Pour la dernière soirée du Festival Electro-Groove Contretemps, c’est l’Allemagne qui était à l’honneur, avec le groupe Jahcoozi de Berlin et le DJ Ben Mono de Munich.

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Mais la soirée commençait avec un habitué du festival, Ben G, DJ officiant sur « RIGHT-ON FM ». En écoutant sa musique me viennent les images d’une histoire spatio-musicale.

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Une House tintinnabulante sur de bons Beats Funky soutiennent entre une voix Soul entre Love et Soleil acidulée de synthés. Sa New-Wave est réchauffée de diodes carillonnées dans la fumée des amplis et la lumière des projecteurs,qui invitent à une rêverie lunaire.

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La vague Wave rencontre la Bossa Nova (Nouvelle Vague Brésilienne faite de Samba ralentie par João Gilberto sur des compositions d’Antonio Carlos Jobim dans les années 50s/60s et du Cool Jazz de Stan Getz) sur des percussions Brazil cliquetante. Mystères du « Ti-i-i-ime » chante la voix d’une prêtresse Soul électronique, finalement « Do-o-o-own » sur la Batucada à deux temps.

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La basse se fait Disco, la voix Ragga nous transporte dans une «Soul From Outer Space», disco de voix lactées aux syncopes electro-dub flottantes relevée d’une cuica dans la batucada.

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« Dancing » sur le rythme du tube « Dance » de Justice, avec des percus tintinnabulantes sur synthés in the House, la basse disco tournoie comme les anneaux de Saturne.

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Un message sidéral de satellite est réverbéré, transmis aux astres et par les hommes sur les percussions du monde, hésite et tremble dans les brumes de l’espace-temps à l’arrivée d’une grosse voix, d’un gros rire, le monstre de la Tech 80ies. Les sous-« cuica »-pes volantes sonnent les cloches de l’alarme sur la disco bass, réveillent le monstre.

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La batucada rebelle en procession de carnaval envoie des rayons lasers qui déclenchent des big bangs de cuivres en fanfare dans les étoiles, libère les esprits souffleurs du Jazz des Brass Bands des Mardi-Gras de New Orleans.

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« Bird Lives » écrit Ted Joans dans les étoiles, avec des traînées d’halo lumineux sur sa queue de comète suivant les arabesques de ses solos de saxophone alto, prolongeant l’instrument.

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Arme plus moderne, continuant son message avec l’électricité, une attaque de Miles Davis, une droite du boxeur noir « Jack Johnson » porte un uppercut de synthé groove.

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Dans ce cataclysme, l’Afrique a son Funk, les cuivres de l’Afro Beat de Fèla Kuti ont contaminé les synthés (il jouait aussi des claviers) et défoncent tout sur les imprécations de sa mère un peu prêtresse, victime de la répression de larmée Nigériane contre Kalakuta parce qu’il avait chanté « Zombie » en public, « Say Down Low ».

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Une attaque des Mickey Jack’Sons sur le synthé space groove.

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Passage dans le décan du Latin Hip Hop caraïbe. Les émigrants latinos fuyant la misère de l’Amérique Du Sud sont poursuivis par les sirènes de Bush Vador qui contre-attaque pour éviter toute invasion dans son empire. Mais ils sont trop déterminés par l'espoir d'une vie meilleure, trop nombreux.

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Après celles du Brésil et de l’Afrique, des Caraïbes finiront « In The Jugnle Groove » avec James Brown, ils se perdent dans la jungle urbaine, où la Salsa avec la Fania est née de ces amours du Jazz, du Funk, des musiciens exilés et des rythmes latins de Cuba, de la plena et de la bomba de Puerto-Rico, de la cumbia de Colombie, du merengue et de la bachata de St Domingue. Salsa : la sauce pimentée de notre Planet Soup riche par sa diversité.

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Et l’électronique peut utiliser toutes ces musiques présentes, passées pour alimenter la nouvelle musique future. L’essentiel pour moi est que ce soient les hommes qui gagnent contre l’amnésie des machines.

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Arrive le groupe Berlinois Jahcoozi, en fait très international, formé en 2002 de Sasha Perera, chanteuse Londonienne d’origine Sri Lankaise, du DJ et producteur allemand du label Hamton Recods Robot Koch et du bassiste de jazz électrique Israêlien Oren Gerlitz, alias Baba Massive, venu de Tel Aviv, à l’image de la capitale allemande très cosmopolite.

