Samedi dernier, Slavomix (alias Jean-Etienne Moldo, collaborateur de longues années des Nuits Européennes, toujours de Champs Libres et tourneur pour des groupes Balkaniques, entre autres Terrafolk) invitait pour une soirée Balkanique le groupe gipsy punk trash Bosniaco-Bulgaro-Bakano-Américain Kultur Shocket les deux DJs du collectif Balkan Express de Zürich au Molodoï.

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Balkan Express ouvre le bal en passant une chanteuse tzigane poétique chantant en français, puis Chetiri de DJ Kottarashky, la dernière découverte de Songlines et de Mondomix en fait de DJ Balkanique pour son album «Opa Hey » mélangeant habilement clarinettes klezmers, cuivres de fanfares balkaniques, violons tsiganes et voix indo-pakistanaises sur des 4/4 dancefloor sans que toutes ces influences se marchent sur les mixs (il n’est pas architecte de métier pour rien!).

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Suit l’original tsigane russe chanté en son temps par Yul Brinner des Deux Guitares d’Aznavour (qui la tient de son père) par des cuivres en folie, mais aussi des voix bouleversantes comme celle du chanteur de Balkan Blues Dona Dimitriu Siminica ou le plus connu chez nous par le film Underground d’Emir Kusturica Goran Bregoviç et son Cajesukarije Cocek ou Kalasnikov, d'après une danse hongroise de Brahms, entre autres trompettes du festival de Guça en Serbie d’une colline à l’autre, le tout lié par le groove ininterrompu d’une rythmique dubstep.

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Dans ce joyeux mélange se rencontrent les cuivres des fanfares et les deux temps des guitares manouches rejouant la chanson en charabia de Charlie Chaplin dans Les Temps Modernes ou la reprise d’Oh Carolina, Nyabinghi de Count Ossie et les Folkes Brothers (futurs Skatalites), devenu Carolina chez Shaggy, dans la version fanfare tzigane du Taraf des Haïdouks (que Jean Etienne Moldo avait fait venir avec le Kocani Orkestar à l’époque pour Les Nuits Européennes).

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Comme les musiciens de Jazz afro-américain, les tsiganes ont toujours été des éponges musicales capables de jouer dans leurs style inimitable le répertoire de la mode ou des populations qui les entouraient (rarement aussi tolérantes à leur égard), et on retrouve cette richesse dans le mix introductif des Balkan Express, l’un aux platines, l’autre au laptop avant et après le set de Kultur Shock. Enfin des DJs qui nous emportent ailleurs, dans un univers, une culture!

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Arrivent Kultur Shock. Le chanteur Gino Banana était un chanteur commercial très connu en Bosnie (ils remplissent des stades dans les Balkans) avant la guerre qui, resté à Sarajevo, se dit lors des bombardements que s’il s’en sortait , il quitterait tout pour monter un groupe Gisy Punk Trash Balkanique aux Etats-Unis, ce qu’il fit en 1996 (avant Gogol Bordello) sous le nom de Kultur Shock. La cinquantaine, il a le crâne rasé, de longues dreadlocks dans le dos, et une barbe de métalleux.

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Il s commencent par «King For a Day», ouvrant leur dernier album « Integration » par un tonitruant “Welcome In Theatro Miiio” digne d’un chanteur d’opéra parodique et théâtral «brisant l’état du dogme» suivi d’accords trash et des riffs balkaniques du saxophone et du violon sur un rythme ska festif, alliant puissance trash et festivité balkanique.

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Ils continuent avec «Tutti Frutti», thème glacé (gelato) balkanique traditionnel extrait de leur album « Kultura Diktatura » trashisé par le Rock, puis flamencisé façon turque, cuivré (Gino Banana donnant lui-même de la trompette) et finissant en hommage aux révolutionnaires Zapatistes, Communistes, galvanisant le public de cette énergie Rock à l’émotion traditionnelle...

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Très engagés, s’identifiant aux voleurs de chevaux et autres bandits d’honneur de Yachar Kemal ou Panaït Istrahi, le groupe Kultur Shock est composé d’immigrés balkano-américains (le guitariste est bulgare), et les titres de leurs albums montrent leur sens de la provocation : « Que les services d’immigration aillent se faire f... », puis en pleine polémique du plombier Polonais, « On est venus vous prendre vos boulots » (avec un des musicien débouchant des toilettes sur la pochette!). En retour, ils ont eu les compliments de Jello Biafra des Dead Kennedys (« le punk devrait sonner comme ça!»), Faith No More, Serj Tankian de System Of A Down et Chris Novoselic de Nirvana! Comme quoi ils sont bien intégrés dans le seul milieu qui compte: le Rock contestataire de Seattle, en y ajoutant leur touche fanfare et vocalises orientales!

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Leurs chansons adorent taper là où ça fait mal, comme « Build A Wall» aux mélismes de muezzin balkaniques orientaux hérissés de violon trash sur les murs érigés par les Etats-Unis contre l’immigration Mexicaine, dont ils profitent pour faire leur sale bouilot, et proclame « tout le monde ne peut pas être Zidane », puis les choristes parodient l’hymne Américain,Banana prêchant en Hip Hop sur le foot entre les refrains Trash suivis de mélodies balkaniques à la Ederlezi de la violoniste et la saxophoniste.

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Kultur Shock parle et chante en plusieurs langues : anglais, yougoslave, turc, parfois français dans «Tango La Victoire» (Vive la victoire et à bas les bourgeois !), sorte de faux tango martial slave festif finissant en ska collectif!|http://www.youtube.com/watch?v=ectkUdQTQOI].

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Dans le public, des bulgares ont ramené un drapeau, que le chanteur prend, s’enroule dedans, l’embrasse et leur rend. Il y a aussi des Turcs, réclamant Zambul (Istambul) rappelant le rébétiko façon rock.

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Ce qui est beau est que malgré le traitement Trash, ils ne renient pas leurs racines, mais enrichissent le trash de leur culture balkanique, orientale.

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Autre chanson au clip amusant, Country Mohamed, qui prouve encore leur intégration musicale par ses influences irlandaises et même son banjo country aux harmonies vocales proches de celles d’O Brothers (voudraient-ils prendre le boulot de George Clooney ou des cow-boys?) avant une marche trash balkan’orientale.

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Autre traditionnel détourné de façon originale, « Hashisi Hashisha », d’après une chanson d’amour sur le texte d’un grand poète bosniaque, où l’amoureux Roméo sous le balcon laisse place au revendeur de cigarettes qui font rire, ou le Ya Mustafa de Dario Moreno (né en Turquie) en fanfare Balkanique Trash.

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Kulutur Shock a su garder l’authenticité de l’émotion des mélodies slaves et la pêche des fanfares balkaniques tout en les modernisant par une approche punk trash rageuse.

Jean Daniel BURKHARDT