Charlie Parker naquit le 28 août 1920 à Kansas City, la seule ville à échapper musicalement à la crise de 1929 grâce à son maire gangster TJ Pendergast. Abandonné par son père, il est élevé par sa mère, et se passionne pour Count Basie et son saxophoniste Lester Young, mais inexpérimenté, est renvoyé d’un coup de cymbale sur la scène par Jo Jones lors d’une jam session.

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Après s’être enfermé dans sa chambre pour s’exercer sur les premiers disques de Lester, il part pour les Ozarks et apprend à jouer aussi bien et même mieux que le saxophoniste de Jay Mc Shann Prof Smith. Dans son « Lady Be Good » en 1942, le style de Lester est encore très présent, calqué sur celui de Lester en 1936. D’ailleurs Kenny Clarke a déclaré qu’au début c’était un alto qui jouait comme Prez. Puis ils ont vu qu’il avait quelque chose à offrir de plus personnel.

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Charlie Parker arrive à New York en 1941 comme arrangeur de saxophones de l’orchestre et trouve du travail comme plongeur dans un restaurant où se produit le grand pianiste Art Tatum. C’est en l’écoutant et à force d’entraînement qu’il arriva à une nouvelle façon de passer les accords sur « Cherokee ».

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En 1943, il est engagé dans le Big Band d’Earl Hines tentant un orchestre moitié swing moitié Bop, mais lâché par son crooner Billy Eckstine qu’il suit ainsi que le trompettiste John Birks « Dizzy » Gillespie pour former le premier big band Bop et devenir ensemble les coqueluches des clubs de la 52 ème rue.

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Si le film Bird de Clint Eastwood est inoubliable, la réalité le surpasse sur un point : on y voit un témoin de la Jam de Kansas City lancer son saxo à l’eau. Il n’a pas existé, par contre, un certain Dean Benedetti l’entendit jouer d’un alto aux clés rafistolées d’élastiques lui offrit le sien et le suivit pour l’enregistrer toute sa carrière.

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Mais c’est lors de séances en petites formations (à la rythmique pas toujours bop, d’ailleurs) qu’ils peuvent placer leurs compositions et déployer leurs ailes pour s’exprimer librement, d’abord sous le nom de Dizzy, puis celui de Charlie Parker le 24 novembre 1945.

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A la trompette on y trouve déjà un tout jeune Miles Davis dont c’est le premier enregistrement et Dizzy Gillespie est au piano dans "Billie’s Bounce » et « Now’s The Time », qui sera vocalesé par Eddie Jefferson, d’après un Rythm’N’Blues intitulé « The Huckle Buck ».

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Enfin, le Be Bop est la musique qui libéra le Jazz par ses tempos rapides inouïs et ses bombes à la batterie. Cette séance ne fait pas exception avec « Ko-Ko », décrochage de Cherokee où Dizzy reprend la trompette, Sadik Hakim le piano sur la noire la plus rapide du Jazz jouée à la basse. Parker prend deux solos très rapides entrecoupés d’un break de batterie fracassant de Max Roach.

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Auréolés de cette nouvelle gloire, Charlie Parker et Dizzy Gillespie partent exporter le Be Bop à la Conquête de l’Ouest pour un engagement à Los Angeles, jouèrent avec Coleman Hawkins et Lester Young pour le JATP de Norman Granz, mais après un concert et une séance d'enregistrement où ils firent venir des filles, le bruit que « le Be Bop pervertit la jeunesse », et Dizzy repartit à New York, donnant son billet d’avion à Charlie Parker qui le revendit et resta à Los Angeles,

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Il y enregistra pour la firme Dial de Ross Russell ce « Moose The Mooche » (son dealer) avec Lucky Thompson au ténor, Dodo Marmarosa au piano, Arv Garrison à la guitare et Roy Roy Porter (futur compositeur de « Jessica ») à la batterie, et Miles Davis arrivé en orchestre stop avec Benny Carter, puis Yardbird Suite d’après son surnom (le bleu ou le polulet avant Bird, l'oiseau), chez Mc Shann, un jour que le car écras un polulet et qu'il leur fit faire demi-tour pour le manger. Dizzy ne l'adailleurs jamais appelé Bird, mais Yard.

