Le Festival Contretemps s’ouvrait hier au Rafiot. DJ Remsey Lef ouvrait le bal. Avec DJ Calhoun au sein des BUMS ( Bad Underground Mind Sleepers », il est membre du collectifs DJs Hip Hop les plus positifs de la ville, préférant organiser les soirées « LA BOUM » bonne enfant au Ganstarap violent et remerciant sur leur ancien site « à tous les artistes qui ne présentent pas les damoiselles comme des chiennes », et ils sont rares dans le Hip Hop. Sous le pseudo de Frankie comme Frank Zappa dont il admire le "Shekh Yerbouti" au point de l' avoir pris comme photo de profil sur son My Space(Numi, il vient de sortir son premier LP « Never ending, always building in jazz, soul & funk », featuring des MCS américains (Wilchild, Prince Poetry, Insight, Laws) et japonais (Suika), avec "Continue The Legacy" utlisant des samples de "You Can Have Water gate, but Give Me Some Bucks And I'll Be Straight" des JB's de James Brown et Macéo Parker.

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Il est certainement localement l’un des DJs les plus respectueux et connaisseur du background Funk (Fat Back ) & Soul ( « Honey » des Ohio Players )du Hip Hop, que je ne connaissais pas mais ai apprécié et sa programmation en est plus agréable, et même un peu Baba Cool avec les clameurs Peace & Love d’Arrested Developement, voix soulfull à l’unisson des aboiements de la meute de Snoop Doggy Dog qui s’en trouvent adoucis et moins ridicules. C’est vrai que frankie Numy partage sa coupe de cheveux ramenée en boules sur le haut du crâne sans les locks.

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Les BUMS, ce sont un peu, comme les Jazz LIberatorz à Meaux, nos Jazzmatazz dans l'esprit à nous. On souhaite à Frankie Numi et aux BUMS d'être "Never ending building in jazz, soul & funk" ("sans fin construisant en Jazz, soul & funk).

Le second DJ Set est celui de Pilooski, français d’origine Polonaise, ex-membre de Discodéine, et qui s’est très vite imposé au sein du D.I.R.T.Y. Sound System avec ses longs mixs et édits comme celui de « Beggin’» de Frankie Vallie & The Four Seasons remis au goût du jour par Madcon en 2008..

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Cela commence par des lignes plus lentes, en transe sur une basse disco à la « Another One Bites The Dust », fragmentées de cuivres secs électronisés en boucle sur un synthé cool, sur lequel se greffe une voix d’outre-tombe, à travers un tunnel puis à nouveau la basse. Mais le tout est harmonisé par la musicalité des transitions.

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D’une déflagration implosive comme la batterie de Joy Division, s’échappent et volètent de petites libellules synthétiques sur une basse de plus en plus funky qui se fait structurante au milieu de grandes orgues et de cordes venteuses de la disco sur un beat modernisé.

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Une voix paresseuse, langoureuse, sensuelle, évanescente l’adoucit sur des claviers dramatiques, amollit les beats, comme humanisés, contaminés par l’émotion vocale, humaine, comme dans la victoire pacifique de « The Little Trumpet » de Michael Winter où les instruments se libèrent en endormant les machines de la douceur de leur musique, puis jouent avec elles. Face au côté robotique, cauchemardesque de l’électronique technoïde, certains comme Pilooski savent faire passer une émotion, l’habiter, l’humaniser de cultures et de voix.

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Pilooski sait donner aussi l’âme d’une voix Soul ou Afro à son mix, durcir une guitare en beat dur. En modifiant les textures, il fait passer les éléments de rythmique en mélodie et vice versa par substitution.

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Sur le piano martelé et la basse groove, une voix souffle « I Want Your Love».

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A partir de ces éléments et effets disparates, disques, samples méconnaissables ou sons, Pilooski recrée un univers Peace & Love lumineux, Soul& Funky qui a l’authenticité et la cohésion d’originaux non modifiés. C’est là qu’on le voit ARCHITECTE SONORE et MUSICAL, comme un chef d’orchestre avec ses musiciens, avec ces éléments.

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Pilooski allonge les lignes Funk/Soul/Rock en boucles infinies par ses édits, prolongeant les parties qui l’intéressent en loops psychédéliques, puis joue des guitares et percussions comme d’un Xénophone BojanZien, d’un clavier vintage dont ils seraient les touches, tandis qu’une voix étrange s’interroge « Isn’t It Love ? I’m In Love, That’s True », en boucle, rythmée par percus et claviers qui font évoluer le mix vers un côté Afro-Beat.

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Le talent de Pilooski est de recréer une harmonie dansante et funky, dans l’esprit 70ies, mais AUJOURD’HUI, à partir d’éléments anciens ou plus actuels, modernisés par ses édits.

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La voix est à son tour modifiée en electro par le groove, recréant l’harmonie ou la modifiant pour rendre les ballades seulement émouvantes rythmiquement funky et dansantes, au goût du jour, leur redonner une authenticité rythmique, tribale par adjonction de percussions dans les lignes de basse.

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C’est le pianocktail rêvé par Boris Vian appliqué au mix qui mêle piano transe, basse disco et voix miaulante, mais pianocktail évolutif dans l’improvisation, il accélère le piano en salsa et sèche la basse en Northern Soul, fait du miaulement une voix de chipie R’N’B, puis la rend cosmique el la rendant évanescente juisqu’à n’être plus qu’un simple esprit fantômatique.

