Après des débuts dans le métal death et le rock noise et bien des albums sous son nom, le guitariste et chanteur indépendant né à Milan Daniele Brusaschetto nous livre en ce début 2016 sur son bandcamp son dernier album Radio Stridentia (radio stridente).

"Revenge Is A Bliss" nous fait retrouver les bruitages électroniques (cloches, guitare à effets, machines) qui l’ont rendu célèbre dans le monde électro acoustique underground, mais utilisés comme rythmique d’une chanson plus mélodique et à la voix plus voilée et émouvante, puis en solo psyché, suivi de larsens jouant même le rôle des violons dans le final.

Son complice batteur du "Live At Satyricon" Bruno Dorella est invité à « ronger l’os » sur "Gnawed The Bone", plus rock tant dans la batterie que dans la guitare, tandis que la voix est plus psychédélique, lointaine, brumeuse, plus en retenue, à la Pink Floyd des débuts jusqu’au break métal efficace puis au solo psyché tordu suivi d’une déferlante électrique.

"Cosi Come La Pioggia" (Ainsi que la pluie) invite également à les rejoindre Francesco Lurgo à la guitare e bow et au synthétiseur pour une ambiance en effet plus sombre et pluvieuse, puis rythmée comme une danse sous cette pluie nocturne. Là aussi la voix de Daniele fait merveille sur cette jolie mélodie mélancolique, et du synthé ne reste que la montée du solo.

"Go Home Gods, You’re Drunk" (Rentrez chez vous, Dieux, vous êtes saouls) est un blasphème que n’aurait pas renié Omar Khayyam et que peut nous inspirer le monde actuel. Il prend ici la forme d’une ballade folk rock à la guitare acoustique et électrique sans effet qui montre le talent de Daniele sur cet instrument, souvent brouillé par les effets électroniques. La voix vient à mi-titre, plus sombre à la Léonard Cohen ou métal (les dieux ?), d’outre tombe, puis nue à la Pink Floyd juste avant le déchaînement de l’orage percussif sur les arcs électriques de la guitare. Ce titre a le même lyrisme sombre que les ballades de Métallica en moins lourd.

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"Seems So Long Ago Nancy" est justement une reprise d’une valse folk Léonard Cohen en 1969. La version de Brusaschetto est plus underground par ses bruitages, craquements et cloches, mais la mélodie et les accords de guitare au dessus du brouillage électro sont respectés et le souffle de l’émotion passe de même dans la voix, c’est même moins chiant que l’original.

"La Catena Della Soprawivenzia" (la chaîne de survie, ou de conservation) est à nouveau plus métal et rock par sa rythmique, mais la voix s’envole dans l’aigu à la Robert Wyatt dans Moon in June sur une jolie mélodie.

"Un Mundo Inventato" invite comme sur le dernier titre Marco Milanesio au synthétiseur. Ce monde inventé est plus expérimental, mille feuille de guitares et d’effets finalement balayé par un orage électro magnétique, mais même cet unique instrumental sait jouer des nuances et ne va pas trop loin dans le bruitisme, varie les intensités et les brouillages en sorcier sonore, jusqu’à stopper net au bord du ravin.

"Inciampare Sui Propri Piedi" (trébucher sur ses propres pieds) termine en mode rock alternatif cet excellent album en dansant sans chuter. Les guitares sont garage folk et la voix plus cassée mais émouvante.

Daniele Brusaschetto n’a jamais aussi bien chanté qu’ici et ses compositions ont rarement été aussi abouties. Il a trouvé le dosage adapté d’effets électroniques à la guitare pas trop présents servant d’accompagnement à des chansons efficaces interprétées avec cette variété d’émotions, ce qui rend sa musique plus universelle (pour ce que j’ai peu en écouter).

Cet album pourrait, ou mériterait de faire sortir Daniele Brusaschetto de la confidentialité du seul public underground. Mais il préfèrera toujours rester musicalement alternatif.

Jean Daniel BURKHARDT