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Animateur de radio bénévole depuis 7 ans sur Radio Judaïca STRASBOURG de deux émissions de jazz et musiques traditionnelles où je présente les concerts en région, après des études de lettres menées jusqu'à un DEA, je n'ai cependant jamais trouvé d'emploi correspondant à ma culture tant littéraire que musicale et à mes capacités rédactionnelles pourtant polyvalentes car souvent considéré comme sur diplômé et sous expérimenté. Par ce blog, je désirerais échanger avec d'autres dans le même cas nos expériences personnelles de sorte à nous enrichir mutuellement d'idées auxquelles nous n'aurions pas pensé nous-mêmes.

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MUSIQUES TRADITIONNELLES

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mardi, mai 11 2010

La Chanteuse Hindi Zahra sera demain mercredi 12 mai en concert à la Laiterie

Chanteuse et guitariste berbère Marocaine née Zahra Hindi à Khouribga, la chanteuse et guitariste Hindi Zahra vit en France depuis 15 ans et a fait les festivals Rock en Seine, Womad, Rio Loco et Africa Express et les premières parties d’Amazigh Kateb, Piers Faccini. Son premier album chanté en Anglais/Berbère/ et Français « Handmade » est paru sur le mythique label Jazz Blue Note.

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Inspirée par Oum Khalsoum, Amalia Rodriguès ou Dimi Mint Abba, son album est un mélange fait main beau comme un mirage d'émotions vocales bouleversantes rappelant Madeleine Peyroux dans la fragilité mélodieuse, Kristin Asbjornsen dans la modernité des arrangements de choeurs (avec une nuance plus électro) et Lhasa De Sela dans le Blues lent désertique (tout ce que nous a touché des émotions musicales world en ce début de millénaire), sur des guitares folk à la Souad Massi en plus fragile, touaregs (ses aïeux sont des musiciens touaregs du groupe Oudaden), et des rythmes gnawas appris de ses oncles, parfois du reggae jazzy chanté avec un phrasé à la Anis ou de l'électro léger, qui bifurque sur la fin vers la pop rock anglaise voilée d’electro ou aérienne... Elle sera en concert avec Filiamotsa demain soir 12 mai à la Laiterie....

Jean Daniel BURKHARDT

mercredi, mai 5 2010

RAUL PAZ à La Salle Des Fêtes de Schiltigheim

Après le Son, le Mambo, la Salsa, la Timba et la folie des papys des Afrocuban Allstars qui tombent comme des mouches vu leur âge, la dernière sensation Cubaine depuis 2000 est le chanteur Raul Paz. Né à Pinar Del Rio en 1969 (d’où peut-être son goût pour la Musica Campersina et l’accordéon vallenato Colombien), il fut découvert lors d'un concert de la Fania dans les années 90s et a enregistré son premier album sur le label RMM de Ralph Mercado, puis, après sa faillite (suite à la mort de Tito Puente et Celia Cruz), a signé avec Naïve, où il a sorti Mulata, (2003) sorte de dub à la Cubaine, mais avec un intéressantDanzon-dub, "Aprietala", Revolucion (2005), plus funky et avec des cuivres, En Casa (2006) où il revisitait le Son, le boléro et le cha cha cha de son enfance, le live En Vivo (2007), enfin, Havanisation, et était vendredi 30avril à la Salle des Fêtes de Schiltigheim en concert.

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Le concert commence avec Mejo, Tengo, trois titres du dernier album. Les cheveux roux et plus long, presque coupe afro, il fait un peu penser à Robert Charlebois à son arrivée en France. Il est accompagné d’un jeune claviériste, d’un bassiste et guitariste noir portant dreadlocks, d’un percussionniste et batteur, d’une section de cuivres composée d’un trombone et d’une trompette et d’une très jolie chanteuse claviériste et percussionniste de charme. Il a une voix puissante et émouvante. Dans les bolèros (, on peut parfois même penser à l’entendre au grand chanteur Beni Moré. Gabriel Garcia Marquez a eu une jolie phrase sur Raul Paz, l’appelant «La Paz De Mi Guerra ».

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On peut dire qu’au long de sa carrière, il a pris le temps pour apprendre, assimiler progressivement les différents genres de la musique Cubaine, même s’il la modernise plus qu’il ne la prend au pied de la lettre, ajoutant des influences venues d’ailleurs comme le Reggae, le Rock, le Funk, le Hip Hop ou le vallenato Colombien. Il a trouvé sa voie vers le Son et le Boléro avec En Casa qu’il composa, dit-il, lors de son retour à Cuba après des études et un début de carrière en France, y trouvant une émotion vocale qu’on ne lui connaissait pas, mais déclare tout de même après cette chanson «Ce qu’on a besoin maintenant à Cuba, c’est d’être libres ».

Je porte un T-shirt Che Guevara (ramené de Cuba), certains au dernier rang agitent un drapeau Cubain à son effigie....Est-il pour lui le symbole de cette liberté ou du Castrisme dont Cuba pourrait se libérer sans perdre les acquis sociaux de la Révolution?

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Les Salseros et Salseras sont en place, au premier rang, mais il est vrai que sa musique ne prête pas vraiment à la danse de couple, même si on a vu tanguer un couple à la manière des danses de salon pendant un boléro. Bon public, ils ne lui tiendront pas rigueur, et lèveront toute la salle dans les travées jusqu’à la fin du concert avec un public plus debout qu’assis., même ceux d’un certain âge.

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Prenant sa guitare, on pense aux troubadours engagés de la Cancion Cubaine comme Pablo Milanès, parfois (trop rarement) à Irakere dans le fender rhodes, sans cette énergie Jazz-Rock, ailleurs, des fusions intéressantes, comme un solo de trompette de Son pur jus sur la rythmique de La Murga De Panama du tromboniste Willie Colon, chantée par Hector Lavoe fit une fusion intéressante, ou une salsa proche du Son sur le rythme dans les descentes de piano bouleversantes sur"Me Recordaras" dans «http://www.youtube.com/watch?v=4v3z...» d’ Adalberto Alvarès.

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Pour ce qui est des modernisations qu'il a amené à la musique Cubaine, on a pu apprécier le décalage dub des cuivres d’El Beso qui ouvrait Mulata, puis il partit en phrasé hip hop, avec plus d’authenticité dans la rythmique Cubaine que le groupe le hip hop Orishas (ou plus de respect pour ces dieux de la santèria Cubaine. Mua Mua Mua fut aussi bien envoyé avec les chœurs en décalage dub.

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Il reprit aussi avec la chanteuse une ballade chantée à l’origine avec la chanteuse française Soha.

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21 h 30...premier bis ou suspense, premier retour. Le piano peut aussi jouer à la Ruben Gonzales dans Clasiqueando con Ruben sur Buena Vista Social Club.

Raul Paz reprend à sa sauce, d’une voix moins aigue et efantine que l’original, Clandestino de Manu Chao, repris en chœur par le public.

22 h 15... second retour pour un Freaky moins funky et à la Jamiroquai Cubain que l’original, sur un rythme Reggae Jamaïcain avec une guitare psychédélique, freak en ce sens-là.

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Mais on a quand même l’impression que ce chanteur Cubain fait tout sauf de la musique Cubaine, et quand on l’aime, ça manque, malgré le Revolucion final (http://www.youtube.com/watch?v=ijwKxqidlTA), si énergique fût-il, braillé en chœur par le public, fût-ce même le poing levé, avec un solo de guitare à la Santana, aurait aussi bien se trouver dans un concert de Rock voire de Métal, n’ayant plus rien de spécifiquement Cubain, plus Sound System que Latin.

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Aussi, dans le bus, je ne puis m’empêcher d’être un peu amer sur le futur que Raul Paz prépare à la Musique Cubaine à l’heure de la mondialisation. Que restera-t-il de cette culture magnifique si les Cubains eux-mêmes la renient, ou ne la défendent pas particulièrement? Après tout, la musique Cubaine n’a pas BESOIN du Reggae ou du Funk pour être excitante. Ou l’inculture du public l’a-t-elle menée là, à cette World Music, sauce gumbo apatride et fourre-tout où sous les épices et le piment tout goût local se perd pour ne plus se retrouver. Yuri Buenaventura au moins se présente comme Colombien, fait de la Salsa, des chansons en français version latinos, mais aussi du Currulao de fanfare, fait connaître cette culture. Le Latin Rock/ Latin Soul de la Fania a été volé aux Cubains (Irakere faisait à l’époque de la Salsa sans le savoir mieux que beaucoup de ses groupes) et par les New-Yorkais à grand renfort de musiciens exilés en profitant du blocus mais restait latine, pour un public latin. Si les jeunes Cubains de l’an 20..10 se mettent à faire du Rap, du Rock et du Reggae, quelque soit le côté fédérateur, consensuel de ces musiques auprès du public le plus jeune ou le moins versé en musique cubaine, cette culture va disparaître avec les derniers papys de l’ Afrocuban Allstars, et ce serait une perte pour la musique mondiale, quitte à paraître réactionnaire. Eux défendaient le Son bec et ongle, et Ry Cooder leur a donné une visibilité pour le marché Américain, puis internationale! Raul Paz prend à tous les râteliers pour obtenir un mélange efficace, mais que REND-IL en échange à ces cultures ? Il leur tond la laine sur le dos et s’en habille, en fait son écheveau de fortune, et après ?

Jean Daniel BURKHARDT

vendredi, mars 19 2010

Le groupe Pop World Iranien ABJEEZ à la Salle De La Bourse

Le groupe Abjeez est un groupe pop world Iranien domicilié à Österund (Suède) Le nom du groupe « ab-gee » signifie sœurs en persan, et c’est ce que sont les deux chanteuses Melody au chant et Safoura Safavi au chant et à la guitare, accompagnées de Johan Moberg (Guitare), Erland Hoffgard (Bass), Robin Cochrane (Batteries) et Paulo Murga (Percussion). Après leur premier album Hameh en 2006, elles ont sorti Perfectly Displaced en 2009, et donnaient hier soir dans le cadre de la Semaine Culturelle Iranienne leur premier concert en France.

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En première partie, on pouvait entendre le groupe Electrad psychédélique Fuglasker (les pingouins qui ont disparu) composé de Iannis Rabotas (basse), Julien Meyer (didgeridoo) et Cédric Fonné (sampler, platines), invitant le saxophoniste de Jazz Arsène, qui nous amena « à quelques encablures de l’Iran » avec Psyclone à la Mukhta avec un côté un peu Erik Truffaz/Ilhan Ersahin, parfois plus ambient world, quelques samples hip hop, une basse funky et même un didgeridoo à coulisse, le tout bien harmonisé et improvisé! Un groupe à suivre.

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Arrivent Abjeez, Safoura chantant et jouant de la guitare et Melody chantant en s’accompagnant de percussions en oeufs, précédées de leurs musiciens et se lancent dans Vaghti Ke, le premier titre de leur second album Perfectly Displaced, un reggae ska énergique et sautillant rythmé par la batterie et les claviers électro du percussionniste, la basse groove et la guitare ska de plus en plus rock qui met déjà les Iraniens et Iraniennes très en forme.

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Ce second album a plus d’ubiquité musicale que le premier, et que la scène indie un peu lassante du film "Les Chats Persans". Enregistré en Espagne, certains titres font penser à du flamenco gitan avec palmas et talons sur le sol, comme l’introduction de la chanson Doostetoon Daarimm dédiée au public Iranien expatrié où qu’il soit.

