Hier soir s’ouvrait le 24ème festival Jazzd’Or, le festival de Jazz contemporain de Strasbourg, qui se tiendra du 6 au 20 novembre prochains.

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Pour cette première soirée, on pouvait entendre un double plateau Franco Allemand Jazz Passage, avec un trio de guitaristes émérites : MGT (pour l’autrichien Wolfgang Muthspiel, l’australien Slava Grigoryan et l’américain Ralph Towner, pour la première fois à Strasbourg), puis le nouveau groupe Tetraband du pianiste Bojan Zulfikarpasic (dit Bojan Z), très funk avec le tromboniste de Brooklyn Joshua Roseman et la rythmique anglaise de l’Accoustic Ladyland, à savoir Ruth Goller à la basse électrique et Sebastian Rochford à la batterie.

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Le trio MGT s’est créé lors d’une tournée en Australie et regroupe trois générations de guitaristes. Tout d’abord sur scène le plus jeune Slava Grigoryan, guitariste classique australien né en 1976 au Kazakhstan qui a commencé avec ses frère et soeur violonistes des Grigoryan Brothers Edward et Irina et que s’arrachent tous les orchestres philharmoniques, mais au style très flamenco sur une guitare classique joua une composition de Bill Lovelady : « Sounds Of Rain », faisant penser à la pluie par les variations de son impétuosité/intensité sous ses doigts de la douceur à la violence, alliant la prestance baroque à la Solea du Flamenco. Déjà une magnifique et magistrale leçon de guitare.

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Il fut suivi par le guitariste électrique autrichien Wolfgang Muthspiel, né à Judenburg en 1966 et frère du tromboniste Christian Muthspiel le guitariste électrique du groupe, mais qui en faisait un usage très musical, sans aucune saturation, sur une « silent guitar » sans caisse de résonance et réduite au manche et à une demi courbe vide reposant sur sa cuisse, et joua « Water », sorte de bossa doublement bègue grâce à l’utilisation d’un sampler enregistrant la rythmique pour improviser ses arpèges dessus.

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Wolfgang Muthspiel fut influencé vers 15-16 ans par un album solo de Ralph Towner, guitariste américain né en 1940 à Chehalis, spécialiste de la guitare douze cordes en métal et pilier du label ECM depuis 1974. Lui aussi a un style proche du baroque, et, dans les plus hautes cordes, la finesse d’une harpe dans ce « Solitary Woman », sorte de bossa baroque (http://www.youtube.com/watch?v=xTSuQUuOhWM).

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Après cette introduction de saine émulation et influence de ces trois guitaristes, ils se rejoirent en trio comme en Australie, où Towner fait la rythmique, Grigoryan, les arpèges et Muthspiel les résonances électriques en écho sur une guitare électrique à caisse, et vice versa, et jouèrent plusieurs titres de leur album, une musique magnifique où chacune de ces individualités sur un instrument différent, trouvait sa place dans un son collectif.

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Outre ces compositions, Towner et Muthspiel jouèrent en duo le standard « Solar » de Miles Davis et du pianiste Bill Evans, alternant thème et improvisation libre à tour de rôle.

En seconde partie, on pouvait entendre le pianiste et clavièriste Bojan Zulfikarpazic (http://www.myspace.com/bojanzed) et son nouveau Tetraband avec lequel il tourne depuis 2008. On a connu Bojan Zulfikarpazic (alias Bojan Z) depuis son arrivée de Yougoslavie avec Julien Lourau (http://www.youtube.com/watch?v=GSDQzuJcjNE ), puis son propre quartet, à la tête d’un sextet multiculturel pour « Koréni » en Solobsession, aux Etats-Unis avec son Transpacifik Trio et dernièrement avec Xénophonia, où il faisait un usage peu conventionnel d’un fender rhodes trafiqué qu’il appelle Xénophone.

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C’est dire si son retour est attendu avec cette nouvelle formation très funk, avec lequel il vient d’enregistrer son dernier disque «Humus».

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Le tromboniste Josh Roseman de Brooklyn a été le fondateur des Brooklyn Funk Essentials avant de jouer avec John Zorn et la scène Underground New-Yorkaise, l’italo-britannique Ruth Goller à la basse électrique (la première fois pour Bojan Z qu’il n’utilisera pas une contrebasse, virage vers le Rock et le Funk) et le batteur Sebastian Rochford sont la section rythmique anglaise de l’Accoustic Ladyland. Josh Roseman (http://www.dailymotion.com/video/x4vfoz_grenoble-jazz-festival-bojan-z_music ) excelle tant à la sourdine que pour moduler les sons de son trombone de la douceur veloutée ou rythmée, swinguée, à la violence rageuse, gueularde, jusqu’au cri.

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Ruth Goller assura un groove constant et Sebastian Rochford, compositeur d’un des thèmes, montra sa faculté de passer du Jazz au Funk, au Balkanique aux rythmiques Drum’N’Bass les plus modernes, aux frétillements polyrythmiques (http://www.youtube.com/watch?v=NNplKq7E_xk&feature=related) voire déstructurées.

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Après « Numéro 9 » plutôt calme et Jazz, Bojan Zulfikarpazic dédia un titre plus violent « à nos chers banquiers », où il utilisa le Xénofone, mélange fascinant de son très aigre de saturation et inouï à la Soft Machine dans les graves déclenchant entre tempêtes, tsunamis et chants des glaciers sonores et autres paysages vivants, et de douceur très perlée, 70ies, dans les aigues, sans que l’on puisse déterminer quand il passe de l’un à l’autre, peut-être par le jeu d’un boîtier d’interrupteur. On pouvait en effet penser à des tempêtes de crise financières, se calmant en creux de vagues permettant le retour des parachutes dorés et primes en bonus aux traders, mais qui n’évitent pas la catastrophe apocalyptique finale de la misère mondiale..

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A d’autres moments, on croirait en entendant ce Xénophone être dans une taverne balkanique devant un orgue de Barbarie ou un de ces claviers de fortune qui y divertissent le public et accompagnent les chanteurs de leurs sonorités orientales et envoûtantes.

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Après plusieurs autres titres, il finit dans le style Balkanique prorre à Bojan Z depuis ses débuts, mais il n’aime pas la réduction de la musique Balkanique à ce qu’en donnent à voir les films d’Emir Kusturica et les disques de Goran Bregovic. C’est sûr qu’avec ce Tetraband, il en donne une version autrement plus moderne, urbaine, Jazz, Rock, Funk, et autrement plus excitante!

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Le Festival se poursuit avec une après-midi gratuite à la Médiathèque Centre de Strasbourg, avec à 15 h une rencontre avec Michel Dorbon, directeur du label de Jazz RogueArt, à 16 h un concert de la contrebassiste Hélène Labarrière en solo sur des chansons françaises, et à 17 h le film « Off The Road, Peter Kowald » de Laurence Petit-Jouvet publié chez RogueArt en 2001 suivant la dernière tournée américaine du contrebassiste allemand Peter Kowald, décédé deux ans plus tard.

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Et bien sûr, ce samedi soir 7 novembre, le festival se poursuit à Pôle Sud à 20 h 30 avec le trio du pianiste Tristanien Hans Lüdemann, Sebastien Boisseau à la contrebasse et Dejan Terzic à la batterie en première française, puis la Création du nouveau projet « Out Of Joint » du violoniste Dominique Pifarély avec le contrebassiste français Bruno Chevillon, le saxophoniste américain Tim Berne et son pianiste Craig Taborn.

Jean Daniel BURKHARDT