Découvrez cette semaine Ce Soir Vendredi 10 février à 19 h à Pôle Sud le répertoire de l’album éponyme du duo« To Catch A Crab », sorti sur le label Luxembourgeois « Whosbrain Records ». Ce duo fut formé en 2006 par la chanteuse et bugliste Christine Clément (Polaroïd 4, Ionâh, Electrik GEM) et le batteur de Zakarya Pascal Gully autour de chansons originales aux atmosphères inquiétantes de fin du monde prêtant des qualités organiques ou animales à des instruments électro-acoustiques et aux voix des répétitions sérielles pour offrir à nos oreilles, presque à nos yeux et à nos imaginaires un univers très personnel aux paysages très contrastés.

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L’album s'ouvre sur une de leurs plus jolies chansons, « Invisible War », qui commence par une majestueuse ouverture un peu Gothique à la TILT d'accordéon modifié et de bugle, premier instrument de Christine Clément, sur le rythme complexe à la Jim Black et la cymbale charley obsèdante de Pascal Gully. Tous deux chantent, ce qui est habituel pour Christine Clément, ici en mode trip hop à la Björk ou Lamb, une première pour Gully qui fait les chœurs.

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Au son d’un fanal, d’une sirène lointaine, « Brise Glace » nous amène après cette Guerre Invisible dans un univers électro acoustique glacé et désolé aux résonances de cloches tintinnabulantes et de claviers brumeux à la Kitaro. Les voix décrivent en talk over cette obscurité vivante et liquide dont on sort peu à peu en se frayant un chemin parmi les percussions frottées à la Terje Isungset où l’on croit entendre chanter les glaces de la banquise autour du bateau et les machines rendues organiques pour créer à nos oreilles, et presque à nos yeux, une terra incognita inouïe hors des styles apaisante à contempler.

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La référence classique dans la musique de To Catch A Crab apparaît sortie de son contexte habituel. Ainsi, sur le titre éponyme « To Catch A Crab », le texte en Italien est extrait du livret de Da Ponte pour Les Noces De Figaro de Mozart, mais entourée de claviers et de percussions, au loin d’un bugle Molvaerien, la voix sérielle semble l'écho lointain d'un fantôme, hologramme rémanent de cantatrice errant en boucle sur ce paysage.

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« Liquide » est à nouveau chanté par Christine Clément comme l’héroïne de cet univers liquide de cloches coulant des stalactites et de claviers où l’on semble s’enfoncer pour la suivre dans les entrailles en harpes des cordes intérieures d’un piano contemporain. Les paysages de To Catch A Crab semblent nous inviter à contempler le futur dévasté d'apocalypses programmées.

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La violence apocalyptique n’est d'ailleurs pas absente de l’univers de To Catch A Crab, surtout dans « A New Shelter » (Un nouvel abri ) où nous invitent à les suivre les voix spoken word inquiétantes des esprits marins déchaînés ("Nous vous avons appelés") de ce tsunami qui submerge les palmiers de la plage paradisiaque de la pochette, puis les esprits protecteurs montrant le chemin de la violence des toms aux apaisantes résonances derrière de rideaux de cloches asiatiques jusqu’à la grotte Néréide où s’abriter.

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Dans « Drogenfahnder » (Officier des narcotiques), plus urbain, rythmé par le pales des drones hélicoptères ou les élytres d’ insectes sériels, le talk over reprend en espagnol et allemand les litanies vitales fatalistes (« c’est la vie » dit Christine Clément) ou protectrices (« C’est dangereux" répond en allemand Pascal Gully) s’inscrivent en nous peu à peu, syllabes lettristes entrecroisées au sens apparaissant au fur et à mesure, on suit l'officier dans sa quête, jusqu’à la sirène lointaine de l’ambulance appelée peut-être par le 12 (renseignements téléphoniques),appelés en français et allemand . L’électroacoustique se fait animale, presque vivante, et les voix humaines répétées en sont presque désincarnées, humanoïdes.

