BOYA : Groupe Strasbougeois de Musique Bulgare : Deuxième Album et Concert au Cheval Blanc
Par Jean Daniel BURKHARDT le mardi, février 23 2010, 19:51 - MUSIQUES TRADITIONNELLES - Lien permanent
Si vous n’êtes pas Bulgare ou spécialiste de la musique bulgare, peut-être n’avez-vous jamais entendu parler de la gadulka, vielle bulgare en forme de poire proche du rebec médiéval ou de la vielle rebab d’Afrique du Nord, et du kémenché turc et asiatique à trois cordes frottées faisant vibrer d’autres cordes sympathiques (que ne touchent pas l’archet, mais entraînent les autres cordes)...
Si vous êtes Strasbourgeois, et au courant de la scène locale en Musique Traditionnelle, vous connaissez peut-être cet instrument grâce au groupe Boya, trio formé en 2001, mené par le joueur de gadulka et chanteur bulgare Dimitar Gougov venu à Strasbourg du Nord Est de la Bulgarie pour suivre des études de chef de chœur), avec le percussionniste digital Etienne Gruel (Maliétès) (également membres du Grand Ensemble de la Méditerranée, et de sa version électrique Electrik GEM au sein de l’Assoce Pikante, l’une des plus actives dans la région) et la pianiste d’influence classique Nathalie Tavernier.
Après un premier album « Devoïko » en 2005 , ils ont sorti « Ispaïtché » l’an passé, avec le chœur de l’Ensemble Plurielles (avec qui on pourra les voir en concert le 14 mars à 17 h au Tanzmatten de Sélestat, avec et des invités (Jean-Christophe Kaufman de Dagobert et La Bande Adhésive à la guitare et Gilles Chabenat à la vielle à roue électro acoustique non conventionnelle, presque Jazz Rock).
La scène est décorée de masques oniriques en ombres chinoises de vache, personnage à chapeau mou, bouquetin et chouette effraie ajoutent un peu de la vie rurale Bulgare pour faire couleur locale ou illustrer plus encore leur univers onirique. Après deux thèmes vifs en introduction, ils continuent avec Ispaïtché, danse d’hommes lente au caractère ample et majestueux, illustré par un film d’animation de leur ami Renaud Perrin. Sortant de la main sonnante du sort et de son chapeau mou, le personnage y évolue dans les pierres, actionne les ailes, tourne comme un hamster et tombe dans les yeux de toupie atomique roulants d’une chouette effraie, œil de la caméra à pattes, s’enfuit dans une forêt où les pierres ont des yeux en forme de noix et les terriers des arbres des oreilles, y plonge en chute libre dans l’œil cinématographique de la chouette, son ombre dans sa chute est rattrapé par la main... Bel univers onirique, poétique, répondant à la forte intensité dramatique de la musique.
Nous partons ensuite pour le Sud Ouest de la Bulgarie avec « Mitro Le Mitro », chanson en 7/8 de la région de Pirin, proche de la Macédoine et de la Grèce. Déjà enregistrée par le trio sur Devoïko et connue du public local, elle a été réarrangée pour l’Ensemble Plurielles et Gilles Chabenat de manière plus enlevée par Dimitar Gougov pour Ispaïtché, tout en gardant le rôle central de la gadulka. Les traditions musicales bulgares sont riches des musiques de ses frontières communes avec la Turquie, la Yougoslavie, la Grèce et la Roumanie qui en fait un creuset de musiques entre Orientales, Balkaniques, Tziganes ou Egéennes.
Introduit par Nathalie Tavernier à la Keith Jarrett, ils poursuivent avec « Vidinsko Horo », air à danser de la ville de Vidin, sur les bords du Danube, au Nord–Ouest de la Bulgarie, proche de la frontière Roumaine. Le piano, plus en avant, a pris plus de place rythmique dans ce second album rappelant un peu le style du pianiste Bojan Z, ayant appris le répertoire au cours des années de scènes et de jeu collectif du groupe qui séparent les deux disques. La gadulka rappelle un peu dans ses aigues celles des violons tziganes.
Quant au percussionniste Etienne Gruel, il joue du daf iranien et du bendir berbère (grands tambours sur cadre d’Afrique du Nord), usant également de leurs clochettes et d’une cymbale, et du tapan (grosse caisse de fanfare des Balkans) jouée debout et portée en bandoulière. .. Il joue également de la cajon sur laquelle il est assis, derrière ces grands tambours, d’où un effet de surprise confondant obtenu par un effet de battement entre l’intérieur du tambour et cette caisse de bois.
Enfin, sur un des titres, il joua du zarb, derbouka iranienne, dont il a pu observer les leçons de Pablo Cueco, l’homme qui sortit cet instrument de la musique traditionnelle iranienne pour en faire un instrument de Jazz avec le clarinettiste Denis Colin. Il l’avait en effet invité à Strasbourg à la Citadelle avec Mirtha Pozzi (http://www.myspace.com/duomppc) et en solo pour le Festival Strasbourg Alsace Percussions qu’il organisa avec son ami le percussionniste d'influence Afro-cubaine Jimmy Braun, depuis Toulousain.
Le titre éponyme du premier album de Boya, « Devoïko » (), histoire d’amour malheureuse, avait déjà inspiré au vidéaste Renaud Perrin un premier film d’animation, également projeté pendant ce titre, où le jeune homme au chapeau mou, parti au-delà des mers, retrouve en rêve sa bien-aimée puis revient au pays.
Autre titre du premier album, « Aïdé Iano », classique serbe chanté avec de belles harmonies vocales par le trio, bien connu du public, est présenté avec humour par Dimitar Gougov comme l’ « histoire d’un couple dans la misère. Mais en Bulgarie, on se dit: "Puisqu’on a déjà tout perdu, autant faire la fête!".
Après bien d’autres chansons des deux albums et « Vidinsko » en bis, ils furent applaudis par un public conquis.
On a pu depuis revoir Dimitar Gougov à L’Artichaut puis au concert Zénith for Haïti avec Boya, mais aussi avec son autre trio, Les Violons Barbares avec le Mongol Enkh Jargal à un autre violon méconnu, la vielle Morin Khoor aux cordes de crinière de cheval et au Chant diphonique, amusant dans ses introductions et remerciements, et reprenant « Purple Haze » de Jimi Hendrix en chant diphonique, et Fabien Guyot, batteur plus urbain, Jazz et Rock habitué des batteries de cuisines et autres fûts... L’album des Violons Barbares devrait sortir en mai.
Jean Daniel BURKHARDT