Hier soir 5 février à Pôle Sud, on pouvait entendre deux jazzmen européens les pieds bien ancrés dans leur terroir Européen ou mondial, mais y alliant le geste libre du Jazz et la tête dans les étoiles : le percussionniste et batteur norvégien venu du froid Terje Isungset et le dernier groupe du guitariste Danois Hasse Poulsen, les Progressive Patriots .

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Tout d’abord, le batteur et percussionniste Norvégien Terje Isungset, qui a enregistré son dernier disque « Hibernation » dans un igloo avec des instruments de glace qu’il a construits lui-même : percussions, trompette de glace et même iceofon.(glaçophone). Du Fridge Jazz, en quelque sorte...

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Le kit de batterie est réduit à la plus simple expression de ses timbres : une grosse caisse, une caisse claire et une cymbale où frétille une gourmette de billes métalliques. Il y a ajouté des instruments de sa fabrication construits à base d’éléments naturels. La cymbale charley est remplacée par tambourin polytonal plein d’esprits comme un dreamcatcher inuit et on aperçoit une rangée de rondins de bouleaux arctiques attachés, d’autres à terre, une cowbell rouillée, quelques cloches tendues sur une corde et un appareil de pierres et d’ardoises.

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Arrivé sur scène, c’est tout un paysage qu’il crée : le souffle du vent sur la banquise dans un tuyau, des sifflements parfois alterné de chants aigus et de grognements chamaniques. Cependant entre deux mystères, il sourit béatement comme un bébé, ce qui rajoute à l’exotique et inquiétante étrangeté de ces sons une dose d’humour.

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La grosse caisse est utilisée comme percussion tribale profonde de base, les cloches actionnées de l’autre pied en équilibriste/contorsionniste gracieux, le tambourin monte et descend par la pédale en bruissant de ses sonnailles comme un périscope musical dans les glaces arctiques ou un hochet fou, auxquels il ajoute de sa voix de chamane fragile des appels lointains vers l’infini qui résonnent dans l’espace clos de la salle comme dans l’horizon immense, créant un espace sonore inouï et dépaysant, rappelant parfois le lyrisme du saxophoniste Jan Garbarek, lui aussi Norvégien..

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Faiseur de feu sur la glace, il entrechoque des pierres de granit sans étincelles que sonore, les râcle sur l’ardoise d’un vibraphone de pierre (j’ai mal vu ce qui se trouvait sur cette table) aux profonds échos dub...

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[C’est lui qui déclenche dans cet art climatique la furie de la foudre et les bourrasques aux forces de cataclysmes, lorsqu’il entrechoque les rangées de branches de bouleaux arctiques contre la grosse caisse. A la guimbarde, on pense aux mongols qui l’utilisent parfois avec leur goût pour les sonorités diphoniques, mais qui dans sa bouche prend la modernité d’une beat box|http://www.youtube.com/watch?v=lBxEXsPi8WA&feature=related].

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Il finit en soufflant les derniers appels dans une corne creuse, celle dit-il, de la dernière chèvre norvégienne morte en 1983 qui lui fut offerte par son berger..

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Il vient d’enregistrer un nouveau disque d’ice music (musique de glace), avec de nouveaux instruments : une harpe de glace et une guitare de glace.

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La fin est naturelle et comique, avec la chute d’un fagot de brindilles qui lui tient lieu de baguettes tapoté par l’autre.

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Inouï et jamais vu, dépaysement garanti charme écolo-minimaliste, la musique de Terje Isungset ne ressemble à nulle autre au monde, en tous cas sous nos climats.... On peut juste regretter qu’il ne fasse pas assez froid chez nous pour son spectacle avec des instruments de glace, difficilement transportables... Quoiqu'il en ait déjà joués à Londres. Pôle Sud n’a jamais été aussi Polaire, mais est encore trop au Sud pour cela ; ( )

Jean Daniel BURKHARDT