Demain à 21 h dans mon émission JAZZOLOGY sur Radio Judaïca Strasbourg vous pourrez entendre OrTie, premier album d’un duo original OrTie, composé d’Elodie Pasquier à la Clarinette Basse et mi bémol et Grégoisse Gensse piano et objets : un jazz contemporain expressionniste, mais qui sait trouver du sens dans l’aléatoire même de compositions originales !

L’album est sorti le 3 septembre dernier chez Laborie Jazz ; il commence par une pièce très contemporaine « Presque Rien », un rien contempo en effet, basé sur les seules vibrations/prolongements à la Schönberg, martèlement de piano de la touche l’objet sur la corde à la John Cage sous le souffle à vide dissonant de la clarinette. Mais à la longue cette musique sortant d’un trou de scouries devient entêtante, hypnotique!

Dès « Gatito » d’Elodie Pasquier, on arrive en effet à un univers plus complet entre la clarinette Dolphhyenne Sclavissienne d Elodie Pasquier surfant de plus en plus haut sur la vague et le piano rythmique, soudain salsa, la clarinette se faisant alors groove rythmique à la Eddie Harris puis Rahsaan Roland Kirkiennement free sur le piano libre balkanique à la Bojan Zulfikarpasiç ! Bref tout un univers à deux un souffle et quatre mains sur les traces d’un petit chat !

« Nebula » de Grégoire Gensse ferait une bonne musique de film, pas nébuleux du tout ou au sens de voyageur comme un nuage par le déjà entendu des répétitions à la philippe Glass, le flot ininterrompu de la clarinette de l’attaque au vol libre, au cri, le piano rythmique à nouveau Balkano Salsa Zien entre les objets jouets de cuisine hétéroclites et les cordes intérieures en devenant d’autres. On dirait un reflet inversé de Gatito dans sa Nebula!

Sur cette "Météore" immobile d’Elodie Pasquier se pose l’orTie, les touches, la tige en premier doucement du bout des doigts explorant ses cratères de la Micro à la Macro profondeur de la touche. Puis la clarinette se dédouble et s’ébroue en mélodie au fond desquelles on croit parfois voir briller quelque éclat de pépite pop difficilement reconnaissable.

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Grégoire Gensse a aussi composé « Parashara » qui ressemble à ausencia, Tango de Bregoviç ou à Misterioso de Monk mais commence par sa complice à la clarinette seule rythmique et mélodie comme Sclavis dans Clarinettes.

Il y a dans cette ortie comme dans la plante, de douces piqûres d’émotion, une brûlure glacée endormant la sensibilité qui donne des fourmis de leurs doigts à nos oreilles !

Puis une envolée d’oiseaux pianistique vous retourne le clavier jusqu’au fond des cordes intérieures, double le tempo à la Keith Jarrett que la clarinette suit en s’ébrouant suivant « Toi si t’étais le bon Dieu » d’Arno. On croit entendre des objets en chausse trappe entre fracas et Chine. Ça tempête à deux sans s’empêcher de rien puis se calme quand les cordes intérieures se font cymbalum ou serpent juste avant le final apocalyptique tombant comme Léo ferré reprenant Sa Vie D’Artiste qui s’en fiche du Qu’en a-t-on dit, du Qu’en diras-t-on ou du Quand le diront-ils et quoi, débouchant du bord du gouffre sur le silence comme on choisit sa chUUte!

ça se poursuit avec Eliode. Eliode Qui est Héliode ? Héros oublié de la Cosmogonie d’Hésiode qu’aurait des ailes ? Qu’est ce que c’est des ailes à iodes ? Mais ça pince et crisse sous les cordes, enfantinabulle les jouets, crie la cocotte grillée à l’étouffée une minute, s’énerve en O de l’hélice qui vole au vent? Mélodie sans I ou inversé en Yo ni M qu’on aime quand même ? Comme toujours à mesure que croît l’Ortie on y croit de plus en plus, que ce n’est pas qu’une mauvaise herbe née du Hasard et de la négligence. Ça prend forme, crie, chante, hurle et peu à peu amuse, inspire et fait sens!

Au bout d’un moment, le soir, même une orTie ça s’allonge avec les ombres, se courbe, se couche. « C’est rien, c’est la fatigue » dit-on qui ralenti tout en automate de fin de souffle, de fond de touches, de duracell en fin de vie. A deux ça fait un suspense prenant à quoi on ne sait quelle action attendue, redoutée s’accroche et pend comme la rosée. On sent que quelque chose adviendra, germera après les rêves au réveil, après ma montée de la candeur du souffle au cri. Cela prendra finalement forme à la longue ensemble non loin de la berceuse « Peace » d’Horace Silver, comme une rencontre musicale qui se lève dans la complémentarité des effets.

Et finalement « Pour ainsi dire » Quoi sinon Presque Rien ! Sinon que ça brouille les pistes et les effets entre souffle à vide et martèlements d’objets ou de couverts des touches aux cordes. Ça retourne à couvert à la lumière du jour comme ces fées et ces elfes qui se cachent à la lumière du jour.

Du sens ou du talent il y en a bien dans cet orTie, cachés dans un trou de scorie au début, un autre à la fin délimitant peut-être les frontières du rêve!

Le disque d’Ortie est sorti chez Laborie Jazz et ils sont en concert!

Jean Daniel BURKHARDT .