C’est le dernier projet de Dee Dee Bridgewater avec le trompettiste Irwin Mayfield et son New Orleans Jazz Orchestra venus de La Nouvelle Orléans et lui rendant hommage comme sur son dernier disque « Dee Dee’s Feathers ».

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Ils arrivent avant elle en marche collective traditionnelle de la Nouvelle Orléans trombone (devant comme dans les charrettes de New Orleans pour ne pas assommer tout le monde à coups de coulisses) , trompette, saxo, basse et piano sur la batterie comme dans les rues de New Orleans lors des parades qui bercèrent Louis Armstrong comme sur ce Canal Street Blues, son premier enregistrement en 1923 avec son maître King Oliver ou Sidney Bechet et où naquit le Jazz, de musiciens créoles (métis, de peau claire et ayant appris la musique classique des maîtres) forcés par loi Jim Crow de jouer avec les noirs (pratiquant Blues et Gospel dans les bars mal famés) les mettant à leur niveau social.

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Annoncée par Irwin Mayfield comme «the greatest jazz singer living, the most beautifull woman in the world » comme une James Brown au féminin, Dee Dee Bridgewater arrive, toujours crâne rasé (depuis son disque malien) mais là Irwin Mayfield a aussi le crâne rasé ! Elle lui caressa d’ailleurs le crâne à un moment du concert! Une belle tendresse complice et l'humour les unissait pendant le concert

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Elle commence par « One Fine Thing » d’Harry Connick Junior () de New Orleans ! herry Connick Jr fut pour moi aussi un des plus grands espoirs du Jazz dans les années 90s (pour Blue Light, Red Light, From Paris with Love), je veux dire que le Jazz Swingue, joue du piano comme Duke Ellington et chante d’une voix de crooner (adoubé par Frank Sinatra) mais l’album « She » Funk Rock, veste en cuir et coupe minet puis le pop torse nu en jean couché dans l’herbe «Star Turtle » m’ont déçu et fait m’en désintéresser! Plus fort est l’espoir en une idole, plus forte la déception ! Peut être ai-je eu tort, il a plus assumé ses origines de la Nouvelle Orléans par la suite, mais ses albums de standards de charme pour dames comportent toujours trop de violons et cordes melliflues à mon goût!

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Autre titre Dixie Land (Jazz New Orleans par des Blancs de Chicago) plus classique de la Nouvelle Orléans, Basin Street Blues qui n’est pas sur l’album d’après une rue de La Nouvelle Orléans de Spencer Williams, et les trombonistes Jack Teagarden (son créateur avec les Charleston chasers de Benny Goodman) & Glenn Miller en 1926, popularisé par Louis Armstrong et ses Hot Five en 1828!

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Plus tragique et ancienne, le « st James Infirmary » est attribuée à John Primrose est une chanson folklorique traditionnelle anglaise du XVIIIe siècle, appelée "The Unfortunate Rake" (également connue sous le nom "The Unfortunate Lad" ou "The Young Man Cut Down in His Prime"), qui raconte l'histoire d'un soldat qui gaspille tout son argent pour se payer des prostituées, puis meurt d'une maladie vénérienne, popularisée par Louis Armstrong. Irwin Mayfield a perdu son père victime de Katrina et lui dédia le chant funèbre « Just a Closer Walk With thee ».

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Mais Dee Dee Bridgewater sait rendre même un répertoire triste émouvant et même drôle par son humour parodique, ses apartés et sa joie de vivre communicative, tandis que les New Orleans Jazz Orchestra respectent le rythme bringuebalant de ce Blues!

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Les enterrements à La Nouvelle Orléans se terminaient après la marche funèbre par l’air de fanfare « Didn’t He Ramble ? » (L’a-t-il pas roulé sa bosse ?) dont Jelly Roll Morton donna avec Sidney Bechet une version plus courte et plus cynique (il a roulé sa bosse, mais l’boucher l’a quand même coupé en tranches!)

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Autre chanson mélancolique, « Do You Know What It Means To Miss New Orleans ? » avec de magnifiques fonds sonores (dont harry connick donna une belle version en duo avec Dr John et « There’s Nothing Like New Orleans » popularisé par Count Basie et Jimmy Rushing dans les années 30s avec Irwin Mayfield hurlant dans sa trompette!

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Pas de New Orleans mais de Bob Thiele du label Impulse (plutôt Free Jazz, celui de Coltrane notamment) mais popularisée par Louis Armstrong en 1967« What A Wonderful World » est aussi à leur répertoire !

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A un autre moment, Dee Dee partit en scat sur le banjo, qui devint swing progressivement avec le piano puis les cuivres pour aboutir au Big Chief du Dr John (enregistré avec lui sur l’album), pianiste représentant du meilleur Rythm’N’Blues

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Sur une autre ballade, l’accord entre les fonds sonores autour de la mélodie chantée par Dee Dee Bridgewater ensuite rejointe par Irwin Mayfield était merveilleux !

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Dee Dee Bridgewater retrouva avec plaisir Nicolas Folmer, son ancien trompettiste Nicolas Folmer, avec irwin Mayfield faisant le cabotin prétendant qu’elle lui aurait « brisé le cœur » pour l’album « This Is New » dont certains titres de Billie Holiday en reparu en 2011 sous le titre « Midnight Sun » !

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Bref, un programme innovant de façon surprenante sur un répertoire traditionnel grâce à un feeling impeccable et des émotions tout terrain toujours justes et cet orchestre est l’un des meilleurs qui l’ait accompagné et celui avec lequel elle semble avoir la meilleure complicité et l’attrait de la nouveauté pour eux, elle et nous!

Jean Daniel BURKHARDT

Photos Patrick Lambin