses aux voix à la fois soul et acidulées comme celles qu'on a pu entendre dans les premiers "Massive Attack" (dans le dernier disque Bajka Putlatsch). De plus, les compositions sont vraiment intéressantes et agréables à écouter, pas du tout agressives, avec des influences traditionnelles indiennes (d'Inde) ou asiatiques, des éléments Funk, Soul, Afro Beat ponctués de solos Jazzys qui vont bien ensemble et font de chaque titre un voyage relaxant vers des contrées imaginaires. A propos les "bonobos" sont des singes que l'on ne trouve plus qu'en Afrique et seraient les plus proches de l'homme génétiquement, à 99%. Les pieds dansent sur des rythmes, la tête plane dans les étoiles, l'esprit explore de nouvelles contrées en essayant de les deviner, aux origines parfois mélangées, traçant des lignes imaginaires entre des pays, des culures qui ne se sont jamais rencontrées à cause de leur éloignement géographique... Il y a des instrumentaux aussi, plus "ambient", planants, où l'on se croirait dans la jungle entre Bali et l'Amazonie dans un hamac. Bonobo_001 Evidemment, en Live, il n'utilise que ses platines, mais là encore se mêlent éléments naturels trafiqués de mouettes rieuses et technologie moderne dans les beats. Une voix soul trafiquée peut redevenir ethnique, ou inversement une chanteuse de Jazz comme Anita O' Day dans "Four Brothers" partir dans un ethno scat qui n'existe pas dans l'original. Les instruments se perdent dans un flot atmosphérique aux voix célestes. Sur un thème de Salsa connu, "I Like It Like That", la voix est décomposée, puis replacée par rapport au solo de piano à la fois rythmiquement obsédant et libre comme soliste, qu'il faut attendre très longtemps dans un morceau de salsa pour entendre, souvent noyé dans les cuivres, ici on en profite tout le long, isolé avec la voix.



Il y avait aussi les VJ Selectop et Cycle de "Studiometis Crew" (Paris) en fond visuel. Les VJ sont aux images animées ce que les DJ sont aux sons. J'ai reconnu avec plaisir les images de "Zabriskie Point", film hippie d'Antonioni réalisé après "Blow Up" plus Swinnging London. Puis des images peut-être locales de jardins et d'enfants, peut-être la fête organisée aux Jardin Des Deux Rives pour l'arrivée du TGV? Une jeune fille Place De La République?, des mots aussi, répétitifs, en lettres capitales, comme dans certains films de Jean Luc Godard, entre parodie culturelle et messages subliminaux... Mais la véritable interaction entre musique et images est encore à faire, hélas, ou peut-être à réliser par une seule et même personne, ou issu d'une véritable collaboration entre les artistes.

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Jean Daniel BURKHARDT