En fermeture du Festival de Munster 2010, on pouvait voir le samedi 15 mai dernier le Big Band du vibraphoniste Dany Doriz dans un hommage au premier grand vibraphoniste de Jazz, Lionel Hampton, qu’il a bien connu et qui le considérait comme son fils spirituel, comme l’ancien président du festival, le vibraphoniste Michel Hausser, qu’il écoutait dans sa jeunesse par le conduit d’aération du Chat Qui Pêche, avant d’ouvrir son propre Club, le Caveau de la Huchette, à St Germain, ouvert tous les soirs, cédé ensuite à son fils Didier Dorise (Dany a dû américaniser son nom!), ici à la batterie, fan de Sam Woodyard (batteur de Duke Ellington.

Doriz_Hampton.jpg

A l’introduction, sans le vibraphone, le big band fait penser par le piano de Pierre Cammas à celle de Count Basie, au centre de la rythmique entre Patricia Lebeugle à la contrebasse et Marc Fosset à la guitare (accompagnateur ici même de Stéphane Grappelli), très discret mais à la pulsation essentielle comme Freddie Green.

Doriz_disque.jpg

Dany Doriz entre sur scène. Tous sont en costumes et cravates, même le batteur (pour lequel il doit faire le plus chaud). Et comme un feu d’artifice, ils enchaînent les tubes de Lionel Hampton de Flying Home (où le saxophoniste Illinois Jacquet gagna ses premier galons) à Hamp’s Boogie Woogie (composé par le pianiste Milt Buckner) sur la base du Boogie qui inspira aussi les Rocks de Boris Vian pour Magali Noël, à Air Mail Special (Lionel Hampton était aussi aviateur) composé à ses débuts pour le premier orchestre mixte (deux blancs/deux noirs) de Benny Goodman.

Doriz_band.jpg

Les thèmes sont repris par les cuivres et les anches en fond sonore pulpeux à souhait, puis en boogie-woogie par le leader, citant courtement le Night Train de Jimmy Forrest, et enfin encore après les applaudissements, à la manière de l’organiste de Duke Ellington Wild Bill Davis haranguant le public de ses One More Time ? dans April in Paris, puis se calmant par des ballades comme La Mer de Charles Trénet.

Doriz_vibra_live.jpg

Comme Hampton, qui était aussi un batteur foudroyant et un pianiste efficace dans un style percussif proche de son jeu de vibraphone, avec des traits de stomp et de boogie, Dany Doriz fit un temps un quatre mains avec son pianiste.

Doriz_guitare.jpg

Plus proche de Jimmy Rainey que de Charlie Christian, Marc Fosset donna un amusant solo de guitare, parodiant les guitar-heroes du rock, se traînant jusqu’à terre sur le dos puis faisant mine de manger ses cordes comme Jimi Hendrix (mais sa guitare jazz a l’air d’avoir une toute autre saveur que la seule électricité de la fender solid body d’Hendrix!).

Doriz_cuivres.jpg

Chaque musicien de la section des saxophones et des cuivres eut sa minute de gloire en soliste swing, bop, cool ou en chase à l’ancienne sur Stealin’ Apples. La modernité de l’arrangeur se remarqua par un arrangement des plus modernes et funky, presque Hip Hop de l’antique Sweet Georgia Brown de New Orleans.

Doriz_saxos.jpg

Enfin, atout charme de l’orchestre, la chanteuse Gilda Solves de San Francisco scatta coome Ella (http://www.youtube.com/watch?v=tBD9oj_B1qs&feature=related ) sur Goodie Goodie (http://www.youtube.com/watch?v=T7CJA6ejd4w) et chanta Stardust (http://www.youtube.com/watch?v=g9mTsXLlXQo), sur lequel le vibraphone d’Hampton devenait émouvant, délicat comme des flocons de neige ou des étoiles.

Doriz_chanteuse.jpg

Comme l’a écrit Alain Gerber : «Lionel Hampton est un peu « l'idiot du village » du jazz, mais un idiot qui intéresserait son monde parce qu'il dit ce que le secrétaire de mairie n'ose affirmer... Hampton joue en effet, face aux Basie, Ellington et Goodman, le rôle du dérangeur hilare, du trouble-fête qui bouscule les règles de bienséance du jazz en plaquant des accords sur son iconoclaste vibraphone (instrument qu'il découvre par hasard dans un studio d'enregistrement !) sur des compositions qui deviendront des standards. Vibraphoniste, arrangeur, chanteur et chef-d'orchestre, Hampton s'amuse comme un fou (préférons ce terme à « idiot ») dans cette compilation idoine qui le présente dans différentes configurations (petites formations, big band) ou en compagnie de complices (Louis Armstrong, Benny Goodman...). » Et chacun sait que le fou du roi disait justement au roi impunément des vérités qui aurait coûté leur tête à tout autre!.

Doriz_vibra_live.jpg

En un mot, grâce à Dany Doriz et son Big Band, le Jazz de Lionel Hampton redonna au public ce qu’il donnait de son vivant : de la joie et de l’émotion à l’état pur, à ceux qui sont trop jeunes pour l’avoir entendu de son vivant, et le Festival de Jazz de Munster confirma par la même occasion être le plus proche de l’esprit du vrai Jazz dans notre région, sans additif ni organisme Jazzystiquement modifié!

Jean Daniel BURKHARDT