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On peut d’ailleurs comparer la démarche musicale du groupe à la nouvelle scène Espagnole renouvelant Flamenco et Rumba (Ojos De Brujo, etc...).

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« Parfaitement Déplacé », cet album l’est aussi dans cette ouverture aux musiques non iraniennes : salsa, bossa, reggae, ska, musique celtique, flamenco, country.

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Mais Le meilleur flamenco de cet album est Tu Me Haces Falta (Tu me manques) (Jaayeh toh khaaliyeh), chanson d’amour chantée en Espagnol et doublée en Iranien. Ce second album est aussi plus intime, plus universel, moins revendicatif que le précédent.

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La chanson suivante, « Eddea », fut importante dans la carrière d’Abjeez. Issue du premier album Hameh, ils jouèrent ce reggae rapide aux sons electros avec sirènes à New York, et le clip rapporta un prix à un festival de courts-métrages Tribeqa en 2007.

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Elles poursuivirent avec Immigrants du second album, chanson en anglais, originale entre une intro iranienne, la phrase de l’immigrant « Ils me demandent toujours d’où je suis. Je suis de chez moi ! » fusion Salsa Reggae sur la difficulté de l’exil de son foyer pour l’émigrant iranien, mais aux cuivres orientaux et les percussions orientales. En l’absence de cuivres ici, les riffs sont joués en live par les guitares.

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Introduit par un parodie de salut militaire, Demokrasi () dénonce en reggae roots à la batterie exotique l’invasion Américaine en Irak : on ne peut pas amener la Démocratie par la force des armes, elle appartient au peuple et à son évolution par des élections libres. Elles dénonçaient aussi dans ce disque le mariage arrangé dans le reggae funky Khaastegaari (http://www.youtube.com/watch?v=CCSTfFBFczU&feature=related).

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La pop parodique est aussi représentée dans le premier album et ce concert par Barab Barab aux scats amusants, parodies de R’N’B/Hip Hop sur charango andin.

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Quoique exilées, les deux Iraniennes ont réagi par leurs dernières chansons postées sur le web aux évènements récents en Iran : Biyaa, reggae appelant à la Paix enregistré avec Congoman Crew, demandent où est le vote de ceux qui n’ont pas voté pour Ahmadinejad, et affichent leur soutien à la Révolution Vetrte par un bracelet pour la chanteuse, une rose verte pour la guitariste.

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Elles finirent par un Reggae Electro scandant « Love Is my Power », sur lequel les Iraniens firent une ronde serpentant dans toute la salle. Même si l’on ne comprend pas les paroles en persan, l’énergie d’Abjeez reste communicative et irrésistible, qui tient le public éveillé avec elles dansant sur de la musique Iranienne jusqu’à Minuit.

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Le Festival se poursuit aujourd’hui avec la fête du Nouvel An Iranien (Norouz) et Fête du Feu Zoroastriste au Pavillon Joséphine , demain samedi 20 et dimanche 21 mars.

Jean Daniel BURKHARDT

mercredi, mars 3 2010

KRISTIN ASBJORNSEN, chanteuse de Gospel Norvègienne à la Salle Du Cercle

Vendredi 26 février, la rousse chanteuse de Gospel Norvègienne Kristin se produisait à la Salle Du Cercle de Bischheim avec son groupe.

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Kristin Asbjornsen est née en Norvège, fille de pasteur coutumière des chants choraux, elle se passionne pour les Gospels Afro-Américains qu’elle tient de la chanteuse afro-américaine Ruth Cleese dont elle fut la dernière élève.

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En 1990, elle découvre la musique Africaine de la griote malienne Kandja Kouyaté, et voyage au Mali, où elle mâtine ses Gospels (déjà la forme musicale afro-américaine la plus proche des racines Africaines) d’influences plus ethniques et Africaines, tribales.

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Elle passe à l’école de Jazz de Trondheim, débute sur scène dans les groupes pop Dadafon (pop et balafon) et Kroyt.

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Avec Dadafon, elle a participé à la BO du film Factotum d’après Charles Bukowski.

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Ses versions personnelles de ces Gospels devenus pour elle des mantras constituent le répertoire de son premier album « Wayfaring Stranger , A Spiritual Songbook», double disque d’or en 2006 (50 000 exemplaires vendus).

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Elle a enfin sorti en 2009 « The Night Shines Like The Day », un nouvel album de compositions personnelles accompagnées par des cordes (guitares, violoncelles et ngoni et percussions). Elle a gagné le Babel Med Mondomix en 2009.

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Physiquement, sous sa chevelure rousse et bouclée, le visage de Kristin Asbjornsen a quelque chose de léonin et Nordique à la fois dans ses yeux verts. Elle danse sur scène de manière très Africaine et libre, vêtue d’une robe noire constellée d’éclats de verre, avec des bracelets de clochettes résonnant à ses pieds.

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Son groupe est composé de cordes : tous jouent de la guitare, doublant tour à tour au n’goni (son instrument africain préféré), lapsteel (guitare jouée à plat, assis, sur les genoux en utilisant des slide pour faire des glissandos sur les cordes) ou de la contrebasse et chantent les chœurs gospels avec des arrangements très folk 70ies, sauf le batteur qui tape, en plus de sa batterie, sur des bouts et caisses de bois et divers petits objets, mais trouve parfois une modernité drum’n’bass. Minimalistes mais efficaces.

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D’une voix rappelant par sa ferveur celle de la chanteuse de Blues blanche Janis Joplin dans son Gospel profane Mercedes Benz, la chanteuse alterna Gospels comme Ride up The Chariot, qu’elle présente comme des Travelling Songs : chansons de voyage, de travail, de marche et de fuite vers le Nord de la ligne Mason Dixon pour les esclaves noirs s’identifiant au peuple juif esclave en Egypte, ou espérant le repos éternel après une vie de labeur dans la mort, et ses chansons personnelles issus du dernier album, chants profanes plus sentimentaux et intimes sur ses propres émotions affectives et sentiments sur des arrangements plus modernes, des tempos plutôt lents, mais ceux qui le semblaient un peu trop au disque prenaient en Live une force plus prenante, parfois groovy ou même afro-groove comme « Snowflake ».

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Grâce à elle, les Gospels sont un peu moins orphelins de l’Afrique, et la Norvège n’en est pas si loin...

Jean Daniel BURKHARDT

mardi, février 23 2010

BOYA : Groupe Strasbougeois de Musique Bulgare : Deuxième Album et Concert au Cheval Blanc

Si vous n’êtes pas Bulgare ou spécialiste de la musique bulgare, peut-être n’avez-vous jamais entendu parler de la gadulka, vielle bulgare en forme de poire proche du rebec médiéval ou de la vielle rebab d’Afrique du Nord, et du kémenché turc et asiatique à trois cordes frottées faisant vibrer d’autres cordes sympathiques (que ne touchent pas l’archet, mais entraînent les autres cordes)...

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Si vous êtes Strasbourgeois, et au courant de la scène locale en Musique Traditionnelle, vous connaissez peut-être cet instrument grâce au groupe Boya, trio formé en 2001, mené par le joueur de gadulka et chanteur bulgare Dimitar Gougov venu à Strasbourg du Nord Est de la Bulgarie pour suivre des études de chef de chœur), avec le percussionniste digital Etienne Gruel (Maliétès) (également membres du Grand Ensemble de la Méditerranée, et de sa version électrique Electrik GEM au sein de l’Assoce Pikante, l’une des plus actives dans la région) et la pianiste d’influence classique Nathalie Tavernier.

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Après un premier album « Devoïko » en 2005 , ils ont sorti « Ispaïtché » l’an passé, avec le chœur de l’Ensemble Plurielles (avec qui on pourra les voir en concert le 14 mars à 17 h au Tanzmatten de Sélestat, avec et des invités (Jean-Christophe Kaufman de Dagobert et La Bande Adhésive à la guitare et Gilles Chabenat à la vielle à roue électro acoustique non conventionnelle, presque Jazz Rock).

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La scène est décorée de masques oniriques en ombres chinoises de vache, personnage à chapeau mou, bouquetin et chouette effraie ajoutent un peu de la vie rurale Bulgare pour faire couleur locale ou illustrer plus encore leur univers onirique. Après deux thèmes vifs en introduction, ils continuent avec Ispaïtché, danse d’hommes lente au caractère ample et majestueux, illustré par un film d’animation de leur ami Renaud Perrin. Sortant de la main sonnante du sort et de son chapeau mou, le personnage y évolue dans les pierres, actionne les ailes, tourne comme un hamster et tombe dans les yeux de toupie atomique roulants d’une chouette effraie, œil de la caméra à pattes, s’enfuit dans une forêt où les pierres ont des yeux en forme de noix et les terriers des arbres des oreilles, y plonge en chute libre dans l’œil cinématographique de la chouette, son ombre dans sa chute est rattrapé par la main... Bel univers onirique, poétique, répondant à la forte intensité dramatique de la musique.

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Nous partons ensuite pour le Sud Ouest de la Bulgarie avec « Mitro Le Mitro », chanson en 7/8 de la région de Pirin, proche de la Macédoine et de la Grèce. Déjà enregistrée par le trio sur Devoïko et connue du public local, elle a été réarrangée pour l’Ensemble Plurielles et Gilles Chabenat de manière plus enlevée par Dimitar Gougov pour Ispaïtché, tout en gardant le rôle central de la gadulka. Les traditions musicales bulgares sont riches des musiques de ses frontières communes avec la Turquie, la Yougoslavie, la Grèce et la Roumanie qui en fait un creuset de musiques entre Orientales, Balkaniques, Tziganes ou Egéennes.

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Introduit par Nathalie Tavernier à la Keith Jarrett, ils poursuivent avec « Vidinsko Horo », air à danser de la ville de Vidin, sur les bords du Danube, au Nord–Ouest de la Bulgarie, proche de la frontière Roumaine. Le piano, plus en avant, a pris plus de place rythmique dans ce second album rappelant un peu le style du pianiste Bojan Z, ayant appris le répertoire au cours des années de scènes et de jeu collectif du groupe qui séparent les deux disques. La gadulka rappelle un peu dans ses aigues celles des violons tziganes.

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Quant au percussionniste Etienne Gruel, il joue du daf iranien et du bendir berbère (grands tambours sur cadre d’Afrique du Nord), usant également de leurs clochettes et d’une cymbale, et du tapan (grosse caisse de fanfare des Balkans) jouée debout et portée en bandoulière. .. Il joue également de la cajon sur laquelle il est assis, derrière ces grands tambours, d’où un effet de surprise confondant obtenu par un effet de battement entre l’intérieur du tambour et cette caisse de bois.

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Enfin, sur un des titres, il joua du zarb, derbouka iranienne, dont il a pu observer les leçons de Pablo Cueco, l’homme qui sortit cet instrument de la musique traditionnelle iranienne pour en faire un instrument de Jazz avec le clarinettiste Denis Colin. Il l’avait en effet invité à Strasbourg à la Citadelle avec Mirtha Pozzi (http://www.myspace.com/duomppc) et en solo pour le Festival Strasbourg Alsace Percussions qu’il organisa avec son ami le percussionniste d'influence Afro-cubaine Jimmy Braun, depuis Toulousain.

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Le titre éponyme du premier album de Boya, « Devoïko » (), histoire d’amour malheureuse, avait déjà inspiré au vidéaste Renaud Perrin un premier film d’animation, également projeté pendant ce titre, où le jeune homme au chapeau mou, parti au-delà des mers, retrouve en rêve sa bien-aimée puis revient au pays.

