J’avais déjà écrit un article sur Blick Bassy en 2009 d’après « Léman » entendu sur myspace et conclu : « On sait déjà qu’on a affaire à un compositeur original et bon arrangeur aux influences pas seulement Africaines avec le début de cet album rappelant d’autres réussites récentes en musique Africaine mais à l’émotion universelle comme par exemple Daby Touré, qui font du bien en faisant danser les pieds, consolant le cœur, tout en faisant s’envoler l’âme et l’esprit jusqu’aux étoiles. »

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Mais je ne l’avais jamais vu en concert. Blick Bassy a depuis enregistré « Akö » au banjo, guitare et à la voix avec le violoncelliste Clément Petit, qui accompagne aussi la chanteuse Ala.ni (http://www.ala.ni/) publiée sur le même label « No Format » que Blick Bassy, et le claviériste et tromboniste Johann Bland qui l’accompagnaient ce 23 juin à Wolfi Jazz en première partie de Richard Bona. Un résumé de la signification des chansons est distribué gratuitement à l’entrée sur un flyer cartonné, initiative sympathique!

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Il commence par « One Love » en intro a capella suivi d’un tournoiement d’effets sur sa voix samplée.

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Il continue avec le titre éponyme « Aké » sur les efforts sans convoitise dans la vie avec violoncelle et trombone en écho d’harmonica accompagnant sa voix funky et émouvante.

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Très influencé par le Blues, Blick Bassy a composé la chanson suivante devant la photo du Bluesman Skip James (1902-1969) à la bouleversante voix aïgue comme lui qui lui a donné la force de persévérer car sa vie a été dure (il a publié seulement deux albums, un avant et un après la deuxième guerre mondiale et quelques lives avant la mort de Skip James en 1969). «Ce cliché d'une grande intensité, Blick Bassy l'a collé sur le mur de son salon - comme on peut afficher chez soi le visage des aïeux qu'on a aimés et qui continuent de nous accompagner. Un soir glacial de l'hiver 2012, alors que le chauffage de sa maison a la mauvaise idée de tomber en panne, c'est lui qui, d'une certaine façon, va le réchauffer. Lové sous une couette sur son canapé, le musicien, pinçant les cordes de sa guitare pour conjurer le froid, croise le regard d'airain de Skip James. Bientôt, des mélodies prennent forme sous ses doigts. Fluides et légères, les notes s'élèvent en volutes entêtantes, quittent bien vite l'ancrage terrien du blues pour prendre les atours d'une musique sans âge ni ancrage, comme en suspension dans l'air et le temps.» (livret Akö, No Format)

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La guitare de Blick Bassy joue «Kiki » sur la perte de l’entraide dans les communautés traditionnelles africaines, avec un blues skiffle rapide de la guitare, puis un autre rythme africain plus rapide sur le trombone en fanfare dans le final. Ce trio a une belle cohésion à trois. Peut-être un sample de Skip James ? Cette alliance de Blues et de musique annonce aussi St Germain samedi dans ce même festival entouré de musiciens Africains.

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Mais le public bavarde à voix haute pendant l’intro de violoncelle du morceau suivant. Blick Bassy l’arrête et dit qu’ils sont venus « partager l’amour et le violoncelliste a besoin de toute sa concentration pour cela !»

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Ils continuent avec Ndjè Yèm sur l’abandon des traditions ancestrales quand les jeunes quittent les villages d’Afrique pour les villes, tempo lent bouleversant au trombone Blues sur les effets d’oiseaux de l’archet du violoncelle. Quelque chose rappelle dans cette chanson rappelle l’authenticité émotionnelle de Bonga dans « Mona Ki Ngi Xica » dans l’usage modernisé des instruments Africains ou Afro Brésilens comme l’arc musical berimbau qu’imite le violoncelle de Clément Petit en intercalant une baguette de vibraphone ouatée entre les cordes et la caisse.

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« Tell Me » est un autre ballade à la mélodie magnifique sur l’abandon des racines par les descendants avec de beaux traits du violoncelle à l’archet dans l’aïgu après les strophes et un soutien rythmique en pizzicato de la voix tandis que le trombone passe aux claviers et samples discrets.

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« Il y a 270 langues parlées au Cameroun en plus du français et de l’anglais. Alors comment se comprendre? » explique Blick Bassy, d’où l’utilité d’une chanson dans une de ces langues, le lingala, « parce que sinon la majorité de ces langues risque de disparaître.»

Il poursuit avec la chanson la plus jazzy et entraînante de l’album, « Wap Do Wap » qui me fait penser à une version africaine modernisée du gospel « Down On The Riverside » avec un trombone très funky. Il la termine en leçon de lingala pour le public lui faisant répéter après lui « Ehe He Wa Eheche !» sur les cordes amplifiées d’effets légers et de samples.

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Blick Bassy dit « L’amour est ce qui nous fait tenir, alors ouvrez votre cœur c’est gratuit ! Bientôt on mettra une taxe sur le sourire ! »



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Et il continue avec « One Love», cette fois en trio avec glissandos de violoncelle et le violoncelle en basse pizzi sur les claquements de mains et chants du public enfin conquis qui se lève pour une standing ovation de cet artiste authentique et simple et redemande même un bis.

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Arrivé en France du Cameroun il y a 10 ans, Blick Bassy a même écrit un roman chez Gallimard, « Le Moabi Cinéma » sur l’immigration.

A son arrivée, une amie lui a parlé de sa grand-mère en maison de retraite. En Afrique on garde les parents et grands parents à la maison jusqu’à la fin (il dit « ce serait même mon père qui me mettrait en maison de retraite ! », elle dit « on les laisse entre eux comme ça c’est cool. », mais lui dit qu’il faut prendre exemple sur les animaux : « Abandonne les tiens, c’est ton avenir que tu condamnes.»

Il termine avec « Mama »!

Belle découverte entre Folk et improvisation, acoustique et une touche d’électronique !

Jean Daniel BURKHARDT

Photos du Concert Patrick Lambin