Sandra Nkaké est une chanteuse et comédienne qui a grandi à Yaoundé et Paris. Après des collaborations avec Julien Lourau et des spectacles musicaux et théâtraux, puis la création de son groupe Push Up, elle sort son premier album Mansaadi en 2008, et aujourd’hui le second « Nothing For Granted » avec son complice Jî Drû à la flûte (à la voix et aux claviers) sur le label Jazz Village.

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On est forcément curieux d’entendre les nouvelles voies qu’ont pu prendre les voix changeantes de cette grande chanteuse Soul au sens moderne et actuel du terme.

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Dès « Always The same », on découvre la rythmique Rock Pop (Julien Tekeyan batterie, Christophe Minck basse, Matthieu Ouaki guitare) adoucie d’une touche soul et mythique des BO vintage par la trompette d’Antoine Berjeaut. Toujours la même, elle le reste, mais évolue, dépasse le Jazz tribal vers la Soul en gardant une puissance émotionnelle à la Fontella Bass dans « Everyday » de Cinematic Orchestra.

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Sandra Nkaké ne change pas, mais incarne de sa voix caméléon différents personnages fragiles ou face à des choix, comme une jeune junkie regardant sa rue dans « Same Reality », d’une voix bouleversante entre Chet Baker, Skye de Morcheeba et Jasmine Vègas ou chez nous Christine Clément sur de l’electro enfantine et propice à la rêverie qui emmène loin sur la flûte.

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Mais sa voix, si elle nous fait fondre à son état liquide dans les ballades, se ramasse aussi en animalité féline capable de rugir de toute sa rage sur des rythmiques Hip Hop Ragga Orientales comme sur « Like A Buffalo » incarnant la révolte et la lutte d’un homme refusant la fatalité des codes sociaux, se fait buffle musical de la trompette fèria mariachi d’Antoine Berjeaut.

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« Show Me The Way » alterne avec la douceur paressant à la Hindi Zahra sur un tempo latin léger de l’héroïne de sa propre BO sur une guitare desperado à la Marc Ribot. On se croirait chez Tarantino avec un côté plus séductrice et douce.

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Mais si l’on « Toc Toc Toc » à sa porte pendant son sommeil, sa fenêtre ou son toit, Sandra Nkaké sort ses griffes Hip Hop Bollywood, cantatrice entourée contre les voix de démons.

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Plus gaiement, Sandra Nkake retombe en enfance en écoutant cachée les « Conversation » des adultes en secret.

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Devenue une adulte engagée, Sandra Nkaké apporte aussi son soutien avec le Reggae Rock « Mankind » à la cause des peuples de l’humanité encore sous la férule de régimes dictatoriaux partout dans le monde en rugissante pasionaria à la Tina Turner d’une voix cassée mais puissante.

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Le titre éponyme « Nothing For Granted » la retrouve en chanteuse Soul sentimentale Glamour puis se lève en Aretha Franklin dans le final sur un bon backing Blaxploitation.

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Autre Reggae Cinématique exotique, « Rock It Better » passe du Reggae soulful Roots à la Toots & The Maytals au dub flûté entouré de chœurs gospels.

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Plus Electro puis James Bondissant, « You’d Better Dance » nous la fait imaginer Sandra Nkaké en James Bond Girl mais dans le rôle de la méchante ou vengeresse alors, à la Grace Jones, pas la soumise, si l’on en croit ses vocalises tribales vaudous de la fin, cherchant une valise pour un vol Toxic Airlines avec Brittney Spear pour hôtesse, sur une voix Trip Hop à la Massive Attack!

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Dans « Skeletone », Sandra Nkaké se dédouble ou confronte ses deux facettes : urbaine et d’une mélancolie à la morgue presque inquiétante à la ville, gaiement tribale à l’Afrique ou aux Caraïbes sur un tempo Haïtien Funky, comme si l’une était le rêve de l’autre dans un film de David Lynch.

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Enfin « No More Trouble » nous laisse planer en suspens dans l’état gazeux, vaporeux, angélique rappelant Jeff Buckley, spirituel de la voix de Sandra Nkaké à la Nina Simone dans l’intro de « Feeling Good » pour un nouveau jour entourée des seuls chœurs et d’une guitare lynchienne après l’animal et le liquide de la voix de Sandra Nkaké qui nous gratifie même d’un solo de clavinet pour la redescente sur terre.

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Avec "Nothing For Granted" Sandra Nkaké confirme qu’elle est une grande chanteuse Soul, certes, mais sait aussi évoluer avec son temps. La suite est à voir sur scène, et cet album à entendre demain soir 21 mars à 21 h dans mon émission "Jazzology" sur Radio Judaïca Strasbourg!

Jean Daniel BURKHARDT