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Autre titre du premier album, « Aïdé Iano », classique serbe chanté avec de belles harmonies vocales par le trio, bien connu du public, est présenté avec humour par Dimitar Gougov comme l’ « histoire d’un couple dans la misère. Mais en Bulgarie, on se dit: "Puisqu’on a déjà tout perdu, autant faire la fête!".

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Après bien d’autres chansons des deux albums et « Vidinsko » en bis, ils furent applaudis par un public conquis.

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On a pu depuis revoir Dimitar Gougov à L’Artichaut puis au concert Zénith for Haïti avec Boya, mais aussi avec son autre trio, Les Violons Barbares avec le Mongol Enkh Jargal à un autre violon méconnu, la vielle Morin Khoor aux cordes de crinière de cheval et au Chant diphonique, amusant dans ses introductions et remerciements, et reprenant « Purple Haze » de Jimi Hendrix en chant diphonique, et Fabien Guyot, batteur plus urbain, Jazz et Rock habitué des batteries de cuisines et autres fûts... L’album des Violons Barbares devrait sortir en mai.

Jean Daniel BURKHARDT

samedi, janvier 2 2010

CongoppunQ : performance au Cheval Blanc

Après une pause avec Bumcello, le batteur Cyril Atef (Olympic Gramofon, M, Alain Bashung, l’ONB), présentait le 15 décembre CongopunQ au Cheval Blanc, son nouveau projet où il joue de la batterie des percussions, des samplers et claviers et du likembé (piano à pouces africain aussi appelé sanza) trafiqué électroniquement à la manière de Konono N°1 ou le Kasaï All Stars, dont il devient de fait l’un des pionniers en France pour le côté Congo, et qu’il considère comme des punks Africains, en duo avec le danseur et le performeur / décorateur d’intérieur Constantin Leu, alias Dr Kong, alias Oussama Jésus, phénomène barbu de deux mètres de haut né d’une mère Française et d’un père Roumain ayant fui le régime de Ceaucescu ... Ils ont déjà sorti le disqe "Candy Goddess" avec des invités sur Underdog Records, mais c'est sur scène, en duo, qu'il faut les voir.

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Dr Kong fait partie de « Musique post-bourgeoise » qui recherche de nouveaux lieux et de nouvelles formes de relations entre public et artistes visant à ce qu’ils ne fassent plus qu’un dans une sorte de happening. Frank Zappa avait fait des essais dans ce sens à ses débuts en jetant de la nourriture de la scène sur le public, l’invitant à faire l’amour sur scène dans la libération sexuelle des années 60s. Jim Morrison avait assisté à certains de ces happenings et rêvait de cette communion, d’une communion totale avec le public dans un acte collectif, mais le show-business et les Doors ne le lui permirent jamais, alors que lui dès l’album « Strange Days » ne voulait plus être cette idole sexuelle pour les femmes et révolutionnaire pour les hommes, mais changer le monde. Cette déception n’est peut-être pas étrangère à sa fin tragique. CongopunQ pose aussi ces questions, de manière plus légère et moins idéologique. Mais le public est-il prêt à sortir de son rôle passif pour entrer dans le spectacle?

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La couleur est donnée d’emblée par Cyril Atef, en pyjama afro et bonnet gnawa (comme au dernier concert de Bumcello en octobre, en fait) : « Vous êtes assis ? Notre but est de vous faire danser ! ». Il commence, comme nous sommes dans un lieu du Jazz, par une improvisation.

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Constantin Leu/ Dr Kong/Jésus Oussama arrive lentement, religieusement, sur les basses de la « Sanza Music is good for you », hip hop comique prêchant les bénéfices de l’instrument sur la sanza à peine saturée, au son encore très pur, armé d’un rouleau de film plastique, vêtu d’une peau de bête et masqué de rouge et chaussé sabots/babouches remontant en cornes de rhinocéros.

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Atef part en batucada sur la caisse claire et la cymbale que Kong approuve de tout son corps d’une transe immobile et convulsive, puis se cache sous sa peau de bête.

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Dr Kong se dévêt, s’extirpe de sa peau comme un serpent d’une ancienne mue morte, tape dans une percussion puis la remplit d’eau et la verse musicalement. Il intègre l’absurde électroménager ordinaire d’une panoplie d’accessoires détournés, rendus inutiles par l’art, dans sa danse post-moderne ou préhistorique.

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Cyril Atef entonne «New World Disorder », la chanson la plus engagée et actuelle de l’album, où Black Sitichi énonce par des vocaux hip hop les extrémistes de tous poils qui terrorisent nos informations et alimentent la paranoïa, la peur de l’autre, par le « désordre du nouveau monde » et sa paranoïa : chrétiens à nouveau nés, jihadistes islamistes, Zionistes constructeurs de murs, hérétiques sans foi..



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En plus de ses qualités d’improvisateur Cyril Atef, se révèle aussi dans CongopunQ, comme dans Bumcello, un efficace compositeur de chasons format pop accessibles au plus grand nombre.

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Soudain arrive un des spectateurs (habitué des concerts Jazz du Cheval Blanc) qui vient participer avec eux, se mettant une peau de lapin comme barbe postiche, et adoubé par dr Kong, devient le « nain de jardin» du spectacle. Tout cela était bien entendu improvisé.

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Alors que Cyril Atef continue de jouer, Dr Kong nous fait du café sur une petite plaque électrique , annonce « CAFFFFFFE » au micro d’Atef, le verse dans des verres et le distribue aux premiers rangs. La générosité fait partie du spectacle, comme un pied-de-nez à ces temps de crise, une alternative collective à l’égoïsme.

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Plus tard, Dr Kong retrouve son métier de décorateur d’intérieur : il amène des tuyaux de PVC et les assemble en un grand cube, qu’il entoure de plastique noir, tend des cordes à linge dans le public, invité à les fier aux poutres de la salle, puis y étend son linge.

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Cyril Atef rentre dans le cube, n’en laissant sortir que son visage au sourire lumineux et ironique, profondément humain et radieux d’un soleil intérieur de tolérance envers toutes les cultures, et ses bras aux mains jouant « Whirl & Sweat », un thème instrumental de l’album sur son likembé trafiqué/saturé, en tirant des sonorités inouïes qui en font de fait l’un des meilleurs spécialistes en France, dans la lignée de KonooN°1 et des Kasaï All Stars en Afrique. Il y avait un côté camisole de force aussi, peut-être involontaire, quoique CongopunQ et Cyril Atef sont de douces folies plus intéressantes que la raison ou ce qui est accepté comme tel !

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Soudain, revenu à la batterie, il invite le public à rentrer à son tour dans cette cage, cette boîte de nuit prévue à cet effet pour danser sur sa musique de plus en plus électro-transe mais avec des moyens naturels, si l’on excepte le sampleur et les likembés trafiqués, en tous cas joués avec un jeu naturel..

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Sur l’instrumental « Red Car Go », je suis donc rentré dans la cage avec les autres, certaines y enlevant leur pull, mais pas davantage (nous sommes hélas en 2009), et Dr Kong vint nous y visiter, nous offrant sa seule expression de joie souriante (naturelle) du concert (où il avait un regard d’un vide sidéral incarnant l’absurde et l’incompréhension face au monde environnant), avec une idée pour la suite : «après on balance la cage dans le public! ».

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Ce que nous fîmes, comme pour impliquer de force les derniers « assis » de la salle. Il faut dire que CongopunQ a plus l’habitude de se produire dans des lieux de concert et pour un public debout, dansant, hurlant et en transe, et que la sale du Cheval ne sy’y prêtait pas vraiment, ce qui constitua un défi pour le duo : LEVER ce public assis.

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Une seconde vague de spectateurs goûta donc aux charmes de la cage, revenue sur scène, et je trouvai dans le plastique de ses murs des vertus d’élasticité percussives qui furent hélas fatales à certaines de ses arêtes. Je ne crois pas de toute manière que le but de CongopunQ est de garder la cage, sa construction, ou celle d’une tente scénique, d’une yourte industrielle pour les réfugiés de la musique, faisant partie de la prestation de Dr Kong.

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Ceci n’empêchait pas les éléments de la première vague de dériver entre salle, scène et cage dans une joyeux sac, ressac et raz-de-marée désorganisé, ou de retourner dans la cage voir ce que les autres y faisaient.. Ne plus voir qui est le public, qui les artistes était le but de cette déroutante opération appliquant à l’art l’engagement Sartrien (ils auraient dû avoir CongopunQ au Tabou, vous imaginez un peu Juliette Gréco et Boris Vian dans la cage!).

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Sorti de la cage, j’ai été moi-même réquisitionné par Dr Kong alors que je croyais pouvoir regagner ma place sans participer davantage. Dr Kong m’assit donc sur un tabouret à ses côtés, gonfla un coussin d’aluminium, puis le jeta à terre, m’intimant du geste l’idée de l’écraser sous mon pied. A sa mine défaite et déconfite, j’ai d’ailleurs cru avoir mal compris... Puis il se coiffa dudit coussin et alla parader sur scène en St Nicolas galactique...

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La chanson « Invasion Cow-Boys» (Invasion des Cow Boys graisseux !) avec ses strophes rappelant parodiquement les Sisters Of Mercy, que je croyais comprendre comme une critique des hamburgers made in US, fut adaptée à la population locale en nous offrant les bretzels locales (gâteau salé alsacien créé par un pâtissier forcé sous peine de mort de créer un gâteau où l’empereur pourrait voir « se lever trois fois le soleil »), grâce à l’entrelacement tressé de ses branches). C’est peut-être le cholestérol, ces cow-boys graisseux nous guettant après les fêtes ou une parodie des régimes?.

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Dr Kong devint aussi un chien sur « Candy Goddess », qui donne son titre à leur album, hymne funky CongopunQien à une déesse en sucre à la manière de la dernière reine Bumcelliienne « Lychee Queen », attachant d’une chaîne un portrait de berger allemand à son cou et aboyant à sa manière.

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Le concert se termina en bis par « N’importe Quoi», leur plus grand tube «passé sur les radios et les télés » (radio la mienne, télé pourquoi pas, à coup sur le net !), techno parodique aux vocaux exultant les vertus du corps vibrant au refrain hymne à l’absurdité de CongopunQ repris par le public à corps et à cris puis vendirent leur disque entre 10 et 15 €uros à leurs concerts.... Allez voir CongopunQ : ce ne sera jamais deux fois pareil.

Jean Daniel BURKHARDT

mercredi, décembre 9 2009

MUAMMER KETEOGLU en concert , les Papyros’N et Les Tzigognes font l’ Histoire de L’Alsace à Strasbourg Méditerranée

Papyros__N_Ketncoglu_chante.jpgDimanche 22 novembre, le Festival Strasbourg Méditerranée proposait un concert du grand accordéoniste et chanteur aveugle Turc de Rebetiko Muammer Ketencoglu et son ensemble Zeybek. (en Turquie, les Zeybek étaient des bandits d’honneur, aussi appelés Effé réfugiés dans les montagnes d’Anatolie comme Memed Le Mince, héros de Yachar Kemal, dont il reste des danses, qui n’ont rien à voir avec le répertoire de l’orchestre (http://www.youtube.com/watch?v=VO1GfKlk2bo)) à la Cité De La Musique et de la Danse, puis un concert des Papyros’n invitant les Tzigognes de Jean-Claude Chojcan à la Salle Du Cercle de Bischheim.

