Comme Mathis Haug, Lucky Peterson était programmé à Wolfi Jazz l’an passé, mais le concert fut annulé pour cause d’intempéries!

Lucky Peterson (né Judge Kenneth Peterson) est un guitariste, organiste et chanteur de blues américain, né à Buffalo, New York, le 13 décembre 1964. Son père, James Peterson, chanteur et guitariste, tenait le Governor's Inn, un club de blues dans lequel il eut rapidement l'occasion de côtoyer nombre de musiciens tels que Buddy Guy, Koko Taylor, Muddy Waters ou encore Junior Wells.

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Avant son arrivée, son guitariste et chanteur Shawn Kellerman blanc, crâne rasé, chante un bon »Boogie ».

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Lucky Peterson arrive « sapé » comme Willie Dixon: cravate, chapeau, veste, légende du Blues qui le découvrit à l’âge de 5 ans et en fit un enfant star, et se met à l’orgue (qui fut,, on le sait peu, son PREMIER instrument, avant que la guitare ne devienne son instrument de prédilection, et auquel il revient avec l’âge sans abandonner la guitare !) et chante d’une voix puissante et émouvante un bon blues Funky, et joue à la Jimmy Smith sur la basse de Timothy Waites, puis passe à une sorte de «super Bad » de James Brown.

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Comme Keith Jarrett au piano dans un tout autre style, Lucky Peterson accompagne les notes de clavier de son corps et de la voix, rappelle le riff de « Tramp ») d’Otis Redding & Carla Thomas pour le label Stax enchaîne sur le rythme de « Let’s Groove » d’Earth Wind & Fire qui clôtureront le Festival, avec son bassiste comme James Brown avec son « Funky Drummer ». Le public rythme des deux mains et il enchaîne avec un succès Soul d’un autre pianiste organiste occasionnel, Ray Charles, « What I’d Say » qui fit entrer le Gospel sacré dans la Soul profane et vice versa et cite « Walking The Dog » de Rufus Thomas.

La dernière fois que je l’avais vu au Palais Des Congrès pour le Strasbourg Jazz Festival il y a quelques années, il ne jouait que de la guitare. La guitare wa wah ressemble à « Remember The Time» de James Brown, et finit par quelques riffs d’orgue répétitifs comme Wild Bill Davis dans son « April In Paris » à rallonge avec le public « Yeah Yeah Yeah Yeah! One More Time ! » Les musiques Traditionnelles, populaires, comme le Blues, comme le Jazz et le Rock’N’Roll et le Funk (et que dire de la techno et du rap avec moins de bonheur) utilisent la répétition des mêmes effets jusqu’à/ pour parvenir à/ mener à la transe originelle (pas seulement, mais souvent)!

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« Blues is allways ‘bout ladies » annonce Lucky Peterson, pas loin de la définition du Blues de Son House, il y a plusieurs, blues, autant que d’émotions humaines, et le blues n’est pas forcément triste. Lonnie Johnson ne l’était pas, BB King disparu récemment pas toujours, toujours content d’avoir retrouvé sa guitare Lucille! Suit une jolie ballade, « Just wonna talk to you » qui me fait penser à ma préférée de Roy Buchanan, « Change My Mind » dont voici une autre version un peu différente à Evanston en 1974. Lui par contre avait des raisons d’avoir le Blues, en a chié des ronds de chapeau et se suicidera dans sa cellule de prison!

L’ambiance est aussi à la Soul style « Hold On I’m Comin’» () de Sam & Dave, autres artistes Stax avec Otis Redding.

Lucky Peterson prend sa guitare et embraie sur un autre Boogie Rock’N’Roll à deux temps sur une bonne basse Blues Funk slappée, puis une reprise du « Sweet Home Chicago » de Robert Johnson, casse le rythme pour repartir et descend dans le public comme il était monté dans les gradins du Palais des Congrès. Ici il s’assit à mi hauteur au niveau de la cabine de l’ingénieur du son et changea rythme et paroles, ce qui est possible dans l’improvisation du Blues jusqu’au bout de la nuit.

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Il enchaîne avec « Boom Boom » John Lee Hooker qui fut repris par ZZ Top pour « La Grange » (mais il ne leur en voulait pas car « ils font du bon Rock’N’Roll»).



De près, on voit bien son talent pour passer de la peine puissance électrique des riffs à l’émotion d’une seule corde pincée dans les solos. On le croirait le Blues preacher et le public sa congrégation émue. Le Blues vient aussi de ce rapport dans le Gospel, encore pratiqué aux Etats-Unis dans les églises noires.

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Puis il enchaîne avec le rythme de « Voodoo Chile » de Jimi Hendrix et de retour sur scène après son bain de foule reprend le « Johnny B Goode » de Chuck Berry, un des rares Rockeurs noirs américains (avec Little Richards mais elle est devenue bonne soeur et rentrée dans les ordres !) et le fait chanter par le public.

Il poursuit avec une sorte de « Mustang Sally » de Wilson Pickett sur des riffs funkys qui ressemblent à « Good Golly Miss Molly » de Jerry Lee Lewis. Il ne faut jamais oublier que le « Rythm’N’Blues » Noir a été, comme le Jazz, volé aux Blancs pour devenir le Rock’N’Roll ! N’empêche, ça slappe encore côté basse.

Mais peut-être quand on ne connaît pas le répertoire, se raccroche-t-on à ce que l’on connaît de plus ressemblant (en tous cas moi !).

Lucky Peterson est ouvert à toutes les musiques noires d’où qu’elles viennent, et reprend même « I Can see Clearly Now » du Jamaïcain Jimmy Cliff.

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Puis solo de batteur, aussi capable jouer groove Raul Valdès.

Suit le tube Funk proprement dit « Sex Machine» à l’origine faux live de James Brown pour payer ses impôts avant d’être le tube que l’on sait (lui aussi organiste méconnu dans le style de Jimmy Smith, qui avait même ses morceaux de bravoure ou reprenait ses succès en instrumentaux).

Lucky Peterson accélèrera le Bis, faisait bouillonner l’orgue au dessus de Beethoven sur « Roll Over Beethoven » de Chuck Berry et parlait encore de Boogie avec T Bone Walker & Woogie All Night Long sur la Route 66, en compagnie non pas de Nat King Cole mais des Rolling Stones! Faut quand même reconnaître au Rock Anglais d’avoir sauvé le Rock et le Blues de l’oubli dans les années 60s alors que l’Amérique était arrivé à emprisonner Chuck Berry, Little Richards, envoyer Elvis au service militaire et discréditer Jerry Lee Lewis pour avoir épouser sa cousine à peine en âge de convoler!

Bref, le Blues de Lucky Peterson comprend le Jazz, la soul et le Funk et même un peu de Reggae!

Jean Daniel BURKHARDT

(PHOTOS Patrick Lambin)