Print est un quartet de Jazz français né en 1997 renouvelant l’improvisation de l’aharmolodie d’Ornette Coleman dans la lignée de l’américain Steve Coleman et de son M Base, composé de Sylvain Cathala au saxophone ténor, Stéphane Payen au saxophone alto, Frank Vaillant à la batterie et Jean Philippe Morel à la contrebasse. On pouvait les entendre vendredi 22 janvier à Pôle Sud.

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Dès le premier titre, on peut entendre s’ébranler la belle machine, les deux saxophones taxiphonant de concert mais se rejoignant dans les unissons sur la rythmique vive et mouvante, à la fois efficace et très improvisée.

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Finalement, si l’influence de Steve Coleman se fait ressentir, ce serait plus par la liberté d’improvisation offerte à chaque soliste et même à la rythmique que dans ses aspects les plus Hip Hop ou ethniques, une version à la française, si j’ose dire.

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Quand on y pense, cette EMPREINTE (PRINT) laissée dans le sol qui donne son nom au groupe est mouvante, comme si cette ligne individuelle tracée en signature par chaque soliste où parfois ils se rejoignent était balayée comme des traces dans la neige balayées par le vent ou sur le sable emportée par la marée par l’improvisation.

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Les deux saxophones Sylvain Cathala au ténor et Stéphane Payen à l’alto (à revoir avec les « Progressive Patriots » puis Terje Isungset en solo à Pôle Sud le vendredi 5 février), à l’avant, frappent tout d’abord par le contraste entre la liberté de leurs solos et la rigueur de leur soutien mutuel l’un dessus l’autre dessous et vice versa, l’écoute et la justesse de leur jeu d’ensemble quand ils se rejoignent dans les riffs ou les unissons des thèmes réitérés jusqu’à la transe, ou qu’un geste imperceptible de la main ou du poing, garant du contrôle sur leur création, y mette fin.

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Le batteur Frank Vaillant est très actif, sait être un soutien précieux Jazz, martial ou Drum’N’Bass pour ses camarades puis déchaîner ses effets dans des roulements furieux entre un certain exotisme de la clavé ou du folklore latin à sa façon, syncrétique ou imaginaire avec la ferveur dans la découverte de l’homme afro-américain découvrant le feu de l’Afrique intact à Cuba et dans les Caraïbes, ou laisser ses baguettes diverses courir d’un élément à l’autre (sa batterie en comprenant beaucoup plus qu’une batterie Jazz standard, en plastique, cloches et autres percussions, mais la variété d’intensité et d’angle de ses attaques fait beaucoup aussi dans cette variété rythmique de tous les instants) avec une joie tambourinaire enfantine sur des jouets miniatures, le tout organisé/organisant l’ensemble avec un grand sens de la dramaturgie rendant universellement compréhensible ce répertoire très improvisé de l’ensemble.

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Enfin, Jean-Philippe Morel à la contrebasse, était, ce qui n’est pas commun, le seul à bénéficier d’une pédale d’effet. Mât et pilier du groupe en rythmique, il s’arrogea aussi quelques inpros et solos personnels, où la pédale semblait jouer un rôle d’écho pour prolonger plus que distordre les sonorités de ses cordes ou de son archet.

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Leur répertoire accepte autant les thèmes bien composés que les scories pour l’expérimentation de l’improvisation, pour voir où ça mène en se souciant d’avantage du voyage et de ses risques que du véhicule et en évitant soigneusement toute direction, toute destination pour le plaisir de cheminer ensemble ou séparés. Parfois aussi ils créent de miraculeuses surprises, lorsque de l’apparent informe naît à l’Eurêka de notre conscience le sens, la forme, la beauté devant nos yeux comme au premier jour du monde, avec cette soudaine et subite universalité que prophétisait Kerouac dans « Sur La Route » : « De temps à autre, un cri d’une harmonie limpide inspirait l’espoir neuf d’une mélodie qui serait un jour la suprême mélodie au monde et ravirait de joie les âmes des hommes. »

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Chacun tient à la fois tour à tour son rôle de soutien par rapport aux autres et a aussi ses moments d’improvisation soliste servie par les autres, et vice versa, avec un son de groupe mais aussi une liberté d’improvisation de chacun en et hors de l’ensemble qui fait du Jazz le plus bel exercice de démocratie musicale depuis près d’un siècle dans les collectives des parades New Orleans, qu’on appela ensuite Swing ou Bop ou Cool jusqu’au Free Jazz, puis emmena avec lui les fusions Rock ou Funk qu’il avait contribué à créer dans les années 60/70s, et flirte aujourd’hui avec l’électro, « la seule musique assez libre pour accepter toutes les autres » a dit quelqu’un, finalement à l’image de notre monde, avec des poches d’accalmies en oasis entre des urbanités de mégalopoles troublées, contraste qui en fait la beauté, ou nous la rappelle.

Jean Daniel BURKHARDT