Le groupe Boï Akih (Princesse Akih) est à l’origine un duo hollandais depuis 1995 composé du guitariste préparé et siffleur Niels Brouwer et de la chanteuse Indonésienne Monica Akirhary, originaire des Îles Moluques, qui viennen de sortir « Yalelol » en 2007.

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Mais pour leur disque «Uwai» en 2004, chanté intégralement en haruru (la langue des Moluques, en voie de disparition, parlée seulement par un millier d’insulaires), ils étaient un quartet, avec le violoncelliste néerlandais Ernst Reijseger et le percussionniste indien Sandip Bhattacharya aux tablas, élève de Ravi Shankar.

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Vêtue d’une robe orangée qui lui donne l’air d’une sirène ornée encore de corail et de coquillages sur ses pieds nus, la princesse Monica Akihari est une chanteuse très variée, alliant des envolées lyriques d’oiseau enchanteresses à un scat ravageur, enchaînant en haruru, puis partant en khyal syllabique à la Nusrat Fateh Ali Khan. Parfois elle utilise des effets plus contemporains dans les aigus, crie ou s’étouffe au fond de sa gorge ou miaule, mais au moment de chanter, son chant s’en libère toujours.

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Son compagnon à la vie comme à la scène, le guitariste Niels Brouwer, une mèche de ses cheveux cachant un de ses yeux tel un corsaire des mers du Sud, passe du flamenco dans « Imi » à la guitare préparée par des barrés originaux, joués du côté le plus étroit avec des nuances dans l’aigu, trouvant dans le reste des cordes les valeurs graves d’un oud à une imitation de berimbau dans « Risa », ou trouve des nuances indiennes ou utilise des effets de cordes contemporains plus crissés que pincés,. En introduction à « Mritine », il se lève et reprend gaiement avec Reijseger les gammes rythmiques indiennes à la suite de Sandip Bhattacharya en din da ta.

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Ernst Reijseger scatte dans les graves dans «Potu Lototo Polu » en tenant son violoncelle comme une guitare en transversale avec l’attitude assise d’un vieux bluesman, suit Sandip Bhattacharya dans ses gammes rythmiques indiennes sur la guitare indianisante de Niels Brower.

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Il peut aussi être ethnique comme un mridangan dans « Jahna » accompagnant les vocaux indianisants de Monica Akihary. Il est plus grave, quand il joue de son violoncelle de manière plus conventionnelle à la verticale et avec l’archet, baroque comme une viole de gambe dans les graves, ou rappelle les suites de Bach dans son bourdon en apesanteur lors du bis final, se levant sans que la pique ne touche plus terre. Il est aussi le plus clownesque, le pitre de la bande, terminant un titre d’un battement d’ailes, ou cabot prétendant parler français en place d’Akih avec Niels Brouwer.

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Dans cette orchestration plus contemporaine, la reprise de «Risa » (Fighting) extrait du premier album en duo, il assure les basse en frappant l’archet sur on violoncelle à la forme de berimbau, Niels Brouwer étant accordé plus aigu.

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Sandip Bhattacharya est le plus discret, assure une pulsation permanente sur ses tablas et une cymbale, on le remarque surtout dans ses gammes rythmiques vocales, mais il suit aussi ses complices sur les chemins de l’expérimentation contemporaine, répondant aux effets crissés de la guitare en frottant la baguette sur la petite scène surélevée où il est assis en tailleur.

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Bref, ces individualités de cultures ethniques et musicales différentes trouvèrent un vrai son de groupe, servirent à merveille ce répertoire et promettent une nouvelle forme de musiques traditionnelles improvisées ouvertes au Jazz, qui en retour pourrait sauver les langues de ces cultures oubliées, comme ici le haruru des Moluques.

Jean Daniel BURKHART