Le batteur Laurent Robin a déjà derrière lui une belle carrière en Jazz (Portal, Lubat, Bojan Z), Chanson Française ou Variétés (Michel Jonasz, Arthur H, M), mais étonne encore avec « Ode To Doodooda » enregistré avec son Sky Riders Project (Benjamin Moussay : orgue Hammond, claviers et synthétiseur ; Vincent Laffont : Fender Rhodes et synthétiseur et la chanteuse Pékinoise Xiao Li sur deux titres). Après vous avoir fait danser tout l’été (il est sorti le 6 avril 2010), il vous tiendra chaud dans les rigueurs de l’hiver....

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« Ode to the Doodooda » démarre très fort par un bon rythme de batterie funky, dansant, amusant par son comique ambulatoire irrésistible, sur lequel les deux claviéristes chevaucheurs font passer dans le ciel les nuages irisés où l’on reconnaît le «Love Supreme» de Coltrane, la pluie en piqué et le beau temps diaphane, les promesses d’orages stellaires qui n’éclateront pas encore. Mais on dénote déjà la richesse des couleurs des claviers, des textures dès ce décollage en beauté.

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Sur « Xiao Li’zz », le clavier se fait zen (ils semblent sur les photos être adeptes du Tai Chi urbain en coursives d’aéroport ou de métro), ambient à la Brian Eno, délicieusement reposant comme un massage des écoutilles qui nous fait partir jusqu’en Chine avec la délicieuse chanteuse Xiao Li, petite incursion exotique et phrase reprise par un musicien « Pink Is The Colour Of The Xiao Lizz » (une fleur).

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Ça se corse avec « Tamack Molock », les rythmes plus urbains, rapides, électroniques, ralentis par l’orgue Hammond à la Jimmy Smith de Benjamin Moussay, plongeant ensuite dans des contrées sous-marines à la Eddy Louiss dans « C’est Eddy » de Nougaro, de plus en plus inquiétant, doublé par les claviers maintenant et faisant rebondir les notes sur les touches (spécificité que n'offre pas le piano acoustique, et qui séduisit Herbie Hancock quand Miles lui prposa ce "jouet") . Le rythme change avec le temps, repart sur l’orgue rassurant que fait mousser Moussay, Laurent Robin surfant sur la cymbale comme sur la pochette, va au fond des touches à la Wild Bill Davis. Le clavier se prolonge encore sur les balais véloces de nuances enveloppantes, d’un malstrom sonore indéfini, à la Facelift de Soft Machine dans Third. Surfer en équilibre tenant le Funk d’un côté et le Rock de l’autre, Laurent Robin ouvre le Jazz à un nouveau style positif, évolutif et passionnant.

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« The 3 PF n P » continue sur la lignée asiatique des claviers lents en ballade, l’un mélodique, l’autre en contre chant piqué et vice versa avec des échos de voix, comme une parole, une caresse, un chant profond de l’électricité pure en ses éclairs, en ses nuages roses, puis rouges au son de plus en plus aigre, à la « Rock Bottom » (du batteur chanteur de Soft Machine pour "Moon In June", Robert Wyatt, passé aux claviers après son accident de fenêtre sous LSD) et s’arrêtant comme une machine aux piles mortes.

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Xiao Li montre dans « The Sweetest Smile » qu’elle peut aussi être une émouvante chanteuse de Ballade Jazz sur les ralentis bouleversants de l’orgue Hammond. Beau à pleurer.

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« Monica In London » est à nouveau urbain, Rock, inquiétant avec un clavier en sirène de police, l’autre dessinant en piqué un paysage électronique, l’un traçant la mélodie tandis que l’autre imite le vent ou les pales d’un hélicoptère. Soudain sur la batterie de ras en drum’n’bass, ça part en électro-flipper à la Bedrocks de Uri Caine. Mais un clavier vient bientôt rassurer sur les couleurs peintes en lavis de l’autre, un peu à la « Bitches Brew », puis se lève à la Soft Machine avec les oiseaux des gratte-ciels tombant sur les toms de la batterie, les boutons électroniques de tremblements tombant comme des bombes, des lasers de fin du monde. Xiao Li repasse en nuage Pink. L’orge Hammond reprend sa chute Dantesque disloquant le son, les distorsions, l’électricité, hurlant dans un cratère possédé par une tornade ascendante. Je n’avais jamais entendu de claviers à la fois si vivants et presque déjà mutants vivre librement, entre le big bang, les dinosaures jurassiques originels et la fin du monde apocalyptique.

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Heureusement la « Sentinel In The Space Way » veille au grain du groove dans les claviers, avec des réminiscences Arroyo-Truffaziennes et des riffs du tonnerre à la « You Really Got Me » des Kinks passant dans le ciel, les claviers élevant des ponts suspendus chinois en pagodes entre les coups de batterie groove, l’ampleur chaleureuse de l’orgue Hammond jusque dans les dérapages contrôlés. Laurent Robin se la joue même Airto Moreira avec des petits frottements criés de cuica faisant de la jungle urbaine un faubourg de l’Amazone en fond sonore.

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Cela se termine par un joli « God Save The Queen » au piano acoustique doublé par l’orgue Hammond en final, suivi des cymbales légères et des tambours du leader.

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Pour d’autres aventures, claviéristes entre acoustique et électrique, Benjamin Moussay vient de sortir « ON AIR », son troisième album en trio, ménageant le classicisme romantique et lyrique du premier et les originalités électriques/électroniques plus sombres de « Swimming Pool »....

Jean Daniel BURKHARDT

PS : Ne manquez pas le 23 décembre 2010 ma dernière émission « Jazzology » de l’année : J’y passerai des extraits de nouveautés Jazz sorties cette année. Des idées pour vos étrennes.