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« Three Little Wolves » semble pour le texte une comptine pour enfants pas sages, terrorisés au fond d’une forêt sonore aux rumeurs et bruissements inquiétants avec TIC TAC d’horloges ou de minuteries avant les danses des claviers à la Soft Machine et les oiseaux expirant leurs derniers souffles, les pianotant comme sur des téléphones dans des tuyaux/appeaux à la Slavis dans « La Marmite Infernale, tandis que la voix de brume de l’amour maternel jouant toujours la même note sur un piano contemporain à la Maison (Home). Le miracle de To Catch A Crab, est peut-être que chaque élément musical semble rendu à une liberté naturelle, organique, aquatique à la Edgar Frose, aux éléments premiers, s’iriser en buée, se lavisser en paysage dont on pourrait contempler la musique et imaginer la vue... et vice versa...

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Après la minuterie, le sablier d'« Always Never » cerne le temps du Crabe entre le « Toujours », éternité perpétuée et sérielle de la répétition hypnotique à la Philippe Glass roulant des graines de maracas ou d’œufs exotiques, piège de la nasse à éviter, et le « Jamais » de l’intemporalité mouvante, de la mer où échapper au "Plus Jamais" (Nevermore) du corbeau d'Edgar Poe. Le texte est là mais ne semble pouvoir nous éclairer qu'au bout de plusieurs écoutes, d’une valeur purement lettriste, mettant des mots comme des balises dans un paysage au mouvement hypnotique immobile comme la marée, en allers-retours. C’est bien évidemment un compliment, seuls les disques à l’univers riches supportent la réécoute et nous permettent encore de découvrir quelque chose sur eux-mêmes.

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« Folk » fait entendre le bugle Molvaerien de Christine Clément, à la mélodie bouleversante comme un lieder, une ballade de Jazz dont on aurait oublié les paroles, dans un contexte électroacoustique rendant vivantes les machines, percussions, outils et jouets sonores. Puis Christine Clément nous offre sur des percussions tribales son chant/cri le plus ethnique, barbare, vibrant à la manière de Sidsel Endresen dont elle ne s’était jamais tant rapprochée, devenant quand elle articule une langue inconnue indienne sur l’obligato d’une guitare verticale jouée à l’archet utilisée en sitar électro.

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« Botanic » termine le disque sur une note d’espoir plus positive : chanson au refleurisssemen, renaissance des fleurs, des plantes et de la Nature au printemps par la voix après le sommeil hibernant de l’hiver. Quand les machines auront achevé leur destruction systématique, on retrouvera une nouvelle pureté des voix réconciliées dans le chant les humanisant dans la reprise finale des rythmes de la terre.

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Ecoutez l'album de To Catch A Crab dans Jazzology sur Radio Judaïca Strasbourg avec une ... et en concert ce soir Vendredi 11 février à 19 h à Pôle Sud, avec ensuite à 20 h 30 le Trio X de Joe Mc Phee, sa formation la plus stable et la plus émouvante où il se montre un très grand saxophoniste Aylerien ou lyrique, après des débuts très Free avec "Nation Time" et un passage par les sculptures sonores électro-acoustiques avec John Snyder dans les années 70s, puis des standards très revisités de façon futuristico-rétrospective avec Raymond Boni dans les années 80s-90s.

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Plus tard, le DJ ONRA, qui vient de sortir "Long Distance" sera au Mudd Club (dont le nouveau site est ouvert) 7 rue de l’Arc En Ciel jusqu'à 1 heure, et Sir Jarvis et Martin Eble pour leur Bagwahn Disco mensuel à l’Entrepôt jusqu'à 4 heures.

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Samedi 12, vous pourrez entendre Ben G de Right On FM au Phonograph jusqu'à 1 heure, Florian Keller Party au Mudd Club,

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puis Pablo Valentino et Jayffe à l’Entrepôt pour leur soirée MY HOUSE bi-mensuelle.

Jean Daniel BURKHARDT