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Le hasard des affinités musicales et de la programmation festivalière fait que, lorsque j’avais invité Monsieur Jean-Claude Chojcan, directeur musical et fondateur des Papyros’N et des Tzygognes dans mon émission « Terres Tribales » en octobre, il avait choisi en plus des extraits de leurs disques comme choix personnel un extrait de la compilation Sevdalinka Sarajevo Love Songs (parue chez Harmonia Mundi /Piranha) Sini jarko sa istoka sunce de…. Muammer Ketencoglu et son ensemble Zeybek, qui m’était alors inconnus, et alors qui nous ignorions tous deux qu’ils seraient programmés la même après-midi à un bout et à l’autre de la ville, ce qui malheureusement empêcha le second d’assister au concert du premier, étant en répétition !

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En plus de cette coïncidence théorique, quelle ne fut pas ma surprise encore d’entendre Muammer Ketencoglu commencer son concert par un Chant D’Amour Hongrois enregistré par les Papyros ‘N de Jean-Claude Chojcan dans leur formation la plus cosmopolite (Caroline Stenger violon, Ilona Kobalian flûte, le guitariste manouche Engé Helmstetter et son clarinettiste Fabrice Lauer et le contrebassiste de Jazz Gérald Muller, et le futur accordéoniste de Malétès Yves Bèraud) comme entrée en matière de leur premier disque « Eastern Ballades II (le premier étant un duo de guitares avec Pierre Grunert), comme pour confirmer mes théories ou évoquer les Papyros’N malgré l’absence de leur leader! Les musiques et les répertoires voyagent, et parfois se rejoignent miraculeusement dans un au-delà des frontières (titre du second disque des Papyros’N) qui appartient aux musiciens en ce que Joyce appelait une épiphanie, comme un clind’œil inconscient et musical de Ketencoglu à Chojcan.

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Après cette surprise, évidemment le répertoire de Ketencoglu et son ensemble Zeybek est le Rebetiko Grec ou Turc venu des Tavernes d’Izmir, interprété par lui-même comme accordéoniste (avec parfois des traits Tziganes dans le feu de l’improvisation) et chanteur d’une belle voix Turque allongeant les voyelles avec émotion et force, une chanteuse Grecque et une Turque, un darboukiste, un oudiste dans un rôle rythmique et un violoniste, dans une idée de réconciliation festive entre les deux communautés (les Grecs ayant fait partie de l’empire Ottoman Turc) et invita d’ailleurs le public à taper dans les mains et à danser si la place le lui permettait.

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Dans ce répertoire qui m’était inconnu, les chansons d’amour Rebetiko mélancoliques succédaient aux airs de danse de mariages grecs et turcs plus gais et rythmés, parfois dans le même titre, comme si par une mise en abyme d’une chanson intégrée dans le canevas d’une autre, rappelant les longues suites de la musique classique de cour Ottomane héritées des noubas (style musical avant de devenir synonyme de fête) arabo-andalouses censées rythmer la vie du palais et correspondre aux différentes heures de la journée. On retrouve encore ces structures dans les musiques d’Azerbaïdjan des populations Turcophones des anciennes Républiques Soviétiques comme Alem Qasimov.

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A 17 heures, on pouvait entendre les Papyros’n, Jean Claude Chojcan invitant la relève des Tzygognes (élèves de ce guitariste enseignant (), du nom de nos chères Cigognes et des Tziganes des musiques), invités par l’Association Ballade à un projet ambitieux : l’histoire de l’Alsace à travers les musiques évoquant les populations qui y passèrent/résidèrent : le Mur Païen du Mont St Odile nous vient des Celtes, le chou de la choucroute des Huns d’Attila, Gutemberg inventeur Strasbourgeois de l’imprimerie était un juif espagnol et le compositeur de valses Waldteufel un juif de Bischeim, rappelle l’écran…

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Cela me fait penser à une caricature parue dans un journal lorsque j’étais étudiant : un Alsacien en costume traditionnel s’y vantait d’être « d’une famille 100 % alsacienne » en montrant une galerie de portraits d’ancêtres Celtes, Huns, Suèdois, Allemands…

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Les Papyros’N sont les plus qualifiés pour ce projet, car la formation de Chojcan mélange depuis toujours les musiques balkaniques, Irlandaises, Tziganes et ont joué à Sarajevo et en Yougoslavie... Papyros'N et Tzigognes ont d'ailleurs adopté chacun à sa manière le style tzigane, en robe, foulard colorés, chapeau pour Chojcan ou ron de Charlot et nez rouge de grippe A pour l'un des deux jumeaux au violon.

Ils commencent par « Nishka Banja », paru sur le disque des « Tzygognes » «Musiques Traditionnelles d’Europe », air de Serbie, du nom d’ une des villes de bains turcs que les Turcs y érigèrent pendant l’occupation Ottomane, sur la bonne contrebasse d’Isabelle et la derbouka, où s’envolent les violons menés par la rousse Romane.

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L’Alsace Celtique (de 800 à 50 avant JC), dont reste encore le Mur Païen du mont St Odile et où l’emplacement de la Cathédrale était déjà un lieu de culte, est évoquée par deux airs irlandais interprétés par les Papyros’N sur leur disque Esatern Ballades III : Au-delà Des Frontières, territoire où ils mêlaient la musique Irlandaise à celle des Bulgarie dans Grankino Horo, des Balkans ou Amour de Dieu. Les Papyros’n ont d’ailleurs participe au Summerlied en 2008, où René Eglès tente de faire valoir nos origines Celtes.

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Suit un autre mélange Caucasien traité à l’ Irlandaise, Chamil, thème du Caucase dédié à cet imam résistant Caucasien, grand général de l’armée du czar Nicolas Ier, thème encore très connu en Turquie, et repris par les Papyros’N dans le même disque, pour évoquer les Grandes Invasions de nomades dont l’Alsace fut victime après la Paix Romaine du Vème au VIIIème siècle de notre ère, notamment par les Huns qui nous laissèrent le chou bouilli de notre choucroute. Là encore, au-delà des montagnes, on croit sentir dans les violons l’air marin de le la mer d’Irlande chatouiller nos narines, nos oreilles et nos jambes de ses gigues.

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La période de prospérité (du IXème au XIIIème siècle) de l’Alsace Germanique et des villes libres (comme Strasbourg) fut évoquée par une chanson en yiddisch chantée par Diane Caussade, D’r Maie, et le commerce international florissant, et les horizons lointains du commerce florissant par « Misirlou » thème de rebétiko Grec de Michalis Patrinos de 1927 passé par la danse arabe, et par le Rock des années 60s avec Dick Dale, remise au goût du jour par Pulp Fiction. Le répertoire Grec est une nouveauté chez les Papyros’N, depuis leur dernier album LAISSEZ PASSER (parce que les douanes et passeports énervent Jean-Claude Chojcan à chacun de ses passages vers la Yougoslavie).

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Les Malheurs revinrent au XV-XVIème siècle, avec les guerres Religion, l’Alsace étant Protestante, on envoya des soldats Suédois (évoqués par une Valse Suédoise) pendant la guerre de Trente ans, puis des français pour les déloger...

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Jean-Claude Chojcan précise que ces intolérances historiques, ethniques ou religieuses, devraient nous enseigner la tolérance envers toutes les cultures et religions, au moment où l’on parle d’Identité Nationale, quid de l’identité humaine ? Le nom de l’orchestre vient de Papirosen (papier à cigarettes en yiddisch), un tango juif désespéré du ghetto juif de Varsovie, que l’orchestre reprend beaucoup plus gaiement sur Eastern Ballads III «Au –delà des Frontières », mais orthographié avec l’y de Papyrus symbolisant la partition. Cet humanisme rajoute encore à la portée musicale et au mélange musical.

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Suit le gai Chant D’Amour des bergers de Roumanie (celui-là même qui ouvrait le premier disque Eastern Ballades II des Papyros’N et par lequel Ketenoglu avait commencé son set) joué un peu à l’Irlandaise dans la reprise accélérée par les violons et flûtes (Adeline Dillenseger, Clara Weill et Adeline), qui fait crier avec les musiciens et taper des mains le public.

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En 1648, l’Alsace devint Française par le Traité de Westphalie, puis connaît la Révolution Française en 1789, et Rouget De Lisle chanta sa « Marseillaise », notre futur hymne national, pour la première fois à l’Hôtel De Ville de Strasbourg. En 1792 fut créé le Conservatoire de Paris, puis l’Alsace devint comme la France Napoléonienne, et sa jeunesse subit les recrutements de l’Empereur pour ses campagnes, fournissant aussi à sa gloire 70 généraux qui donnent encore leurs nom à certains lieux de Strasbourg, comme la Place Kleber. Ces recrutements sont évoqués musicalement par des Danses de Recrutement tziganes extraites d’Eastern Ballads III Laissez-Passer, le dernier disque des Papyros’N. La musique de ces danses, les vins et les filles aidaient au recrutement des soldats. Le violon et la clarinette (Alice), lentes puis la contrebasse et l’accordéon (une autre Romane et Camille), d’abord lents, accélèrent soudain le tempo de cette danse pas si gaie à cause du périlleux départ à la guerre, mais qui l’est quand même pour donner envie, sur la guitare de Chojcan. La troisième est marquée du talon et du pied sur la scène par les musiciens. La joie des élèves Tzygognes et des Papyros’N plus âgés à jouer ensemble fait en tous cas plaisir à voir, dans une saine émulation et avec un jeu d’ensemble de qualité où chacun (e) trouve sa place, a sa minute de gloire par un solo.

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En 1870, après la bataille de Reichshoffen, l’Alsace redevient Allemande, pour une période de prospérité (malgré l’exil de 50 000 alsaciens), c’est une période de prospérité économique et de richesse architecturale car Strasbourg est la « vitrine » de l4allemagne contre la France, dont reste le Palais Universitaire, entre autres bâtiments. Dans une famille juive de Bischheim, naît Emile Waldteufel, qui va étudier à Paris et finira Directeur de la Musique et de la Danse de Napoléon III et de l’Opéra de Paris et compositeur de plusieurs valses, très prisées de la Reine Victoria. Si beaucoup d’entre elles sont oubliées, Amour et Printemps (Liebe und Frühling), qu’interpréta l’orchestre, reste dans les oreilles modernes par une publicité d’Assurances célèbre où elle évoquait le temps et la vie qui passe, d’abord lente, puis de plus en plus dansante, sur fond de portraits XIXème enrubannés..

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La critique de la Première Guerre Mondiale (1914-1918) passe par une chanson plus tardive, mais qui pourrait être d’époque, et fut censurée dans les années 50s lors des guerres Coloniales d’Indochine et d’Algérie : Le Tango des Joyeux Bouchers de Boris Vian, chanté Diane Caussade avec une véritable gouaille parisienne, d’abord lent, puis de plus en plus rapide sur les percussions martiales de Romain Schieber et Alexis par charges amusantes et efficaces et tous en cœur pour le final « Tiens Voilà du boudin ».

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L’Alsace redevient Française dans l’entre-deux-guerres, puis sera annexée par Hitler en 1939, Strasbourg évacué. Les Tziganes, comme les Juifs, furent victimes de l’extermination, représentés par un Chant Gitan de ces « nomades oubliés de notre nouvelle Europe » précise Chojcan, à la mode d’Au-delà des Frontières, mais chanté par Clara Weil, flûtiste des Tzygognes (qui n’a pas dû être facile à apprendre, vu la complexité de cette langue très éloignée de la nôtre) avec le saxophone alto déjà Balkanique à la Lourau de Jean-Baptiste Juszsczak sur le fond des autres musiciens.