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Mais le racisme, la drogue et la misère firent mal tourner le séjour de Charlie Parker. Après une séance de juillet 1946 à l’image des hésitations bouleversantes de ce Lover Man , il met le feu à son lit, saute par la fenêtre est emprisonné puis interné à Camarillo où il reprend des forces, puis requinqué enregistre euphémique « Relaxing At Camarillo » en mars 1947 avec Dodo Marmarosa, Wardell Gray au ténor et Barney Kessel à la guitare dont c’était la première séance.

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Rentré à New York, 1947 fut peut-être l’année la plus heureuse de la courte vie de Charlie Parker, il y enregistre Dewey Square (aussi nommé Prezology en hommage à Lester Prez Young) avec miles, Duke jordan au piano, Tommy Potter à la basse et Max Roach à la batterie. 1947 fut aussi l’année la plus prolifique de Charlie Parker qui le 17 décembre expérimente un Sextet en ajoutant le tromboniste Bop JJ Johnson à ce Quasimado.

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Mais hélas le racisme ambiant et la drogue pour l’oublier ne tarderont pas à pourrir la vie de Charlie Parker, qui enregistre le 4 septembre 1948 ce « Parker’s Mood » () cri déchirant suivi de sa plus belle ballade avec Miles Davis (qui n’y joue pas) et son pianiste préféré John Lewis, avec qui il se brouillera quand il assurera le piano dans la version vocalese de King Pleasure qui quoique mélodiquement magnifique, le faisait tout de même passer pour un clochard !|http://www.youtube.com/watch?v=pYKB7Wem744].

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Autre brouille depuis 1946, avec Dizzy Gillespie qui avait monté le premier big band bop entre temps, Charlie Parker pensant avoir été abandonné à Los Angeles. Ils se retrouvent grâce à Norman Granz (le grand producteur de Verve) pour une séance avec Thélonious Monk, autre oiseau du bizarre et du bop au piano, Curly Russell à la basse et Buddy Rich à la batterie le 6 juin 1950 sur cet excellent « Bloomdido » par lequel je découvris le Jazz il y a 20 ans.

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Charlie Parker admirait aussi la musique classique de Stravinsky, Bartok ou Varèse, et fut à ce titre très fier d’enregistrer avec des cordes « with strings » et une rythmique bop, comme dans ce « Just Friends » le 30 novembre 1949.

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Autre genre où Charlie Parker fut l’un des seuls à s’illustrer d’emblée, avec Dizzy Gillespie, le Cubop, Jazz Afro-Cubain ou Latin Jazz, style danslequel il composa : My Little Suede Shoes, le 12 mars 1951 avec ses Jazzers roy Haynes à la batterie-l’un des derniers témoins de cette époque et Luis Miranda.

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Charlie Parker eût même un trompettiste juif : Red Chudnick Rodney, avec qui il enregistra le 8 août 1951 un « Blues For Alice », dédié à sa fille.

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Charlie Parker retrouva encore les pionniers du Bop comme Dizzy, se fâchant avec le pianiste Bud Powell, tandis que Charles Mingus quittait la scène en 1953 au Massey Hall de Toronto.

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Les dernières années de Charlie Parker furent les plus dures, entre drogue, procès et santé déclinante, mais lors de sa dernière séance du 10 décembre 1954, il improvisait sur hard Bop plus moderne, sorte de mambo lourd annonçant l’Autumn leaves de Cannonball et Miles, avec le guitariste Tristanien Billy Bauer et son dernier pianiste Walter Bishop. Lorsque Charlie Parker mourut en s'étouffant de rire (avec certes un ulcère au foie) le 12 mars 1955 chez la baronne Pannonica de Koenigswarten, il était déjà une légence, et le poète Ted Joans tagga Bird Lives sur les murs de New York. Il repose contre sa volonté et celle de son épouse Chan à Kansas City.

Jean Daniel BURKHARDT

Le saxophoniste Sonny Rollins, qui a raconté sa vie dans "Saxophone Colossus" (livre après avoir été un album avec "St Thomas") a aussi connu Bird, et est encore en activité. Il aura 80 ans le mardi 7 septembre 2010, les célèbrera le 10 au Beacon Theater de New York et mon émission "Jazzology" de demain soir 2 septembre (de 21 à 22 h) sur Radio Judaïca lui sera intégralement consacrée.