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Et pourtant quand tout ce beau monde qui ne s’était jamais entendu, n’avait jamais joué ensemble se rencontre dans ses platines, on accède à une unité, à une transe disco ou tribale d’un nouveau genre sur les percus et le piano, où tous se retrouvent dans une Jam historiquement impossible qui a germé dans l’esprits et sous les doigts de Pilooski…

En troisième DJ Set, Dusty des « Jazz Liberatorz », collectif de trois DJs de Meaux qui ont sorti en 2007, « Clin D’œil », l’un des plus beaux albums de Hip Hop Jazzy, Funky et Soulful et vraiment peace, où des MCs parlent et chantent du Jazz et citent leurs Jazzmen préférés sur des samples de Coltrane, Ahmad Jamal et une rythmique de vibraphones, batterie Jazz, piano, fender rhodes et solistes live, vraiment à la hauteur des « Jazzmatazz » de Guru, ce qui leur met un peu la pression pour la suite. Mais on peut vraiment écouter leur disque avec le même plaisir contemplatif qu’un disque de Jazz, ce qui est rare…

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Ayant un peu discuté avec Dusty, qui s’avère être vraiment sympa du haut de ses presque deux mètres, il m’a expliqué que ce qui semble sur l’album être des chansons en deux parties comprend en fait l’introduction et le titre pour chaque plage…

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Ils ont sorti depuis « Fruit Of The Past", récoltant en CD d’anciens maxis sortis avant l’album et un featuring de Mos Def, et des remixs.

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Dusty, vêtu d’un T-Shirt à l’effigie de Dizzy Gillespie, utilise en plus des platines un laptop aux autocollants « DIEUDONNE : J’ai fait l’con ». C’est bien de le reconnaître. C’eût été bien aussi de ne pas continuer! aux jambes de « Jazzy Sport ».

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Certes ce qu’il passe en soirée pour la danse est un Hip-Hop plus pêchu et funky, plus dansant que l’album (qui est plus un plaisir à se faire chez soi), mais montre son attachement au Hip-Hop, mais depuis ses racines Jazz, Soul & Funk. Ce n’est pas un mauvais calcul que de faire des disques A ECOUTER et des DJ Sets A DANSER. Deux fonctions de la musique, contemplative ou festive pour deux moments, publics ou plaisirs différents. Il passa un remix de « Tom Diner’s » de Suzanne Vèga en hip hop. Dans les autres titres Hip Hop, le Jazz est présent dans les riffs de cuivres reprenant un thème Hard-Bop

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Le lendemain, Samedi, il mixa un Set à la Jam-Session du Skate Park de la Rotonde pour les BMX, Skateurs et autres rollers. Là encore, dans un mix hip-hop énergique, il trouva le moyen d’intercaler des phrases de Jazz basse-piano-rhodes, avant « Jump Around » d’House Of Pain, l’un des groupes de Hip-Hop à s’être inspirés du Blues rural, thème allant bien avec les sauts des skate-boarders sur les rampes, enchaîna sur un piano festif et perlé, avant « When I Get Old », mais enrichissant toujours structurellement le mix et ses scratches sur deux disques bleu et rouge d’une rythmique Jazz avant un Guru de 1992.

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Il finit même par leur balancer pour finir « En Melody » , de Serge Gainsbourg, extrait de « Mélody Nelson », le premier morceau de Rock Français (au sens de ne valant rien au Rock’N’Roll anglo-saxon), dont il apprécie le groove puissant.

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Un peu plus tard, à l’exposition CITY4SALE, il apprécia dans le mix du DJ Tom Selekt (ex DJ Shann , le second Badass Funkstarz avec Sir Jarvis qui bootlegga « En Melody » avec Amy Winehouse dans « Stronger Than Melody » pour son label Badass 45 un instru Hip Hop 80ies Old School comme ce sur quoi les premiers MCs des Block Parties posaient leurs voix. Le Hip Hop s’est appauvri quand les MCs ont viré les DJs, justement, qui avaient la culture musicale, le lien au Jazz, au Funk. Aujourd’hui ils se contentent de scratches voire de beats electro pour poser leurs voix.

La soirée de Vendredi se termina avec KM3 (Kosmojazzcat), qui a fait venir de nombreux MCs et DJs à Strasbourg à ses soirées Deep Hop (Moonstarr & Voice, Wildchild) et participe au groupe Hip-Hop House « Rouge A Lèvres », avec lesquels on a pu l’entendre à Contretemps l’an passé.

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Malgrè l'heure tardive et un public clairsemé, il passa les « Talking Heads » , la plus belle réussite de fusion entre funk, new wave et rythmiques africaines, lui aussi un Fatback ("Backstrokin'") « Ugh » de Mr Scruff (invité au festival il y a quelques années, une voix Soul Indie 80ies sur des percussions collectives, et juste avant la fin une découverte récente magnifique : « Rushing to paradise ( Walking These Streets) » d’House Of House, un thème House au piano montant à la Massive Attack sur des voix-boiements et un tempo qui n’empêchent pas le solo de se développer naturellement et même de partir librement dans une ambiance à la Cinematic Orchestra. Thème idéal pour rouler de nuit ou rêver déjà de son lit.

Jean Daniel BURKHARDT