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La fille de Jean-Claude Chojcan monte sur scène avec une amie pour jouer sur une étrange flûte balkanique plate la vapeur dans Le Train de 7 h 43 (thème klezmer que les juifs jouaient dans l’entre-deux guerre en attendant le premier train de la gare de Varsovie, qui a donné le nom d’une fanfare locale : Le train de 7 h 45, à deux minutes près) (http://www.youtube.com/watch?v=0K1HkS5QZHI ), en souvenir des juifs Polonais massacrés, de toute cette joie de vivre du shtetl anéantie dans le ghetto de Varsovie D’abord très lent, le thème s’emballe avec l’arrivée joyeuse du train et le jeu collectif.

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L’Alsace redevient Française à la Libération en 1945, et est maintenant une capitale Européenne avec son Parlement européen, mais sommes-nous toujours à la hauteur de cette histoire, de cette tolérance ? Pour évoquer les tracasseries douanières aux frontières, ils terminent par Les P’tits Papiers de Serge Gainsbourg pour Régine, qui ne pensait pas aux Sans-papiers déjà modernisé par Christophe Burger, chanté par Clara Weil avec cette fois une gouaille toute française.

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Pour le bis, ils terminent par une « Danse Roumaine ».

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Longue vie et carrière aux Papyros’N et Tzygognes. Les groupes de Jean-Claude Chojcan restent, par contrainte d’abord, à personnel très changeant, mais il a fini par y trouver une façon de faire originale et nomade, unique dans la région, entre enseignement et renouvellement permanent pour alimenter les meilleurs groupes de la région (Zakouska, Bal Pygmée, qui seront à La Laiterie le vendredi 18 décembre avec Karpatt).

Jean Daniel BURKHARDT

Pour l'avenir, les concerts des Papyros'N -Concert avec chorale à Bouxwiller(38mn de Strasbourg) dimanche 13 décembre 18h -Concert avec chorale à Dossenheim/Zinsel (41mn de Strasbourg) Samedi 19 décembre à 20h

Et l'année prochaine: -Enregistrement du prochain CD « BalsiKa » Papyros’N- Les Tzygognes et les musiciens de Tuzla 16-17 janvier et 6-8 février au Studio Downtown à Strasbourg ET SURTOUT EN JANVIER, LORS DE LA QUINZAINE "BALADE DANS LES BALKANS " À HAGUENAU FAISANT SUITE À DES ACTIONS PÉDAGOGIQUES DE JEAN-CLAUDE ET DES PAPYROS'N À L'ÉCOLE DE MUSIQUE DE HAGUENAU ET DANS DES ÉCOLES PRIMAIRES DE LA VILLE •Concert Papyros’N-Balsika (grand-orchestra 20musiciens): MUSICIENS D'ALSACE ET DE BOSNIE Vendredi 22 janvier à 20h Salle de la Douane à Haguenau (concert avec entracte) •Heure de musique à la Médiathèque de Haguenau(musiques poèmes des Balkans projections d’images) samedi 23 janvier 15-16h30 •Animation musicale avec les élèves du Conservatoire et les élèves de l’école de musique de Haguenau Dimanche 24 janvier 15h30-17h Musée Historique Chapelle •Animation dans divers lieux de Haguenau Salle du Corbeau(Douane)- Chapelle des Annonciades Samedi 30 janvier de 15h-18h30 (15 musiciens+élèves école musique de Haguenau)

mercredi, novembre 25 2009

Electrik GEM & Fanfaraï ouvrent le Festival Strasbourg Méditerranée

Samedi 21 novembre dernier, le 6ème Festival Strasbourg Méditerranée s’ouvrait à Strasbourg par un concert de l’Electrik GEM à l’Auditorium de la Cité De La Musique et de La Danse.

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L’Electrik GEM s’est créé au festival Strasbourg Méditerranée il y a deux ans à partir du Grand Ensemble de la Méditerranée qui réunit des musiciens de plusieurs formations de l’Assoce Pikante qui pimente la scène locale de parfums d’ailleurs: Dimitar Gougov à la gadulka (vièle bulgare) de Boya et des Violons Barbares, Lior Blindermann (oud), Yves Béraud (accordéon) et Etienne Gruel (percussions) de Maliétès, en concert jeudi 26 novembre avec Gastibelza à la Salle de la Bourse et le samedi 28 novembre au Préo d’Oberhausbergen, Grégory Dargent (oud, guitare), Jean-Louis Marchand (clarinettes) et Fabien Guyot (qu'on a connu spécialiste des batteries et casseroles de cuisine au Troc Café) de l’Hijâz Car et de Nicolas Beck.

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Pour se donner une dimension plus Rock, Grégory Dargent est passé à la guitare électrique (à laquelle il accompagne Babx), et ils ont ajouté la folie de Jean Lucas (trombone libre) de La Poche a Sons entre autres, le Rock de Vincent Posty (basse électrique) de Zakarya entre autres, Fred Guérin à la batterie et de trois chanteuses Awena Burgess, Christine Clément (Ionah, Polaroïd 4, To Catch A Crab) et Sandrine Monlezun, bref un all-star de joyaux issus de ce qui se fait de mieux dans la région en Musiques Traditionnelles, réuni dans l'écrin et l'éclat électrique d'un projet très original.

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Ils présentaient ce soir-là leur projet « Radiopolis », dont le titre éponyme ouvrait et fermait, avec plus d’énergie encore, ce concert, et pour lequel ils ont lancé des souscriptions pour un disque à paraître. Bref, une musique alliant l’authenticité traditionnelle des voix et sonorités acoustiques, mais aussi urbaine et Rock, comme une radio des villes mondiales en hommage à l’Alexandrie cosmopolite, dépassant les clichés sur les Musiques Traditionnelles de manière décoiffante et excitante où chacun trouve sa place et se ressource en un maelstrom d’énergie débridée : sur les cordes pincées de l’oud de Lior Blindermann et frottées de l’archet de Dimitar Gougov et les percussions ethniques d’Etienne Gruel et contemporaines de Fabien Guyot, le trombone de Jean Lucas ajoute son souffle gueulard et sa puissance à la clarinette volubile, Vincent Posty son attitude Rock poussant Grégory Dargent et Fred Guérin et ses roulements au crime, les chanteuses ajoutant leurs voix douces d’abord, puis de plus en plus aïgues et fortes à chaque reprise vocale dans une transe entêtante et irrésistible.

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Les musiques traditionnelles ont aussi leur place dans leur répertoire, qu'ils échangent gaiement : des envolées tziganes de cavalerie, un rébetiko grec pur jus (Blues des tavernes grecques, spécialité de Maliétès avec son pendant Grec) chanté par Yves Béraud d’une belle et forte voix, un chant polyphonique Bulgare (dont Dimitar Gougov dirige une chorale) par les chanteuses en bis.

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On put ensuite finir la soirée, emporté par la fanfare Fanfaraï () aux chèches multicolores et au soprano free jusqu’à la Salle De La Bourse et danser sur des airs arabes de raï de Khaled, Cheikha Reimitti, Rachid Taha, gnawas, latins, balkaniques ou autres, connus ou non, toujours festifs, aussi bigarrés que leurs costumes et d’une modernité fervente dépassant les genres en les respectant, pour le plus grand plaisir des danseuses du ventre et des danseurs d’ici ou d’ailleurs jusqu’ à près de mi(lle et une)nuit .

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Le festival se poursuit jusqu’au 5 décembre dans les salles Strasbourgeoises avec concerts, contes, expositions, débats, et j’en passe.

Jean Daniel BURKHARDT

mercredi, octobre 21 2009

La Minor, Yom et le Koçani Orkestar terminent les Nuits Européennes par une grande soirée festive à Schiltigheim

Pour cette dernière soirée des Nuits Européennes 2009, on put entendre, lors d’une grande soirée festive, le groupe Russe de St Petersrbourg La Minor le « Nouveau Roi de la clarinette Klezmer » Yom, et la fanfare Macédonienne le Koçani Orkestar.

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La Minor est un groupe de Chansons des Rue, Cabaret et Chanson de Rues Jazy de St-Petersbourg, ville de Russie avec laquelle « Les Nuits Européennes ont tissé au fil des années un partenariat privilégié, y envoyant se produire le groupe Strasbourgeois signé par le label Tzadik de John Zorn Zakarya avant le festival et amenant La Minor à Strasbourg.

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Le chanteur Slava Shalygin a tout le charisme russe, entre mélancolie slave et invitation festive digne des boyards. Le saxophoniste Igor Boystov le suit tant pour vous fendre l’âme par une ballade que pour vous faire danser Jazz sur un standard New Orleans Russisé, ou partir en ska à la Madness, tandis que Sanja Ezhov à l’accordéon chromatique biélorusse (appelé bayan) est le garant du désespoir des marins russes, alors que Vassily Telegin offre un soutien solide à la contrebasse, que Voya Uspensky (guitare et banjo) ajoute une touche de jazz manouche façon balalaïka et et que Zhejna Bobrov à la batterie est à l’aise tant en rythmique qu’en solos.

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Comparé à Billy’s Band, invité pétersbourgeois des deux précédents festivals, imitateurs de Tom Waits à la Russe, je dirais que La Minor se rapproche plus de l’idée qu’on peut se faire à la base d’un groupe de cabaret Russe dans nos fantasmes. La touche qui sort de la seule Russie avec des velléités de passage à l’Ouest chez eux serait plutôt la furie du Jazz à l’ancienne qui les emporte de St Petersbourg à New Orleans, York ou Kingston via Chicago … Une bonne mise en bouche, festive et alléchante pour la suite…

En deuxième partie, on pouvait entendre Yom, qui s’est autoproclamé « Le Nouveau Roi De La Clarinette Klezmer », en hommage au premier Roi de la Clarinette Klezmer, NaftuleBrandwein (1889-1963), né en Ukraine, il en gardait des influences Grecques, Turques et Tziganes, et devint aux Etats –Unis la première star de la musique klezmer au temps du 78 tours. L’homme se produisait dans les années 20s avec autour du cou des néons rouges rappelant son nom, et jouait parfois pour le syndicat du Crime!

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Mais en ces temps d’ersatz et de contrefaçons musicales si souvent décevants une fois ouvert l’emballage prometteur, son titre n’est pas usurpé, d’abord parce que l’album de Yom «New King Of Klezmer Clarinet » joue, à une composition personnelle près, celles de Brandwein, ensuite parce qu’il les joue dans le respect de leur style original tant au disque que sur scène, accompagné d’une formation de jeunes musiciens équivalente avec Denis Cuniot (piano), plutôt classique ou jazz, et les frères Giffart, Alexandre au tapan (grosse caisse de fanfare balkanique) surpuissant et fidèle au style Balkanique, citant « Mesecina » de Goran Bregoviç et Benoît au tuba et trombone hurlant dans les aigus, dans l’énergie mais toujours dans la musicalité. Pour la mégalomanie du personnage, il se montre sur le disque sur un trône habillé de rouge, couronne sur la tête et lunettes de soleil, brandissant sa clarinette et sceptre sur les genoux, mais se produit vêtu d’une tunique noire à l’ancienne.

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Mais le JEU, lui ne trompe pas, Yom n’a pas volé sa couronne, et ne l’a pas obtenue par filiation lointaine, si respectueuse fût-elle, mais la défend bec et ongle sur scène. C’est bien le plus grand clarinettiste Klezmer que j’aie jamais vu jouer, des aigus perçants aux descentes vertigineuses, des notes tenues sur la longueur jusqu’au cri strident, ultime, mais toujours musical aux arrêts brusques ménageant la surprise.

