Chris marker, photographe, cinéaste et écrivain, est mort le 28 juillet à 91 ans (on doute de sa date de naissance). Un article de Libération lui rend hommage.

A Noël une Amie inspirulinatrice Dadaïste Âmarchiste m'avait envoyé le film "Les statues meurent aussi", de Chris marker en 1953 : "Cette botanique de la mort, c'est ce que nous appelons la culture......quoi de plus juste, vivement disparition de toutes cultures !!!"

Voilà ce que m inspira alors "les Statues meurent aussi": film d d'Alain Resnais aussi, auteur de "L'année dernière à Marienbad", "les amants".

La musique du générique étrange mais intéressante est d’André Hodeir, violoniste, musicologue et critique de jazz auteur d "Hommes et problèmes du Jazz", très ennuyeux comparé aux chroniques de Vian où au moins on s'éclate, mais où il défend au moins le Jazz noir américain. Il a aussi composé pour Kenny "Klook" Clarke, le premier batteur Bop afro américain, qui s'expatria vite en FRance lassé du racisme américain ambiant dans l'immédiat après guerre. C’est un mélange de gamelans gongs balinais ou indonésiens et de cuivres ethno jazz criards dissonants intéressants, tout à fait l'idée d'un exotisme de pacotille d'époque, à la fois fascinant et terrifiant, caractéristique de l'idée que ce faisaient les occidentaux du reste du monde...

C'est une belle idée en effet que distinguer la mort (sur l'air de la marche funèbre de Chopin dans la partition) des hommes comme l'histoire et celle des statues comme cultureS. Belle image des statues comme des signes du petit poucet."un objet est mort quand le regard qui se posait sur lui a disparu", donc c'est la réception de l'oeuvre qui fait l'oeuvre qui n'existerait pas par elle? Je pense idéalement que l'oeuvre existe aussi par elle-même en attente d'exhumation pour d'autres regards après archéologie peut-être trompeuse et créatrice de non sens ou créatrice d'autres sens pour un autre futur et d'autres générations interprétantes à l'infini des savoirs qui la feront vivre autrement et ailleurs, alimenter peut-être d'autres oeuvres comme l art africain de l'expo surréaliste "La Vérité sur les colonies" contre l'expo universelle de 1931 je crois inspirant Picasso, Modigliani ou Giacometti.

N'empêche que toutes ces statues, après les premières peut être d'AngKor qui me rappellent celles volées par André Malraux avant La Condition Humaine comme il le raconte un peu dans "La Voie Royale" sont Grecques ou Etrusques, en un mot de la culture Occidentales.

"Nos statues iront où vont celles des nègres: au musée", suivent sur ces étagères, les ancêtres gaulois desdits noirs, sont blancs comme leurs maîtres en portraits, et leurs outils relégués à l'"art utilitaire" "d' ORIGINE INCONNUE", car personne ne veut les connaître en occident, comme s'ils ne méritaient pas le terme d'art forcément non utilitaire car bourgeois dans nos sociétés occidentales, appartenant à une élite, au pouvoir, comme un autre levier de l'oppression sur le bas peuple!

C'est parce que l'Art Nègre est souvent soumis à une utilité que l'occidental ne le comprend pas. Je me souviens d'avoir entendu des femmes africaines pilant le mil si mélodiquement que cela devient POUR NOUS de la musique rire au micro de l'ethno musicologue qu'on vienne enregistrer ce qui est pour elles un acte quotidien, que peut être nos mixers et autres outils industriels ont oublié, ou du rire des enfants peuls ou pygmées s'éclaboussant avec une innocence collective que nous avons perdue à ne plus nous baigner dans les fleuves!

Jolie phrase sur le "sourire qu'elle regarde" et l'"harmonie entre le monde naturel et l'homme" dont les masques africains seraient les garants, toujours utilitaires, d'un point de vue spirituel, animiste, représentations ou appelant les protections des esprits divines. Nous avons oublié cette naïveté avec le christianisme, mais les romains antiques, plus tolérants que nous, adoptèrent la mythologie grecque, s'inventant une origine troyenne après l'iliade avec Enée l'Énéide de Virgile (commande d'auguste pour prouver la supériorité de ces soi-disant fils de Vénus et de Mars, et en ce sens ouvrage de propagande militaire) après avoir vaincu les grecs, le culte de Mithra et érigeant même un "temple aux dieux inconnus" au cas où pour ne pas s'attirer les foudres de ceux-ci! Un condamné à mort par le supplice du pale fut envoyé sur les côtes africaines, débarqua en Afrique noire, mais terrorisé par le premier gorille, rebroussa chemin et préféra le pale!Je me demande souvent ce que serait devenu le monde si Cléopâtre et Antoine avaient gagné la bataille d'Actium contre Auguste. Le pôle de domination eût été l'Orient, l'Egypte, et non Rome et l'Occident, et nous serions tous arabes culturellement, solaires, africains peut-être.

