Marc Ducret est l’un des guitaristes les plus importants du Jazz français. Né en 1957, on le croit souvent plus jeune qu’il n’est à cause de son look futuriste spatial (pantalons baggys oranges pétants, T-shirts sans manches) et de son crâne rasé depuis plus de vingt ans. Guitariste autodidacte, il a commencé comme sideman d’Andy Emler, du premier ONJ, puis de Louis Sclavis et son Accoustic Quartet ou Tim Berne (puis enregistré sur Label Bleu sous son nom, et sur beaucoup de petites labels indépendants à la guitare électrique, acoustique à 6 ou 12 cordes ou baryton, en solo (Détail), duo, trio (avec Eric Echampard et Bruno Chevillon), avec son grand ensemble Le Sens De La Marche , ou avec des invités lisant des textes littéraires dans Qui Parle ?

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Installé au Danemark, il était invité à Pôle Sud pour la création de son tout nouveau Quintet Franco Danois composé Kasper Tranberg au cornet, Matthias Mahler au trombone, Peter Bruum à la batterie et Fred Gastard de la Campagnie des Musiques à ouïr au saxophone baryton.

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Marc Ducret joue toujours à fond, et aime jouer, dans toutes les formations, des meilleures au plus étranges, s’adapte à celles qui l’accompagnent, au risque de paraître parfois obscur ou compliqué. Il en joue d’ailleurs, rêverait de jouer le même répertoire avec plusieurs de ses groupes successivement, et remercie Pôle Sud de le suivre dan ses projets!

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Mais il gagne à être porté par une section rythmique efficace comme ici, et Fred Gastard assura des basses constantes et des solos lyriques, comme Peter Bruum, assurant le tempo, mais aussi la sauvagerie à d’autres moments. Quant aux cuivres, ils oscillaient entre lyrisme, contrepoint et interventions plus libres, le rôle de contrepoint, de contrechant et celui de trouble-fêtes avec toujours le même à-propos irréprochable.

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Bien tenu par cette rythmique, Ducret se révèle le guitar-hero inventif et inspiré par les années 70s qu’il a toujours rêvé d’être, et est dans ses meilleurs moments. Il n’est pas de ceux qui sacralisent leur instrument, et en sort des sons inouïs qui montrent qu’il est pour lui un moyen d’espression, comme un saxo, un clavier. On pouvait d’ailleurs penser à l’un de ses disques les plus universels, Jazz-Rock au possible, avec ce côté Miles électrique, funky ou traditionnel selon les titres qu’est News From The Front, enregistré avec Herb Robertson, Yves Robert et François Verly en 1991.

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Pour ce qui est de ses compositions, Marc Ducret concilie à la fois des parties très précisément écrites et laisse à ses solistes la latitude d’improvisations folles et débridées.

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Assez amusant dans ses transitions, Marc Ducret donna aussi en bis une interprétation plus ancienne : pour un disque thématique consacré aux bandes originales de films tournés à Paris, il ne s’était plus trouvé de libre à son retour de tournée que celle composée par Gato Barbieri pour Le Dernier Tango A Paris. Après l’avoir jouée très lentement, sur un mode parodique, pour montrer qu’il l’appréciait moyennement, il la décomposa en fanfare déjantée ralentissant/accélérant avec l’orchestre, livrant peut-être dans ce mouvement un de ses secrets de fabrication : prendre les choses à rebours, à rebrousse-poil pour leur donner un nouvel intérêt, ou nous en donner un autre point de vue.

Jean Daniel BURKHARDT