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Il se montra plus sensible dans un duo mélancolique avec le pianiste, proche à un autre moment du Louis Sclavis de « Clarinettes » dans les basses d’un de ses solos puis repartit sur des rythmes plus fous encore.

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Certes David Krakauer, à sa place l’année passée, a modernisé le klezmer par l’énergie du rock et les interventions de Socalled le langage du Hip Hop, mais il n’a plus cette fougue conquérante, ayant déjà fait ses preuves, et rien ne vaudra jamais l’émotion d’un retour aux sources, aux origines de ces musiques par ces jeunes musiciens vraiment fidèles à son esprit, et l’émotion de voir le public aussi jeune qu’eux réagir à cette musique comme à un mariage juif universel, dansant, tournoyant, sautant en l’air, se prenant dans les bras, et l’ami Laurent Danzo en la plaza poussant son cri de mégaphone amplifié de ces mains comme une corne de brume….

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Bref, Yom et son groupe montrèrent que l’on pouvait allier respect de la tradition et du répertoire, folie du jeu avec un impact public maximum. Et ça rassure!

Enfin, la fin de soirée fut assurée par le Koçani Orkestar, fanfare Macédonenne de Koçani (), et la première à avoir rencontré le succès international grâce au « Temps Des Gitans » d’Emir Kusturica en 1997 avec « Kustino Oro », puis sortit « L’Orient Est Rouge », produit par le même producteur que le Taraf Des Haïdouks () Stéphane Karo et Michel Winter.

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Mais en 1999, le trompettiste leader Naat Veliov (http://www.youtube.com/watch?v=kvNc4xoQzW8 ) vendit leur nouvel album « Gipsy Mambo » au label turc Dunya sans consulter les autres, d’où la rupture car ils refusent de jouer avec une boîte à rythme.

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La scission des plus jeunes du Koçani Orkestar a donc abouti, étonnement, à un retour au style traditionnel avec l’arrivée du chanteur Ajnur Azivov, auquel ses cheveux longs donnent l’air d’un Indien d’Amérique du Sud (certains « cueilleurs », aux temps préhistoriques, ancêtres des turco-mongols, passèrent le détroit de Behring et s’installèrent en Amérique, d’où parfois cette ressemblance frappante, et la structure très proche des yourtes et des tipis) et chante admirablement, tant dans le festif que dans l’émotion, avec des prolongements extraordinaires des notes dans ballades, qui évoluaient parfois vers une atmosphère plus rythmée, mais laissa aussi la fanfare s’exprimer sans lui.

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Outre les cuivres, les anches et le tapan, l’accordéoniste fit sortir des chants d’oiseaux jusqu’au bout des touches du clavier dans le parfait styles des banquets de mariages tzigane roumains.

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Après les titres de leur album « The Ravished Bride », ils interprétèrent quelques succès de Goran Bregoviç pour Emir Kusturica dans «le Temps Des Gitans » comme « Borino Oro » ou « Underground », comme « L’Alouette » Roumaine, morceau de bravoure des violonistes Tziganes, modernisé en thème de fanfare militaire sous le nom de « Kalaçnikov » entrecoupée d’éclats de voix à la gloire des Tziganes, et « Meseçina » et même « Hava Naguila ».

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Ils reprirent ensuite pour le Bis leur rôle de fanfare au sens le plus ambulatoire du terme, descendant de la scène au cœur du public en délire, puis finirent par l’entraîner hors de la salle, jusque dans le hall de la Salle des Fêtes de Schiltigheim, sur «Moliendo Café » du Vénézuélien Hugo Blanco passé dans la Salsa. Mais ils firent toujours des emprunts aux musiques non-tziganes ou Macédoniennes avec succès, et on se souvient de leur extraordinaire version du Nyabinghi Jamaïcain « Oh Carolina » de Count Ossie & The Mystic Revelation of Rastafari, futurs Skatalites après mais plus authentiquement que Shaggy

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Bref, une soirée festive et riche en talent et en surprises pour terminer ce festival.

Jean Daniel BURKHARDT

vendredi, octobre 16 2009

Mélissa Laveaux et Aronas : Les Nuits Européennes au-delà des mers

« Les Nuits Européennes » nous emmenaient jeudi soir 14 octobre bien au-delà de l’Europe et des mers, en présentant à la Salle Du Cercle de Bischheim la chanteuse et guitariste de Blues Haïtienne vivant au Canada Mélissa Laveaux et le trio du pianiste Néo -Zélandais Aron Ottignon Aronas.

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Mélissa La veaux est une chanteuse de Blues Canadienne d’origine Haïtienne qui est devenue la sensation de la scène Folk Blues Parisienne du Trabendo.

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Elle est accompagnée de Mano, contrebassiste joliment fredonnant en seconde voix et du batteur et percussionniste Sébastien Lété.

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Elle a sorti après de nombreuses scènes son premier album « Camphor & Cooper » (le camphre et le cuivre, deux thérapeutiques avec parcimonie, dangereux à forte dose, qui ont le même charme insidieux que sa voix et sa musique, à consommer sans modération).

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Extraordinaire guitariste de Blues skiffle, elle se dit d’ailleurs « amoureuse de ses guitares » pour introduire la chanson « My Boat », qu’elle lui dédie, la comparant à un bateau dans lequel «elle rêve de long en large».

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Elle chante d’une voix sensuelle, parfois enfantine, puis profonde en anglais, français (magnifique « Chère Trahison » ou « Koudlo » «C’est un coup de pied dans le ventre, …obligée d’expirer les chagrins …Je te déchirerai la langue ») , : et Créole, semblant parfois mêler les deux dans des expressions à syntaxes anciennes entre insulaires et cajuns qui nous semblent savoureuses et poétiques (« C’est un où qu’on aille »), même si l’on en comprend qu’un mot de temps en temps, devinant le reste. C’est un peu l’exotisme Haïtien Et Canadien qu’on trouve réunis en elle, un Créole d’Outre-Mer sur la guitare Blues très authentique et parfois des rythmes un peu Bayou.

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Du folklore Créole, elle reprit une Berçeuse Créole Haïtienne trouvée sur un vinyle de Marianne Jean-Claude après l’avoir entendu au Canada dans l’émission enfantine « Passe-Partout », disant à un enfant que «s’il ne se couche pas, des crabes vont venir manger ses parents », et ajoute, ironique, « maintenant, y’a pire que les crabes en Haïti et pas qu’en Haïti ».

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Elle reprit aussi «Evil » (démoniaque) du répertoire sa première idole Eartha Kitt (décédée le 25 décembre 2008), composée comme une allégorie de la chanteuse sorte de Screamin’ Jay Hawkins au féminin (mais ça fait plus peur au féminin) à la voix acidulée et à la présence extraordinaire, qualifiée « La femme la plus excitante du monde » par Orson Welles qui en fit son Hélène de Troie

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En seconde partie, on pouvait entendre Aronas, quartet Anglais du pianiste Néo-Zélandais Aron Ottignon avec Nick Fyffe à la basse électrique carrément funky et deux noirs, Jerry Brown à la batterie, trio enrichi de Samuel Dubois aux percussions caribéennes (où se retrouvaient une batterie et quelques toms brésiliens, quelques rondins caraïbes frappés transversalement, (merci à Axelle pour ces précisions en cmmentaire) ET, ce qui est plus rare -je crois n’en avoir jamais vus en vrai-, deux steel-bands originaires de Trinidad, sculptés dans des fonds de bidons d’essence depuis 1945, faute d’instrument sur l’île pour fêter la victoire alliée), qui n’ont jamais joué musique si moderne, utilisé, pour le steel band, presque comme un fender rhodes pour donner plus d’harmonies.

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Ils ont déjà sorti « Culture Tunnels», leur premier album.

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Ils définissent leur musique comme du « Jazz+Punk+Dance ».

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Le Jazz, indubitablement, est la base du répertoire de leur musique: on reconnaîtra un peu des Gymnopédies de Satie, ou le début de « What I’d Say » de Ray Charles dans « Hot Tub », ralenti, décomposé, puis hystérique, partant rencontrer le Coltrane d’« A Love Supreme », sur la plage du carnaval steel band, et reste la base aussi de la technique pianistique d’Aron Ottignon, de ses montées - descentes époustouflantes stride d’ « Happy Song » mais du Jazz il semble n’avoir pris que les crêtes d’intensité et les moyens d’y parvenir, appliquées à d’autres musique.

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Le punk est surtout dans l’attitude iconoclaste, l’envie de bousculer le Jazz, le look (Aron Ottignon arrive en veste fluo rose et verte sur un t-shirt de femme nue), avec des lunettes de soleil aux montures camouflage léopard camouflage et porte une crête frisée sur son crâne rasé, le bassiste a les cheveux longs et une barbe et fêta son anniversaire sur scène avec un bouteille de Vodka Absolut, et ils boivent de la bière. Peut-être les punk rigolos quand ils dansent leur danse « Starfish » (comme un étoile de mer allongée sur le sol), le bassiste jouant même couché sur le dos, invitant le public à faire de même!

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Et cette modernité est issue uniquement de leur jeu live, deleur mise en place et de leur énergie propre, SANS EFFET ELECTRONIQUE AUCUN, simplement chacun amène sa touche Jazz, Funk ou Trad à propos pour un bonne mise en place pour amener l’ensemble à une intensité rare dans le Jazz.

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Et quand le public se lève irrésistiblement pour danser devant la scène commence la troisième dimension « Dance» de leur musique, reprenant des chansons connues, mais utilisant juste une intro de trois notes de «Tainted Love » de Gloria Jones encore plus modernisé que par Soft Cell de l’inconscient collectif, réduit à un reiff et la répétant en remix live acoustique sur la basse disco funky jusqu’à la transe, si bien qu’à la fin on se croirait dans une discothèque intelligente quand ils font monter la jeunesse sur scène.

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Justement, il faudrait remplacer la techno inculte par des musiques de ce genre, vivantes, ancrées dans une tradition, remettant au goût du jour les traditions percussives qui ont fait danser le monde, mais modernes et intenses.

Jean Daniel BURKHARDT

mercredi, octobre 14 2009

Suite de la Saison de la turquie aux Nuits Européennes : Gevende et Ilhan Ersahin invitant Erik Truffaz au TNS

Pour cette seconde soirée de la Saison de la Turquie en France des le festival Les Nuits Européennes invitait le groupe Stambouliote Gevende et le saxophoniste Stambouliote, mais vivant à New York, Ilhan Ersahin invitait le grand trompettiste Suisse Erik Truffaz à ses « Istanbul Sessions », une exclusivité "Nuits Européennes 2009" qui n'a fait qu'une date à Paris et reprendra ses concerts en 2010.

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Gevende (http://www.myspace.com/gevende) est un jeune groupe rock-psyché-folk Turc formé d’Ahmet K. Bilgic (chant, guitare), d’ Omer Oztuyen (violon), d’Okan Kaya (basse électrique et chœurs), de Gokce Gurcay (batterie) et de Serkan Ciftci (trompette) et ont été influencés par leurs voyages en Inde, en Iran et au Népal.

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Le chanteur commence d’une voix très douce sur les percussions élastiques de la batterie, avec basse, violon et trompette presque sourds dans leurs échos en fond sonore. Soudain la basse se fait plus Jazz-Rock et l’archet du violon plus sonore en pizzicato, soutenant la spiritualité de ce chant spirituel et intime, et la trompette finit par jouer très doucement.

