Vendredi soir 27 mai, la Salle du Cercle de Bischheim invitait pour sa clôture de saison, du très rare sous nous latitudes : accompagnés par les brethiopiques du Badume’s Band, deux stars de la musiques Ethiopienne des années 60s/70s : le crooner Mahmoud Ahmed et l’Elvis, le James Brown Ethiopien, Alèmayehu Eshèté, réédités par le label Ethiopiques!

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Après un jus de bissap (hibiscus), baobab ou gingembre (qui arrache le plus des trois), arrive le Badume’s Band et son chanteur Eric Menneteau, qui, quoique Bretons, sont l’un des meilleurs groupes Ethiopiques, et ont d’ailleurs eu l’aval de Francis Falcetto (éditeur du label Ethiopiques qui réédite les disques des années 60s/70s de Jazz, Funk, Rock , Groove, Trad Ethiopiens) et remportèrent un concours à Addis Abèba (). Cet âge d’or de la musique Ethiopienne se déroula entre 1968 et 1978, fin de règne du Négus Hailé Sélassié, avant la dictature stalinienne de la junte militaire.

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Certes le son est un peu plus froid et Rock, mais on ne pourrait rêver meilleur backing band, et en fermant les yeux, on s’y croirait, même vocalement. Francis Falcetto a eu à propos de ces petits groupes d’Ethiopiques Européens une jolie formule : ils sonnent comme « ce qu’aurait pu devenir la musique Ethiopienne haute époque, si elle n’avait pas été flinguée par la dictature ».

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Une chanson et un instru plus tard débarque le premier des invités Ethiopiens : Alèmayehu Eshèté, qui n’a pas volé son titre d'Elvis, de James Brown Ethiopien. Natif de la région rurale du Godjam en 1941 et d’un milieu modeste, son père le traquait dans les mauvais lieux où il suivait l’Orchestre de La Police (seuls cuivres et seuls musiciens autorisés avec l’Armée, la Garde Impériale), et pour se faire pardonner, il multiplia les ballades sur la piété filiale, mais son attitude restait Rock dès 1969, puis Funk dans les années 70s. Il a encore aujourd’hui, quarante ans après, un faux air de Little Richard dans son col roulé noir. Certes sur les tempos les plus rapides, il est moins survolté dans sa danse de mariage Weleba et ses mouvements de glotte acrobatiques qu’à l’époque dans Yeweyn Haregitu/Feleqleqe, mais franchement le groove est là, la danse aussi, et ces halètements rythmiques caractéristiques chevauchant entre gunnuck et duschmuck! Le tempérament, un zeste de crânerie 60ies/70ies et quelques baisers au public font le reste!

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Il tombe la veste, alterne ballade et morceau rapide et nous ramène à Addis Abéba avec Addis Abeba Beté (Je suis chez moi à Addis Abèba). Quelques ethiopien(ne)s dansent sur la scène.

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Puis arrive Mahmoud Ahmed, en costume traditionnelle Ethiopien : djellaba blanche, serre- tête vert jaune rouge (le Rastafaris me Jamaïcain vient d’Ethiopie et Jah Rastafari l’empereur Haïlé Selassié lui-même, après une prophétie de Marcus Garvey). Lui est né également en 1941, mais dans le Mercato (marché) d’Addis Abeba. Cireur de chaussures, il fut repéré par les musiciens de la Garde Impériale. S’il était plus un crooner dans les années 60s/70s, Mahmoud Ahmed n’était pas incapable de groove sur deux ou trois titres () et rock, voire de twist, et de cris, quand il imitait le paysan Ethiopien dans « Embwa », et encore aujourd’hui, roulant les rrrr sur la guitare Rock comme un lion rugissant sur « Belomi Benna », haranguant le public de ses Habet Habet!

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Il semble avoir mieux vieilli qu’Alèmayehu Eshèté, porté par la force tranquille et un groove infaillible mais terrien, bien ancré dans le sol, des vieux jazzmen ou bluesmen, ou son répertoire, moins juvénile, s’accorde mieux à la prise de l’âge, comme son éternel Ere Mèla Mèla, premier disque sorti chez nous en 1986, alors que beaucoup réduisaient l’Ethiopie millénaire (la reine de Saba en venait) et majoritairement verdoyante à la famine du Sahel.

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Les deux autres chanteurs revinrent pour le final chanter ensemble, communier encore cette belle communauté musicale transculturelle, et les deux plus âgés ne furent pas les derniers à faire applaudir le plus jeune. Si elle permet ce genre de choses de par le monde, la mondialisation a peut-être, par certains côtés, du bon....

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Autre grand musicien Ethiopien, Mulatu Astatqé, prévu le 10 juin à Contretemps, a dû hélas annuler son concert pour des raisons de santé.

Jean Daniel BURKHARDT