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J'ai évolué sur la question ces derniers temps en partant de loin. Avant de voir DJ Olive et Jeff Lieb un soir à l'Elastic un soir, je n'étais très sincèrement pas loin de penser que la musique électronique était L'ENNEMIE dans ma lutte pour les musiques vivantes, les ayant remplacé dans l'esprit du public en leur volant leurs moyens publicitaires et promotionnels. Pour moi il y a deux aspects très différents du Deejaying à ne pas confondre: d'une part, mettre des morceaux de musique soit à la demande du public soit dans un certain style, soit selon son envie pour faire danser les gens, sans trop les modifier. Ce serait l'aspect culturel, pas très éloigné du travail du Disc Jockey à l'origine dans les radios, et du mien dans mes émissions, avec la danse en moins et les explications culturelles que j'essaie toujours de donner en plus pour moi. Les Badass Funkstarz en sont un bon exemple pour le Funk Soul Break'N'Beat, ce dernier aspect rythmique remettant parfois les morceaux au goût du jour, ou d'autres modifications mineures de tempos, d'échos, ou effets dubs. Ils pourraient aussi faire des rencontres inattendues en mixant entre les deux platines: des chants esquimaux avec de la salsa, pour deux cultures très éloignées et ne s'étant jamais rencontrées.

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Et si les Dj étaient en quelque sorte les mémoires musicales vivantes comme dans un roman d'anticipation de Ray Bradbury adapté par Truffaut "Fahrenheit 451", où, dans une société futuriste où les livres sont brûlés à cette température, les "rebelles" apprennent des livres par cœur pour pouvoir les répéter, les réciter ensuite à d'autres, bref les faire vivre à travers eux.

Les DJ pourraient assumer ce rôle musicalement, dans notre monde où toute la musique tend à être amnésique et inculte, commerciale, sirupeuse et formatée en série selon les modes à durée de vie limitée au kleenex jetable, suivant la mondialisation américaine qui veut faire en sorte qu'il n'y ait plus au monde que du Rock qui a perdu sa justification peace & love depuis 20 ans dans le bruit et le fracas d'une violence gratuite hard je ne sais quoi ou dans la morbidité new wave et l'égoïsme généralisé, le rap devenu une musique de haine et individualiste quand les MC ont pris le pouvoir sur les funky DJs, et la techno abrutissante pour minettes décérébrées des discothèques et macchos en goguette en polos Lacoste, ceci se retrouvant quels que soient les pays ou les cultures, au mépris des identités et des exceptions culturelles qui sont des richesses pour le monde, contre cette mondialisation/universalisation par le même.

D'autre part, il y a les DJ technos qui parlent de "créer de nouveaux sons" à base de scratchs,de boom boom et badaboum lourds, avec un aspect plus ou moins "musique-machine" et déshumanisé, et des éléments plus ou moins "ambients" . Pour moi la musique doit faire danser les pieds rythmiquement et rêver la tête mélodiquement dans les nuages. Mais disons que cet aspect reste pour moi très abstrait, que je m'y raccroche à la moindre voix, au moindre son d'un véritable instrument, aux éléments "humains", car je refuse catégoriquement ce monde industriel et robotisé auquel pour moi la tendance dure de la techno semble vouloir nous habituer en douceur jusqu'à ce que nous ayons oublié le passé et sa saveur, ce que je n'accepterai jamais. Finalement l'aspect rythmique devrait accepter de rester justement une base rythmique, sur laquelle pourraient se greffer des éléments plus mélodiques. Un DJ de la région intéressant rythmiquement serait pour moi Juliano, qui travaille assez ses rythmes comme le fait tout percussionniste.

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Mais ma pensée continue à évoluer au fur et à mesure de mes écoutes et de mes rencontres, de mes expériences. Ce qui m'intéresse, c'est de suivre ces lignes musicales qui vont des origines des cultures musicales traditionnelles à leurs formes contemporaines fussent-elles électroniques, montrer qu'il y a encore le passé dans le présent et déjà l'avenir dans le passé, pour que rien ne se perde.

Jean Daniel BURKHARDT