C’était ce week-end la première édition du Festival « Jazz & Jazz Manouche au Hohlandsbourg », organisé par « Terre Des Musiques Tziganes » au Château du Hohlandsbourg construit en 1279 accueillant la musique des gens du voyage que sont les musiciens manouches comme des baladins du temps passé.

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Vendredi, le Festival accueillait Dino Mehrsteinl’organiste manouche allemand Jermaine Landsberger et le guitariste Suédois Andréas Öberg qui l’accompagne sur son dernier disque très groovy « Getting Blazed » enregistré à Los Angeles depuis lequel tous les américains se l'arrachent. Samedi, on a pu entendre Silvia B Paris et Biréli Lagrène, parrain du festival, en trio, et dimanche Di Mauro Swing et Yorgui Loeffler, accompagné de Costel Nitescu.

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Samedi 27 juin, c’était donc la chanteuse Silvia B Paris, qui a fait les belles nuits des mercredis du Club Raven cette année, accompagnée de l’équipe des jams de L’Artichaut (qui continuent en juillet): le guitariste américain Rick Hannah (partenaire entre autres d’Anita O’Day, de Chick Corea, Barney Kessel, Joe Pass, Jimmy Smith, Joe Farrel, Stevie Wonder), du pianiste Erwin Siffer (fils de l'humoriste Roger Siffer), de Raphaël Sonntag à la batterie et d’Anne List à la contrebasse (qu’on a pu entendre souvent au Piano Bar avec Pascal Pallamidessi et son propre groupe Jazz-Funk Moglaz), qui l’introduisent par un blues.

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Silvia B Paris arrive, magnifique et bronzée dans son armure de robe longue et manches lamées argent, plus « Silver Finger »« Gold Finger » mais en tous cas une héroïne à la James Bond, et commence par « Blues In The Night », interprété par Jimmy Lunceford et son orchestre (le meilleur Big Band pour les parties vocales) en 1941.

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Le vibrato est émouvant, et elle fait danser ses doigts vers les musiciens ou a sa ceinture, module les voyelles, les doublant et rallongeant avec swing à la Julie London sur les trilles d’Erwin Siffer, les entrecoupant du refrain « My Mamma Don’t Tell Me ».

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Elle continue avec « Honeysucle Rose » de Fats Waller entre ralentissements et accélérations sur la guitare à la Jim Hall accompagnant Ella Fitzgerald à Berlin.

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Avec un accent anglo-saxon, Silvia B Paris s’enquiert, « bichonne les musiciens », mais « ils font les timides», et enchaîne sur « Let There Be You », que je ne connaissais pas, avec un accompagnement à la Ahmad Jamal Three Strings, où ce rêve de Roger Rabbitt promet des huîtres et de l’amour…

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Elle poursuit avec « Summertime » de George Gerswin, débutant sur une guitare lente à la Ella Fitzgerald & Louis Armstrong dans « Porgy & Bess » sur les basses Bossa et les harmonies de la guitare. Soudain, la rythmique part sur un riff bluesy, la voix s’enfle dans les graves à la manière de la version psychédélique de Janis Joplin sur un changement de rythme obéissant au doigt et à l’œil pour le solo de guitare citant « Lullaby In Birdland » entre des trilles à la Tal Farlow /Berney Kessel/Jimmy Rainey avant le solo de piano et la montée de la batterie sur laquelle reprend la voix, finssant dans le tempo lent initial.

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Dans l’intro de « Night & Day » de Cole Porter, Silvia B Paris pointe les musiciens après la cliquetante horloge au « You, You, You » de l’introduction, tombée dans l’oubli après la version de Fred Astaire et Ginger Rodgers dès Billie Holiday, et que Frank Sinatra ne chantait pas, ni dans sa dans sa version « Swingin’ Affair », ni même dans sa version Disco. L’accent de Silvia B Paris rappelle d’ailleurs Sinatra. La version de Silvia B Paris est originale rythmiquement et dans sa prononciation, sa façon d’immiscer les paroles dans le solo Hancockien d’Erwin Siffer (sa principale influence, il a dirigé un temps au Piano Bar un trio PSE inspiré de l’ESP de Miles Davis).