Finalement j'ai tout faux, influencé par une pensée occidentale ethnocentriste méprisante et que je n'ai connue que par la littérature, il y a aussi un symbolisme africain, plus abstrait même que nos figuratifs religieux ou monarchiques inféodés à l'alliance de la religion et du pouvoir:"le premier partage du monde", "le foetus du monde", l'Afrique au XI éme (Peut être plus évoluée que nous en l'an Mille encore très primaire...)au XVI ème siècle... avant que nous ne la soupçonnions même...dans les oeuvres, ayant donc conscience globale d'elle même, et de plus en plus rongée par NOTRE découverte du monde, nos explorateurs, amenant bientôt esclavage contre babioles pour le commerce triangulaire...

Ces touaregs en plein désert me font penser à un ami éthiopien qui me disait que les noirs étaient déjà les esclaves des touaregs. Je sais que celui qui découvrit les Touaregs (Charles de Foucauld?) adopta leur mode de vie se suicida quand il vit ce qu'en fit la France.

Cette dichotomie est intéressante entre le fantasme du noir démoniaque (il paraît que l'origine de l'engagement radical de Malcolm X est la lecture, dans la bibliothèque de la prison où il purgeait une peine pour détention de narcotiques, de l'article "BLACK" au pif dans un dictionnaire) pour le blanc chrétien et finalement la découverte d'une civilisation, "de palais" et de ces statues si proches d'eux, mais plus stylisées, ou autrement... En tous casje n'avais jamais vu d'aussi belles statues Africaines que cette fresque presque étrusque et cette femme au chapeau presque khmer et au front scarifié.

Le commentaire laisse place à la musique aux rythmiques étranges et fascinantes,laissent contempler en fresques les personnages de mamelouks(?) ce que je ne connaissais que séparés.

Ces dents voraces rappellent certaines peintures incas ou mayas que mon frère a vues en Amérique Du Sud.

Peut être est ce du Bénin comme dit plus tard. Cette musique n'est en effet que d'illustration par des occidentaux fussent-ils sympathisants, ne nous rendront jamais la musique vivante de ces "plus morts du mondes", "épaves striées que nous interrogeons".

Même les ennemis immémoriaux du peuple Juif (Babylone, Sumer, Gilgamesh la première épopée conservée écrite) nous est plus proche par désintérêt et dégoût de la part de l'Occident qu'eux, contemporains de St Louis ou jeanne D'arc, civilisations peut etre plus heureuses que nous à l'époque, subissant moins les luttes de pouvoir aristocratiques.

Tout n'est pas utilité et accessoirement art, mais ART en PLUS d'être UTILE, dépassant notre Art pour l'Art inutile au peuple! Donc cet art serait supérieur au nôtre car utilitaire, incarné dans la vie quotidienne, et pas un truc d'intellos ou d'élite socialo culturelle, mais appartenant à TOUS, collectif! La nature végétale décore les outils du fil, les hommes soutiennent le ciel comme le géant Atlas l' Ouranos des grecs.

Mais là où la Mythologie puis le Christianisme créent Dieu à leur imparfaite image anthropomorphique,les Africains animistes ou les Indiens déifient la nature qui les entourent, et inventent l'homme dans sa place respectueuse DANS cette nature à qui ils doivent nourriture, vêtements, armes, outils! Les morts sont "racines du vivant et leurs visages prend parfois forme de racine" nie la mort, au contraire du rien épicurien ou de notre paradis ou enfer promis si on n'est pas sage, inspire et nourrit les vivants, pas seulement par mémoire et idéalisation!

Ce ne sont pas NOS ancêtres, et peut-être que je reste encore trop occidental dans mon délire, que même mon complexe d être occidental face à ces peuples est l'envers de ma culture, forcément, du racisme inversé, mais qui ne rachète rien. Personne ne les adore, n'étant "pas le Dieu mais LA PRIERE", tellement plus humble face à ce qui nous dépasse. Ils ne prient pas un dieu supérieur mais la nature bienfaitrice POUR récoltes, enfants, gibier, autrement plus sain que nos génuflexions.

Et après ces supputations occidentales, voilà la vérité de l'Afrique et de ces peuples sur fond de balafon (instrument ancêtre du vibraphone à lames de bois), les femmes qui dansent, et qui finalement ne doivent pas être si différentes de ceux ou celles qui créèrent ces statues, moins que nous de notre Xème siècle avec notre progrès et notre civilisation. Y avons-nous gagné quelque chose? ou tout perdu avec ces danses, ces transes, ce collectif qui les unit et nous sépare aujourd'hui dans nos solitudes urbaines?

Chris Marker fut aussi l'auteur de "La Jetée", court mètrage d'images fixes...

Jean Daniel BURKHARDT