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Le guitariste actionne un sample ou une boîte à musique de l’hymne national Turc en introduction au second titre. Cette fois le chant plus rageur est scandé, rythmé sur la batterie par le chanteur avec des dons de comédien certain, où ses mains, ses poings, suivent les mots de son chant, même si on ne comprend pas les paroles. Soudain il sort de sa guitare un éclat de rire – déflagration, suivi par le violon. Le chant monte en intensité jusqu’au cri, suivi d’un bon solo de basse psyché sur les cymbales pendant cette déflagration rock de la guitare en écho, puis la soutenant, comme le solo de violon baroque sur la cymbale et enfin la trompette à la Truffaz, bleutée, ouatée, poétique, comme étouffée. Le violon termine sur la batterie martiale, et ils finissent tous de concert.

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Enfin quelques explications du chanteur, en anglais : «C’est notre 8ème ou 9éme fois France, la première fois dans un théâtre. Nous venons d’Istanbul, pas de Turquie, et ce que nous chantons n’est pas du Turc mais une langue improvisée par nos émotions ». Ils ont indubitablement les qualités d’inventivité individuelle et de jeu collectif de groupes Rock-Jazz comme Rocking-Chair, en plus traditionnel.

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Suit une belle valse par le violon aux trilles classiques et dramatiques sur la basse et trompette, puis un solo de la guitare partant d’un larsen aigu maîtrisé par le slide et évoluant en psyché 70ies sur la basse rock mais très musicale. La guitare se mêle à la basse en un cri de souffrance à l’unisson, une clameur rythmée, reprise au vol part la trompette dans un solo tragique s’incurvant de plus en plus vers le cri. La basse donne une mélodie aux frottements dramatiques du violon sur la cymbale musicale, la guitare arrête le tout brusquement d’un break, et la batterie reprend en dub. La guitare reprend en grattant les cordes, puis le violon et la trompette assourdissent la fin en silence. Sur ce morceau-là, il y avait vraiment une progression dramatique très forte.

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La chanson suivante, « Nayu », utilisée dans un dessin animé de Denizcan Yuzgul et Burcu Urgut offre un bon exemple de cette langue imaginaire improvisée sur une superbe partition. On dirait de l’indien, mais avec une technique gutturale turque. Peut-être le fantasme, l’idée qu’on pourrait se faire de l’indien sans le connaître ni le comprendre, une idée de l’Inde, une impression, une émotion, un rêve d’Inde. La voix s’envole, puis chute, dans le nœud mélodique formé par la violon et la trompette, puis s’assourdit jusqu’au silence. Mais peut-on vraiment improviser ainsi une langue inconnue, oublier les langues sues et connues et leur sens pour leur substituer un autre sens d’émotion mélodique pure, et serait-elle, alors, universellement émouvante?

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Finalement, ils ne sont pas complètement hors du monde, dans une « Music From Neverland » (titre de leur album : »Musique du Pays où l’on n’arrive Jamais», d’un pays Imaginaire de Peter Pan et Michael Jackson), puisqu’ils reprennent AUSSI un thème traditionnel Pakistanais, où ils ont voyagé comme en Inde, en Iran, au Népal, sur une tournée de 12 000 kms.

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Ce thème rappelle en effet un thème de rèbab du Kashmir Pakistanais, puis la guitare et la basse partent en Rock, la batterie en drum’n’bass, et les belles harmonies vocales (le violoniste chantant dans le micro de son violon) rejoignent celles de Nusrat Fateh Ali Khan et ses frères.

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Leurs voyages leur ont donné ces rythmes entêtants aux temps innombrables à la Steve Coleman, , que lui est allé chercher dans la numérologie Egyptienne mais qui évoquent aussi les mégalopoles urbaines quand on ajoute comme le chanteur un scat Hip Hop aux breaks violents de la batterie drum’n’bass.

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Evidemment Gevende est un groupe de Rock aux inspiré par les musiques traditionnelles plus qu’un groupe de Jazz, et ils ajoutent donc la destruction sonore iconoclaste, lorsque le guitariste pose sa guitare au sol pour obtenir des craquements, des grincements de larsens distordus de cette cithare sur sol destroy, tandis que la trompette s’envole, puis souffle dans ses pistons pour trouver un sifflement, des effets inouïs, sur une basse groovy à la Primus, puis dramatique soutenant le violon et la batterie drum’n’bass. Le rapport au sol, à la poussière, à la terre à travers la scène est peut-être leur forme de destruction Hendrixienne traditionnelle.

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Enfin le chanteur chante, clame et déclame leur dernier titre, proche des langues Pakistanaises et très énergique, « Celik Comak », où se retrouvent leurs influences World et leur traitement Rock psyché, sur lequel il présente les musiciens, mais ne joueront pas la reprise finale de percussion Pakistanaise de la version album (peut-être éxécutée par une rencontre ou un invité).

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Ils revinrent en Bis, remerciant comme on s’en va, pour un dernier titre indianisant et Folk 70ies (http://www.youtube.com/watch?v=PUxK5XjVvXg&feature=related ). Un groupe à suivre, indubitablement, qui a déjà un univers et un langage fascinant, quelqu'il soit.

En seconde partie, on pouvait entendre le saxophoniste Ilhan Ersahin, né en Suède de père Turc, mais qui vit à New York où il a un Club, qui invitait le trompettiste Suisse Erik Truffaz pour ses « Istanbul Sessions » (disque en pressage à Istanbul) mais qu’ils ont joué ensemble à New York, Istanbul et Izmir, avec des musiciens Turcs : Alp Ersönmez (basse), Turgut Alp Bekoglu (batterie) et Izzet Kizil (percussions), qui ne sont, eux, jamais allés aux Etats-Unis « parce que la Turquie doit d’abord se conduire en bon pays Européen », ironise Ersahin à propos de son entrée éventuelle dans l’Union.

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C’est sûr qu’ils feraient un tabac aux Etats Unis : le bassiste est surpuissant d’obstination rythmique dans ses réitérations des mêmes accords, tant dans le Rock que dans le groove et tout en musicalité, le batteur carrément Rock (plus encore que Gevende) et le percussionniste joue à la fois d’une conga et de percussion turques (darbouka, dhol sur trépied et à la main et clochettes : des sidemen de rêve, mais qui n’obtiennent pas de visa pour le Nouveau Monde.

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Sur ce répertoire encore inédit inspiré par la ville d’Istanbul, ses anecdotes, ses chats, ses problèmes aussi (le manque de Liberté en Europe est abordé dans « Freedom ») ou ses légendes, chacun donna le meilleur de lui-même.

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Ilhan Ersahin, que je ne connaissais pas, a la lisibilité cosmopolite d’un Wayne Shorter, parfois la puissance sonore d’un Akosh S sans ses dissonances et le groove d’un Ellery Eskellyn quand ce dernier veut bien jouer collectif, grâce à une colonne d’air imperturbable, mais est beaucoup plus égal que lui, toujours passionnant tant dans l’oriental que dans le Rock ou dans le Groove.

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Pour ce qui est de Truffaz, on connaît son parcours et son talent, mais je ne l’avais jamais vu jouer d’aussi près, ce qui ne m’a pas fait davantage comprendre les arcanes et les mystères de son utilisation des effets (samplers, wah-wah, distorsions et réverb) qui donnent à sa trompette des sonorités inouïes, comme s’il en prolongeait le souffle de l’unique tuyau à pistons en un orgue imaginaire grâce à eux. Si Médéric Collignon est le meilleur héritier de Miles Davis en France pour le jeu pur, et le dépasse par sa propre folie vocale et instrumentale, Erik Truffaz est, après avoir montré son talent pour les ballades soulfull avec Nyah qui amenèrent au jazz un public plus large, le plus bel héritier des effets du Miles électrique de Bitches Brew, et là aussi le surpasse par des effets plus contemporains, et la technologie a évolué, depuis qu’il a pris un virage Rock avec « The Walk Of The Giant Turtle », et s’ouvre maintenant à des projets World entre Paris avec Sly Johnson, Bénarès avec Talvin Singh, Mexico avec Murcoff et Istanbul avec Ersahin. Il est peut-être celui qui sait le mieux, au sein d’une même phrase, passer de la douceur miel à nos oreilles au cri ultime, organique ou électroniquement modifié.

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Porté par cette rythmique imparable, leurs échanges furent très complices dignes de ceux de Miles et Coltrane, Miles et Wayne Shorter, se suivant à la note, au souffle, à l’effet près dans leurs échanges, et la cohésion du groupe indubitable et bluffante.

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A Strasbourg, le Festival se poursuit avec ce Mercredi 14 octobre à 20 h 30 à la Salle Du Cercle de Bischeim la guitariste et chanteuse de Blues Haïtienne Mélissa Laveaux et le phénomène du « Jazz-Punk » Néozélandais, le trio Aronas d’Aron Ottignon!

Jean Daniel BURKHARDT

mardi, octobre 13 2009

Les Nuits Européennes amènent Istanbul à Offenburg

Le Festival Les Nuits Européennes est l’un des rares festivals Strasbourgeois à relayer cette année La Saison de la Turquie en France, avec le Festival Strasbourg Méditerranée qui se tiendra du 21 novembre au 5 décembre.

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Pour cette deuxième soirée à La Reithalle d’Offenburg, c’est la scène Stambouliote qu’il y invite, avec tout d’abord le groupe de musique musique soufie/ electro / vidéo « Istanbul Calling » puis le grand darboukiste et chanteur Burhan Öçal et son Ensemble Oriental d’Istanbul, jouant de façon plus traditionnelle le répertoire savant, populaire et Tzigane Turc avec des Tziganes Turcs. Le public Turc, allemand et français par l’ASSTTU s’est déplacé et cette belle jeunesse turque bouillonnante ajoutera ses danses et sa joie de vivre au spectacle de la scène.

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Istanbul Calling est une formation du producteur Oguz Kaplangi (synthétiseur et sampler), ex membre du collectif Zi Punt avec Huseyin Bitmez (oud et chant ghazel), Ayyup Hamis (ney, duduk, zurna), Amdi Akatay (darbouka et bendir) et Efe Isildaksoy (vidéo), qui a sorti son deuxième album en 2007 sur le label « Elec-Trip Series ».

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Dès «Her Daim » de l’oudiste et chanteur Hüseyin Bitmez, où le ney (flûte de bois turque utilisée dans la musique soufie) plane sur des percussions orientale est des basses beats du DJ, puis un dub oriental hypnotique à la Transglobal Underground, auxquels se mêlent bientôt la voix orientale émouvante et les cordes du compositeur sur le bonnes guitares rock groovy du DJ. On entend que, par des compositions respectueuses de l’improvisation collective et une mise en place sonore aux interventions bien réglées, musiciens Live et DJ cohabitent avec bonheur dans cet univers musical unique mais évoquant fortement la scène des clubs Stambouliotes des clubs (l’une des villes les plus actives musicalement), avec le même charme Cinétique universel que le Cinematic Orchestra, et l’exotisme de l’Orient en plus.

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Les vidéos ajoutent au tableau des vues magnifiques d’Istanbul, aux couleurs modifiées par des effets visuels fascinants où l’on retrouve toutes les images qu’on rapporte à cette ville : une danseuse du ventre vert lapis-lazuli, le pont sur le détroit du Bosphore entre Orient et Occident, qui traverse Istanbul entre Ortaköy (sur la partie européenne) plus urbaine où se concentre l’activité économique et Beylerbeyi, plus naturelle (sur la partie asiatique) parcouru par les ferry très appréciés par les habitants (dont certains vivent sur la rive Asiatique pour la qualité de vie et travaillent sur la rive occidentale), la Cathédrale Ste Sophie, devenue un Temple à la Sagesse après avoir été disputée par Chrétiens et Musulmans pendant longtemps, des autoroutes nocturnes aux voitures lumineuses, et des vues se mêlant en papillons, et finit dans les étoiles et sous la mer, accompagnant magnifiquement la musique.