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Silvia B Paris enchaîne avec « Black Coffee » () , un blues que j’ai découvert sur FIP par la version de Sarah Vaughan en 1949. Silvia B Paris la chante de façon émouvante entre café et cigarettes, peut-être plus proche de la version de Julie London.

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Après avoir fait saluer ses musiciens, Silvia B Paris poursuit avec « I Remember You » de Johnny Merce, sur un tempo plus lent que Chet Baker pour Pacific Jazz, moins pop, plus latine et bossa, très originale avec son solo de piano à la Antonio Carlos Jobim des inferniños dans son économie de moyens, suivi des paroles de plus en plus lentement, mais Rick Hannah « ne veut pas travailler », puis se fend d’un solo à la Jim Hall (l’un des plus grands guitaristes de Jazz au monde) accompagnant Paul Desmond dans « Bossa Antigua », «Manha de Carnaval » ou Lalo Schifrin dans « Bossa Nova Groove » et final sur « Yououououou ».

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En fait, Rick Hannah se réservait pour une surprise faite aux « fans de Led Zeppelin » : il esquisse les accords de « Stairway To Heaven » de Led Zeppelin en introduction au « I Love Paris » de Silvia B Paris, très lent, à la Hellen Merrill dans « No Tears No Goodbye », puis soudain plus rapide et fou, plus proche de la reprise de Charlie Parker et Billy Bauer ou Vanessa Paradis (que je n’aurais pas reconnue, sur, autre surprise, le riff de « Heartbreaker » de Led Zeppelin, avec un solo de Raphaël Sonntag à la John Bonham, le batteur surpuissant au son de camion de Led Zeppelin dans « Moby ( ) Dick» . La version la plus Rock et surprenante que j’ai entendue de ce standard.

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Silvia B Paris enchaîne avec «What A Difference Day Makes », autre chanson populaire venue du Mexique chantée par Maria Mendez Grever en 1934, traduite en anglais la même année par Adams et Roy en boléro romantique, puis la version de Dinah Washington remporta un Grammy Award Rythm & Blues et finit en disco avec Esther Philips, reprise ici sur un tempo très lent, puis Silvia B Paris sculptant ses mots avec sensualité dans les interstices des solos de guitare, basse et piano.

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Elle poursuit avec un blues, « Willow Weep For Me », (popularisé par Billie Holiday), dans une version tragique et dramatique jusqu’à mimer la folie en montrant son crâne comme le « Poinçonneur des lilas » ( ) de Serge Gainsbourg, rêvant de « se faire un dernier p’tit trou », mais qui n’en a pas fini avec la retraitedans une version tardive, puis elle va hurler son Blues comme une louve son blues d’un musicien à l’autre.

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Elle vérifie qu’il n’y a «que de l’eau dans les bouteilles des musiciens ». C’est prudent : Billie Holiday et Lester Young, quand ils enregistraient « All Of Me » qui suit, carburaient au «top & bottom », mélange de porto et de gin peut-être frappé (c’est infect, j’ai éssayé). Le début est original, puis très rapide sur un rythme de charleston. Silvia B Paris modernise les standards de l’intérieur par une sorte de talk-over entre les improvisations et chorus des musiciens et les breaks du batteur.

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Comme Billie s’étourdissant de bulles dans « You Go To My Head », Silvia B Paris reçoit un verre de champagne, mais réclame des fleurs, puis nous fait clapoter la pluie de « September In The Rain », sur la basse et la guitare, le piano lents à la Jamal ou comme dans la version de Stan Getz et Peggy Lee, avec un solo de contrebasse d’Anne List et un autre d’Erwin Siffer en stop time au piano.

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Avant « The Man I Love » (« which one », lequel des trois est-il ?), Sivia B Paris nous montre comment tiennent les partitions d’Erwin Siffer : sous des cailloux en presse-papier, mais DU CHÂTEAU. D’abord lente et à peine murmurée, soudain la batterie rend la reprise très rapide à la Ella Fitzgerald quand il arrive enfin. Le solo de piano est Bop sur la batterie à réaction et les trilles de la guitare , avant un solo de batterie tout en bombes et en ras, guitare, basse et chant…

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Silvia B Paris a montré son humour dans ses présentations et son ubiquité rythmique dans ses reprises, elle était LA chanteuse glamour de ce festival.

Jean Daniel BURKHARDT