Ce vendredi 6 février à Pôle Sud, un double plateau d’improvisateurs italiens et contemporains posant, à l’écoute de leurs disques, la question du « Comment font-t-ils ?» : le guitariste Sarde Paolo Angeli qui joue d’une guitare Sarde « préparée » à la Fred Frith, en duo avec le batteur polyrythmique afro-américain Hamid Drake, avec lequel il a enregistré le disque « Uotha » ; puis le nouveau trio du batteur percussionniste Michele Rabbia, qui a enregistré avec Marilyn Crispell (pianiste d’Anthony Braxton, Gary Peacock et Paul Motian) et le violoncelliste Vincent Courtois le disque « A Shifting Grace» en 2005, accédant à cet état de grâce par des chemins de traverse entre bruitisme contemporain contrôlé, improvisations abstraites et compositions lyriques flirtant avec le classique et le baroque, capable de n’enregistrer sur une plage que le stylo écrivant une lettre rageuse… De quoi piquer la curiosité visuelle et intellectuelle…

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La guitare Sarde préparée de Paolo Angeli, en costume de marin, est jouée de biais (alors qu’on la joue traditionnellement comme toutes les guitares en bandoulière), comme un violoncelle, posée sur un pique entre ses pieds nus, et il a l’air d’être à la barre, au gouvernail de toute une machinerie de cordes. Au sommet de l’instrument, d’ailleurs, est greffée une tête de violoncelle et sa volute, ou coquille, ou spirale d’Archimède, ce qui rend cette guitare unique, de l’aveu de l’instrumentiste, qui l’a « préparée », à la manière du guitariste Fred Frith en rajoutant des cordes de sitar, des freins de vélo et des ressorts, ou même des ventilateurs .

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Ces cordes et l’emploi de différentes techniques le rendent capable de passer de la finesse d’une harpe, à une guitare baroque dans « Corpo A Corpo », à un violoncelle en bourdon ou violon électrique Rock à l’archet dans « Beslan » , ou à une guitare électrique Hendrixienne saturée d’effets de pédales dans « Fuga Del Mouse » et « Specchi D’Arencia » dans un joyeux syncrétisme stylistique et musical alliant baroque, classique, Jazz ou Rock, parfois dans le même titre, comme Fred Frith avec son groupe « The Art Bears » entre reprises de Brecht, baroque Moyen-âgeux, Jazz et Rock.

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L’attaque des cordes, pincées, frappées, frottées, crissées, seules ou ensemble, est toute aussi originale, utilisant aussi des cartes et objets colorés qu’il coince entre les cordes et le bois, pour isoler certaines parties de l’instrument, en faire jouer d’autres à vide…

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Le batteur Hamid Drake, longues dreadlocks dans le dos, utilise lui aussi toutes les possibilités de la variété de ses frappes entre le Funk ou le Rock de ses premiers groupes, le Jazz « free » expérimental très improvisé qu’il a appris en suivant le saxophoniste Peter Brötzmann, puis le vétéran du Jazz Henry Grimes, enfin des beats drum’n’bass plus modernes. Il a aussi abandonné sa batterie pour un grand tambour sur cadre accompagnant son chant en africain, puis en arabe.

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Et on peut parler en effet de vibration « par sympathie » non seulement entre les cordes mais aussi pour la complicité visible qui unit les deux instrumentistes jusque dans leurs dernières embrassades, où l’imposant batteur noir semble étouffer le frêle guitariste italien entre ses bras sur sa poitrine.

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Jean Daniel BURKHARDT