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On n’aperçoit tout d’abord qu’une forme encapuchonnée de métal brillant, et les yeux protégés de lunettes de soleil futuristes des rayons radioactifs, elle semble une Bédouine spatiale ou Humanoïde des villes de l’ère post- glaciaire, s’élevant dans une atmosphère de fin du monde, sous le sweat alu de laquelle on devine un short à la Lara Croft et des jambes immenses. Elle chante d’une voix de fée envoûtante, puis après un début cool presque valiumisé, les beats s’ébranlent en un dub et elle part en ragga. L’israëlien à locks est à la basse comme à la barre d’un navire, le DJ allemand acère les beats variés.

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Sasha Perera enlève sa doudoune sur le tempo de la seconde chanson, on aperçoit enfin ses yeux et ses cheveux bouclés. Reste un voile d’étoiles autour du cou, sur ses jambes de gazelle des savanes, d'araignée des villes. Elle danse de manière tribale sur ces musiques urbaines, chante une mélodie orientale, puis Dance-Hall sur les beats, se réfugie en chasseresse, à l’affût derrière l’ampli, en bondit devenue prédatrice à la souplesse de léopard, rechargée par son électricité, dans une ivresse Dionysiaque. Une pluie d’étoiles rouges et bleues sertissent son t-shirt, brillent et miroitent leurs diamants sous les projecteurs.

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Arrive « BLN », apparemment leur plus grand tube, la chanson la plus rapide, la plus violente, mais qui ne rend pas bien compte de la variété de leurs compositions martelant ce « BLN » sans qu’on sache de quoi il s’agit (je ne pense pas tout de même que la Brigade Libératrice des Nains de jardin ait des factions en Allemagne, quoique... non c'est BERLIN biensûr) En tous cas sur cette chanson énervée, Sasha Perera se fait amazone urbaine venue de l’espace. Pour sa liberté de mouvements scénique, elle utilise un micro sans fil, et en effet ne tient pas en place. Elle danse, entre dance-hall des baile funks et danse du bâton africaine, sur les amplis comme sur des rochers qu’elle escalade.

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La plupart des chansons semblent privilégier l’anglais mais on peut parfois reconnaître un peu d’allemand sur des percus légères à l’arrière. Parfois dans les moments les plus violents, elle a un côté chanteuse de Skunk Anansie, Deborah Dyer alias Skin, noire au crâne rasé mais sans la violence et la dureté qui empêchaient celle-ci d’être sensuelle, à mon sens, plus spirituelle dans sa puissance vocale, dans un énergie plus rêveuse, plus variée dans ses mouvements.

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Derrière la scène, Ben Mono semble apprécier.

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«Rainbow Coloured Rizzla » : Une voix synthétique par ordinateur au démarrage, suivie d’un solo de basse et cette fois d’une voix Soul délicieuse, à la Massive Attack dans les aigues, avec qui Jahcoozi a déjà partagé l’affiche.

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Soudain, Ô surprise, Sasha joue de la trompette, un bon solo avec des syncopes Caraïbes, dos au public comme Miles Davis au début par mépris ou « pour la réverbération du son », prétendit-il un jour, puis à la fin pour mettre ses musiciens en valeur. Elle joue un solo dans un style ska émouvant et maîtrisé, décalé sur le beat, improvisant un duo avec la voix d’homme de l’ordi.

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Dans la présentation de la chanson suivante, on dénote son accent Londonien, qui prend ici un aspect groovy, puis chante d’une voix changeante, passe d’une clameur butinante à une voix puissante qui devient ensuite enfantine, avec quelque chose du son de sa trompette. L’ordinateur rajoute des sons aigres, et la basse une énergie fusion Rock/Funk à la Red Hot Chili Pepper. Quant à Sasha Perera, elle se révèle une véritable Yamakasa Dance Hall, agenouillée sur le sol et fait au public un effet indiscutable. Clic Clac, un clap et elle prend une autre voix encore, en écho adulte, puis à la Betty Boop, puis crie pour réveiller le public sur la rythmique évoluant entre Dance Hall, Rap, Drum’N’Bass, Jungle et Broken Beat.

