Un grand génie de la pop est mort hier, David Bowie. Ses yeux vairons lui venaient d’un bagarre de récré qui lui valut un œil dilaté en permanence, un bleu naturel et un qui semble vert. Né en 1947 David Robert Jones, il apprend aussi le saxophone avec un prof de jazz mais dira n'être pas assez bon pour jouer du jazz et ne sera chanteur de Rock que par défaut, et d'ailleurs dira même ne pas l'être. A ses débuts il y avait déjà un Davy Jones célèbre dans le groupe The Monkeys, d’où ce pseudonyme de Bowie emprunté à la fois à un couteau de combat et à un des conquérants du nouveau monde. Après un premier album éponyme plutôt folk en 1969 publié sans succès, « Space Oddity » , extrait de son second album est utilisé par la télévision américaine pour faire patienter les téléspectateurs lors du premier pas de Neil Armstrong sur la lune et le rend célèbre puis sera réarrangé en 1972.

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En 1970, il engage le guitariste Mick Ronson. pour son troisième album « The Man Who Sold The World » (sa version au son plus Rock indianisant mérite d’être réécoutée après la version unplugged de Nirvana). Sur la pochette, il inaugure son premier d’avatar androgyne féminine portant robe à fleurs (mais ça lui va très bien avec ses cheveux longs). Il a été l’un des premiers à assumer sa bisexualité. car de son aveu même, à l’époque » cela ne comptait pas vraiment ». Cependant, il ne s’est jamais affiché publiquement avec un homme, si ce n’est peut être Mick Jagger. “Le sexe n’était pas un ‘big deal’ pour eux, c’était comme se serrer la main à la fin d’une soirée, explique Tony Zanetta, ex-assistant de Bowie. Pour lui, il s’agissait surtout d’être adoré.”

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En 1971, Bowie sort chez RCA son plus bel album de pop, « Hunky Dory » (https://www.youtube.com/watch?v=YQTENuQYgjM) avec « Changes » (https://www.youtube.com/watch?v=ZAKuL8cyiAA), et « Life On Mars ? » (https://www.youtube.com/watch?v=oAo7YeRkJYo), vue du ghetto de Londres à Mars.

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Mais en 1972 David Bowie change de personnage, devient Zigy Stardust grimé en star du glam rock pour « The Rise and Fall of Ziggy Stardust & The Spiders Of Mars » () pour un concept album, chef d’œuvre critiquant en filigrane le monde du star system rock qui se termine « Rock’N’Roll Suicide ».

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«Aladdin Sane » suit avec une crête iroquoise et un éclair coloré sur son visage en plus en 1973 (« a lad insane » comme son frère fou, ou « all adds isane » : toutes drogues malsaines », mais il chante « Oh we LOVE all adds insane), encore une bonne collection de chansons, suivi de « Pin Ups », album de reprises dont un « Port D’Amsterdam » très cabaret. Son abandon de Ziggy Stardust en live fait hurler ses fanes.

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En 1974, grimé en pirate spatial borgne et en chien mutant sur la pochette il veut adapter musicalement 1984 d’Orwell mais les ayant droits refusent, il garde le thème pour « Diamond Dogs ». On trouve surtout le bon Rock « Rebel Rebel » au riff irrésistible annonçant le punk.

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En 1975, Bowie part pour les Etats-Unis, et enregistre « The Young Americans », un album funk mais à la sophistication pop avec David Sanborn au saxophone, Luther Vandross et des choristes noires soul à qui il impose un cauchemar de cut up avec « Fame ». Il incarne un nouveau et dernier personnage, le « thin white duke », très bien habillé, mais d’une pâleur inquiétante et les cheveux oranges, s’affirme avec « Station To Station » avec Earl Slick à la guitare, mais il ne se souvient pas de l’enregistrement, embrouillé par la cocaïne.

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Pour couper court, il lâche tout et part pour Berlin en 1977 travailler avec Brian Eno à « Low » (pour Low Profile sur la pochette), mélange de musiques électroniques et de pop rock annonçant la new wave, sans tube et dont la face A reprend la musique composée pour le film « Christiane F, droguée, prostituée ».

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Il enchaîne avec « Heroes » dans la même esthétique, mais plus dansant et funky, le titre éponyme montre une sorte de résurrection.

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La trilogie Berlinoise s’achève avec « Lodger » (I), un de ses meilleurs albums, avec les tubes «Boy Keeps Swinging » () et Dj.

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« Scary Monsters (and super Creeps) » (https://www.youtube.com/watch?v=Toe_UKSQgEw) est un album de transition entre l’esthétique Berlinoise et le succès funk qui arrivera plus tard, avec son examen de conscience « Ashes To Ashes » () au clip magnifique en clown blanc et côté drôle une collaboration avec le guitariste Robert Fripp de King Crimson pour une parodie de la mode aux paroles absurdes, «Fashion »!

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Son plus grand succès planétaire et scénique arrivera avec « Let’s Dance » , un album funk et dansant où il joue aussi du saxophone et produit par le guitariste de Chic Nile Rogers, avec « China Girl » (https://www.youtube.com/watch?v=E_8IXx4tsus) et le titre éponyme « Let’s Dance ».

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Après vingt ans de sexe, drogues et rock’n roll, la star s’apaise. Il rencontre la superbe mannequin Iman, puis se marie en 1992. Ensemble, ils auront une fille au début des années 2000, Alexandria Zahra. Bowie deviendra dès lors un père modèle.

Après « Tonight » et « Never Let Me Down » et « Tin Machine », moins ambitieux, Bowie rappelle Nile Rogers et se remet au saxophone pour «Black Tie White Noise » en 1993.

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Il prend un virage carrément électro avec Brian Eno en 1995 pour « 1.Outside » , album inspiré par les serial killers qui se veut la première partie d'un « hyper-cycle dramatique gothique non linéaire »

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qui sera suivi par «Earthling » , album déjà électro drum’n’bass très réussi en 1997, influencé par la nouvelle vague industrielle qui déferle alors. C’est le premier disque qu’il produit lui-même depuis Diamond Dogs en 18974 et, comme la plupart de ses disques, il a été enregistré en deux semaines et demie seulement.

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Après 'hours...' en 1999, Heathen en 2002, Reality en 2003, et The Next Day en 2013, il venait de sortir "Black Star » , son dernier album volontairement plus Free Jazz (grâce à un casting plus Jazz Don Mc Caslin (saxophoniste et flûtiste de Nguyen Lê) et Marcello Giuliani (claviériste d’Erik Truffaz), ben Monder à la guitare et Tim Lefebvre à la batterie) que Rock, on appréciera le clip «Lazarus » où il apparaissait amoindri, quand on a appris son décès dans la nuit de dimanche à lundi. Au moins sera-t-il mort sur un album Free Jazz comme il a toujours aimé le jazz.

Jean Daniel BURKHARDT