Depuis vingt ans, la galerie d’art Stimultania, qui a déménagé 33 Rue Kageneck près de La Gare à côté de la Maison de l’Image est l’un des lieux artistiques les plus passionnants à Strasbourg : expositions plastiques, apéro-concerts rock, trad ou electro-accoustiques décalés et accueillant les ateliers du CEDIM une fois par mois.

Stimul_Ocelle_guitare.jpg

Ce mois-ci, Julien Bourdier Martin y expose objets inutiles mais beaux aux matériaux hétéroclites et très belles photos du monde souvent « Sans-Titre » ou légendés de détails techniques, mais très poétiques d’une faille rocheuse naturelle, d’un CRS tournant le dos à la lumière d’une baie vitrée bulle, d’un temple au plancher troué en damiers et profond, d’un hippie dans un trou, de démolitions urbaines, aussi : notre monde.

Stimul_Ocelle_Maserati.jpg

Pour le concert, tout d’abord, on pouvait entendre L’Ocelle Mare venu de Ribèrac (avec un nom pareil, je pensais que c’était une fille!), un jeune barbu en chemise à carreaux triturant un banjo.

Stimul_Ocelle_Octobre.jpg

Sur « Porte d’Octobre » (titre de l’un de ses disques), il court sur les cordes en cascade pour rattraper le tempo d’un métronome posé au sol, puis quelques vents librement soufflés dans un harmonica ou d’une guimbarde ou d’un . On pense à Fred Frith et à un de ses émules Québécois, banjoïste free, à Derek Bailey aussi.

Stimul_ocelle_studio.jpg

Sur d’autres titres, il rythme sa musique des deux pieds sur une planche comme un bluesman rouge ayant appris l’art du pow-wow autour d’un feu, ou de pédales d’effets/ sampler.

stimul_Ocelle_harmonica.jpg

Oui , L'Ocelle Mare est entre un américain et un Chinois du banjo distordu, sonnant toujours du pied la sonnette d’un vélo ou d’un bol Tibétain. Quand il joue ses accords très haut, on croirait entendre un luth mongol. Il a aussi un usage original du diapason, utilisé comme médiator pour son pouvoir vibrant faisant passer les harmonies d’une simple note dans toute la pièce.

Stimultania_Yourtes_et_Tipi.jpg

D’ailleurs selon certaines théories sur les migrations humaines originelles, ce serait à l’origine le même peuple que les Mongols et les Indiens d’Amérique : des « cueilleurs » préhistoriques ayant passé le détroit de Behring en quête de nourriture. Pour preuve, on peut remarquer une curieuse adéquation entre la structure de la yourte mongole et du tipi (ou wigwam) amérindien! Peut-être tout cela était-il volontairement plus esquissé, cherché comme à tâtons, essayé/tenté que joué réellement dans un souci de laisser l’improvisation ouverte. Ce passeur nous a amenés de Ribérac en Amérique, en Chine.

Stimul_Xiao_He__masque.jpg

Xiao He, lui est un Chinois de Pékin jouant de la guitare, d’un lap top qui la modifie, et chantant à la manière diphonique des mongols des steppes.

Stimul_Xiao_He_guitare.jpg

On découvre une guitare plus folk, plus proche des luths mongols et un chant diphonique aux aigus de cantatrice de Shanghaï, aux graves gutturales, puis poussées jusqu’au cri free, hululé sous son chapeau de feutre noir, une sorte de chamane oiseleur, puis se calme sur la guitare et finit en diphonique aigu chevrotant (les mongols imitent les cris des animaux dans leurs chasses). Les accords de la guitare bluesys ou folkeux, sont samplés en rythmique, allongés/modifiés, électrisés par les effets et le laptop jusqu’à devenir cithare chinoise, percussions d’eau électrique. A partir de simples cordes, d’effets et d’un ordinateur portable, c’est tout un univers envoûtant et personnel qui s’offre en écrin à la voix de ce chanteur fou, capable d’un théatre de marionnettes intime dont il serait toutes les voix de l’enfant ou la femme dans les aigus à l’homme ou aux êtres surnaturels dans les graves du chant diphonique, parfois aigres ou profondes, claires ou brisées, puis adapte ce style au ragga plus actuel dans le final.

Stimul_Xiao_He_solo.jpg

Dans les accents les plus graves sur les tempos les plus rapides, on croirait entendre le groupe Huun Huur Tu, comprendre des mots anglais « We Dream We Dream We Dream » mais on rêve à cette pleine voix libérée dans l’aigu,, naturelle puis diphonique dans le final.

Stimul_Xiao_He_solo.jpg

Echos, rebonds d’eaux à la Edgar Froese sur le laptop, intercalé de cithares chinoises. Comme dans la musique Chinoise Classique, la Nature occupe une grande place dans la musique de Xiao He, même si c’est par le truchement de l’électronique et de l’ordinateur. En fermant les yeux, on entend des harpes, des guimbardes, le sifflement d’une coulisse.

Stimul_Xiao_He__masque.jpg

Parfois les accords de guitare sont plus rock, les cris plus trash dans l’aigu. Les vocaux rauques se font bluesys, on entend tinter une cloche lointaine, puis comme la mélodie des glaciers glissants sous la fonte du réchauffement climatique avec déjà des grenouilles électro surnageant, et la voix de Xiao He hurlant avec le loup.

Stimul_Xiao_He__masque.jpg

En bis, des accords de folk plus cool des aigus aux cordes basses, puis les bruits de la mer et la voix, bruits d’eaux qu’il laisse en s’en allant jouer seuls la cascade, les oiseaux : un peu de sa Chine naturelle.

Stimul_Boite_a_rimes_bar.jpg

Pour finir la soirée, il y avait une soirée Slam de la Boîte à Rimes (ma première) au Caveau du Jimmy’s Bar avec un « Bibliothécaire de la Vie », poète dégingandé et conteur post-moderne et l’autre plus un poil sur le caillou, plus hip hop mais à la poésie non moins essentielle : Ils ont la naïveté et la révolte, la folie et la poésie libre à deux, quatre lunettes curieuses ouvertes en hublots sur le monde et leur imaginaire, accompagnés un guitariste de bataille navale et invitant le public à se joindre à eux dans le set final par des exercices originaux : alphabet personnel, «dans une autre vie, je serais… », ou des extraits de livres… . Jean Daniel BURKHARDT