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La liberté imprévisible de ce caméléon scénique est aussi vocale que chorégraphique. Elle sait charmer, surprendre et parfois faire froid dans le dos aussi par son côté casse-cou qu’on devine prête à tout. Jahcoozi_presse.jpg

« ONE 2 3 4 » donne le tempo d’un morceau très violent au final plus soul. Elle saute dans le public, partage avec lui sa bouteille de vodka, sans cependant inciter à boire cette « not a very good drink », puis l’invite à bouger avec elle « Shake, Shake with you ». «She’s A Dancer » apprécie l’ordinateur central, pendant ses mouvements afro tribaux dance-hall sur un tempo ragga. [Final Soul plus apaisé sous les cris du public dans le micro qu’elle lui tend, décidément généreuse et partageuse dans une véritable communion avec celui-ci. Mobile, elle est comme une cascadeuse, une équilibriste de la scène qui prend des risques, portée par une sorte de transe par la musique, qu’elle rend d’ailleurs plus intéressante.|http://www.youtube.com/watch?v=ETwGBQe_kEk|fr] Jahcoozi_Live.jpg

Suit un Dub Anglais pêchu d’inspiration Pakistanaise à la Asian Dub Foundation, qui avaient même osé utiliser un sample du grand chanteur soufi Qawali aux transes héritées du khyal d’Inde du Nord pour prolonger ses transes vocales syllabiques à une demi-heure en concert : Nusrat Fateh Ali Khan. Le Beat est dur mais la voix l’adoucit, l’humanise. Jahcoozi_carreaux.jpg

« I Don’t Give Up » (j’abandonne pas) sur un tempo Afro-Beat où le DJ allemand Robot Koch montre qu’il n’est pas qu’une machine en rappant des paroles sur la TV sur « Game Boy » contre cette génération de gamins lobotomisés par les jeux et la télévision et Michaël Jacson. Elle danse derrière lui, africaine et libre, chante avec lui, mais elle a infiniment plus de présence, de sensualité, lui reste un robot froid, mécanique, ce « Funky Booster » comme elle l’appelle.

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Et d’haranguer le public d’un « Come Together » ;

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Parfois elle semble étonnée d’elle-même, des lueurs de tempêtes passent dans ses yeux d’or, des yeux de serpents hypnotiques si on s’y attardait. Des cuivres samplés retentissent, doublés par la basse. « So Sweet » chantent ses acolytes en chœur, tandis qu’elle danse avec une serviette sur la tête comme un voile, y cachant son visage en chantant «You gotta feel love », puis fait tournoyer la serviette au-dessus de sa tête. La scène, les objets, les amplis tout devient à son contact son terrain de jeu, est intégré dans l’improvisation corporelle de son spectacle total et ouvert, pour le plus grand plaisir de leur « Special Guest : YOU !!! », le public, qui crie dans le micro tendu. Elle arrive à créer aujourd’hui cette communion collective dont le manque a amené Jim Morrison à la mort.

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Suit un gros thème métal saturé, le doigt revendicateur pointé vers le ciel où Robot Koch fait passer des orages électroniques, intergalactiques, tandis que la basse joue des riffs slappés rageurs à la « KIlling In The Name Of » de Rage Against The Machine (repris en instrumental Jazz Funky par The Apples). Debout à l’angle de la scène sur l’ampli retour, elle croise et décroise ses jambes, saute de la scène, secoue ses bouclettes avec une grâce naturelle qui n’empêche pas sa folie de se déchaîner par moments, entre maturité Soul et petite fille.

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Le morceau suivant est presque Brazil, les vocaux Acid Rap, et la basse groove, suit un autre latin avec un sample de flûtes Andines, avec lesquelles elle fait tournoyer le micro sur un mix de percussions au tempo Dance Hall, et finit en off beat (contretemps du Reggae).

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Le public saute partout comme à une séance de jogging en imitant Sasha qui danse dans le public précédée d’un éclair blanc de chaleur Africaine, puis finit allongée sur la scène. Jahcoozi_lignt.jpg

En bis, leur chanson la plus pop, où la voix de Sasha se fait brumeuse dans une ambiance à la Portishead, ballade martienne cool aux sons ambients magnifiques sur de petits beats légers, en allemand. Elle chante « fish fish fish » et termine en vocaux indianisants sur la fin plus violente.

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Ben Mono, DJ de Munich, terminait la soirée. Son originalité, qui lui a valu d’entrer sur le label «Compost Records», est d’avoir créé son propre style, le «Bit-Hop » : moins de beats que dans la techno minimale à la quelle on nous avait habitués Outre-Rhin, mais plus d’intensité dans le son, fusionnant hip-hop, house et electro.

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Des débits pygmées courent sur ses beats, puis du hip-hop sur une basse disco, du Ragga mélangé au Ska Anglais, du Hi-Hop doux comme du Dub.

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La plus grande surprise de cette soirée était la chanteuse de Jahcoozi, Sasha Perera.

Jean Daniel BURKHARDT