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Sur « Tansu Kaner » (Sleepless Constantinople : Constantinople qui ne dort jamais), le DJ rajouta la magnifique voix de la chanteuse Ceren (comme l’héroïne de la Légende des Mille Taureaux de Yachar Kemal) Bektaç (comme le soufi Haçi Bektash Veli , fondateur des Janissaires et disciple de Rûmi, fondateur des derviches tourneurs). Il rendit aussi hommage au quartier musical d’Istanbul Beyoglu. Sur un autre titre, le flûtiste et parfois chanteur Eyup Hamis utilisa, après le ney et le kawal (flûte plus petite) le zurna, sorte de petite clarinette turque, qui souvent précède les manifestations publiques, avec un intensité Jazz et presque Rock dans le son perçant.

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Enfin, le percussionniste Hamdi Akatay termina à la percussion dhol arménien (gros tambour joué à mains nues ou avec des mailloches dans les manifestations ou par les janissaires partant au combat), sur un rythme qui, de Constantinople, inspira la musique Irlandaise.

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De jeunes Turcs et Turques dansèrent en ligne en se tenant par le petit doigt comme aux mariages et autres manifestations, ajoutant leur authenticité spontanée au concert.

En seconde partie, on pouvait entendre le percussionniste Turc mythique Burhan Öçal à la darbouka et l’Ensemble Oriental d’Istanbul, composé de Tziganes comme Ahmet Demikiran au cubus (sorte de banjo tzigane turc)., Vesar Akirlar (clarinette), Umit Adakale (seconde darbouka), le turc Mehmet Celiksu au kanun (cithare orientale habituellement sur table, jouée ici sur les genoux et sans plectres avec les doigts) et le grec Ismail Papis au violon, dans un répertoire Tzigane, Classique Ottoman et populaire Anatolien.

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Je me souviens d’avoir vu Burhan Öçal en solo à la darbouka au milieu des années 90s au Cinéma l’Odysée de Strasbourg.

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La prestation était dans l’esprit de son album « Grand Bazaar » et de celui déjà présenté devant Paris Hilton qui dansa à sa musique.

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Le temps qu’Ahmet Demikiran accorde le jack de son instrument, à la demande du public, Burhan Öçal fit entendre un duo de darbuka improvisé avec son percussionniste Umit Akadale.

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A la darbouka, il utilise toutes les ressources de l’instrument, avec un micro est placé à l’arrière pour rendre les effets intérieurs sur la caisse de résonance, tandis que l’autre main assure les percussions digitales, joue d’ailleurs aussi bien de cette manière transversale sur le genoux qu’à plat entre ses cuisses.

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Il commencèrent la première suite par le tango Egyptien «Ya Habibi Ta’ala » de la diva arabe Asmahan, récemment repris par le Kronos Quartet dans son dernier album, puis bifurquèrent vers la musique classique Ottomane de cour (qui utilisait plutôt l’oud et les percussions, peu la clarinette ou le violon), mais ravivée par cet instrumentarium plus Tzigane qu’Ottoman, où Burhan Öçal se révéla aussi un extraordinaire chanteur dans le style de Cinuçen Tanrikurir dans ses concerts de Fasil à la voix profonde et rallongeant les voyelles sur les rythmes arabes et turcs sur de longues suites où les titres se suivent sans pause, comme à la cour d’Istanbul ou encore dans la musique Tadjike, puis change de rythme comme une cavalerie bifurque en plein désert vers d’autres thèmes, tout en restant dans le même thème. On entend, même sans connaître ce répertoire, combien la musique arabe, turque et tzigane se mêlent sous les doigts de ces musiciens émérites.

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Les solos de clarinette entre tzigane, Jazz et klezmer, puis de violon dans les aigus, et Mehmet Celiksu au kanun, plutôt discret en rythmique, fut surprenant de finesse dans son solo, proche d’une harpe celtique à la Alan Stivell.

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Enfin, après ce répertoire classique mêlé de rythmes populaires, il termina par une surprise en terminant son set au tanbur (sorte de guitare turque effilée, instrument des baladins et des montagnes) et au chant par des Chants d’Amour et de Sagesse d’Anatolie, mêlées de danses populaires de cette région montagneuse et sauvage..

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Je n’avais pas vu la jeunesse turque danser, mais elle était plus nombreuse à le faire, de l’autre côté de la scène.

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Le Festival se poursuit ce soir 13 octobre 2009 à 20 h avec une autre soirée Turque : Ilhan Ersahin, saxophoniste porte-drapeau de la Saison de la Turquie en France invitera le trompettiste Erik Truffaz dans un projet Oriental Electro Jazz, puis Gevende, un jeune groupe Turc aux influences voyageuses de l’Inde au Népal et à l’Iran dans un esprit folk-rock psychédélique.

Jean Daniel BURKHARDT

samedi, octobre 10 2009

GIANMARIA TESTA & Iva BITTOVA ouvrent Les Nuits Européennes 2009

Hier soir, vendredi 9 octobre, le Festival « les Nuits Européennes » ouvrait sa quatorzième saison à La Reithalle d’Offenburg, où il sera encore ce soir, mais un système de Covoiturage est organisé par « Passe Me Prendre », sur simple inscription sur le site, au départ du parking du Campus d’Illkirch, accessible en Tram, départ à 19 h 30.

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Hier soir, Les Nuits Européennes recevaient donc deux musiciens Européens de renommée internationale en solo : le chanteur et guitariste Italien Gianmaria Testa et la chanteuse et violoniste Tchèque Iva Bittova.

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Gianmaria Testa est un habitué de la Reithalle et de la salle Des Fêtes de Schiltigheim. Il se produisait en solo, comme sur son dernier disque « Solo Dal Vivo », jouant alternativement d’une guitare acoustique, d’une Stratocaster blanche et d’une guitare électrique noire pour le dernier titre.

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Il a une voix plus sourde et intimiste que Paolo Conte et siffle parfois comme un oiseau du Décaméron de Boccace, ou rythme ses chansons un peu plus Rock comme du rythme d’une traversée Transatlantique, puis ralentit.

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Ces chansons, qu’il présente en français, sont aussi concernées par la situation en Italie, à commencer par « l’une des premières chansons de Francesco De Gregori : quand quelqu’un se prend l’envie de te communiquer que le Père Noël n’existe pas. Et pourtant, il y a urgence, ici et surtout en Italie, que le Père Noël existe. » En effet, avec les tremblements de terres qu’ a subi l’Italie et les frasques de Silvio Berlusconi, ils en ont vraiment besoin.

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J’ai fait un peu de latin, mais l’italien reste pour moi, comme le portugais, une langue d’une musicalité touchante mais incompréhensible, dont je capte parfois des mots de voyage et d’amour.

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Gianmaria Testa est aussi un homme engagé, comme l’a montré son disque « Da Qesta Parte Del Mare » et ses présentations de chaonsons : « L’Italie a été, depuis le XIXème siècle, ujn pays d’émigration. Maintenant ce qui m’a touché négativement, c’est qu’on accueille de façon si indigne nos propres immigrés par des lois iniques votées au Parlement. Pour moi c’est incompréhensible qu’on puisse oublier en une seule génération combien il est dur de quitter sa propre terre. » Puis il chante, finissant d’une voix plus sourde encore, comme venue de très loin, très près du micro, un murmure d’émotion profonde comme dans une autre langue.

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A d’autres moments, il est comme transfiguré de jeunesse, un peu comme Adriano Cellentano, tout jeune Rockeur chantant Reddy Teddy dans La Dolce Vita de Fellini, puis s’envole dans les aigues, comme trouvant une langue intérieure.

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Toujours sur les sans-papiers, une autre chanson évoque « ces bateaux qui partent des côtes de l’Albanie ou de la Libye avec à leur bord de 15 à 70 personnes, et parfois un de ces bateaux coule, et ces hommes et ces femmes se noient dans cette grande flaque d’eau qu’est la Méditerranée. » Là encore chanson magnifique, où « au fond de la mer chante une sirène ».

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Certains arrivent en Italie, et l’un d’eux « habite chez nous depuis des années, a trouvé on travail et même un logement à louer. Il est un « extracommunautaire intégré (comme les Suisses!). Maintenant ils laissent si peu de choses derrière eux. Avant ils envoyaient de l’argent, une carte pour Noël, à une adresse… Lui a vu une femme sur le bateau, et a trouvé dans ses yeux, dans son regard, la force de se battre. Puis, n’étant pas en parenté, ils furent séparés à leur arrivée à Lampedusa. Et un jour il se dit qu’il est temps, qu’il est vraiment temps, de retrouver cette femme.»

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Pour moi, avant d’en entendre parler à propos de l’arrivée de ces immigrés en Italie, je croyais que Lampedusa n’était que le nom de Giuseppe Tomasi Di Lamedusa, auteur du « Guépard » qui inspira un film magnifique à Lucchino Visconti en 1963 sur la fin de cette dynastie noble sur fond de guerre d’indépendance menée par Garibaldi. Le personnage de vieux Prince Salina humaniste mais lucide joué par Burt Lancaster avait un discours magnifique sur la Sicile en refusant de se mêler à la Révolution car la Sicile ne peut changer : « Les Siciliens ne voudront jamais s’améliorer, pour la simple raison qu’ils sont parfaits : leur vanité est plus forte que leur misère; toute intromission étrangères aux choses Siciliennes, soit par leur origine, soit par la pensée (par l’indépendance de leur esprit), bouleverse notre rêve de perfection accomplie. Parce que nous sommes des dieux », et disait que rien ne changerait, ou en pire, après «les guépards, les lions » venant « les chacals, les hyènes », ses mots se perdant dans la poussière de la route et du temps et de l’histoire. Evidemment, cela vient d’un monde ancien, aristocratique, qui s’oppose aux pensées modernes de gauche, mais je trouve qu’il y a là une beauté surannée, enfuie à jamais.

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Est-ce l’engagement personnel de Testa, et y-a-t-il beaucoup d’artistes défendant ainsi les immigrés en Italie (je me souviens que Paolo Frésu avait fêté à Pôle Sud avec son PAF Trio le remplacement de Berlusconi par Romano Prodi). Berlusconi a quand même été réélu à la majorité. Mais j’aime à penser qu’individuelle ou collective, c’est d’avoir été souvent émigrants qui donne aux Italiens cette générosité envers leurs immigrés, et j’avoue que comparativement, quand je pense à la destruction de la Jungle de Calais et au projet de renvoyer ces afghans dans un pays en guerre civile contre les talibans, j’ai honte par rapport à cette générosité de voir ces sujets si peu abordés par la Nouvelle Chanson Française.

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Et pour en revenir au Concert, et à cet « extracommunautaire intégré », Gianmaria Testa imagine que, faute de retrouver cette femme, il lui écrit une « Chanson d’amour Hypothétique, 3/4 », parlant de lune, de roses et de toutes choses, du courage que seule elle lui a donné à lui, seul.

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Pour terminer cette série en appelant à l’engagement citoyen, Testa chante une autre chanson, «Al mercato di Porta Palazzo », racontant qu’ «A Turin, il y a une place avec un grand marché qui est devenu une casbah pleine couleurs et de senteurs. Mais en Italie, il ne suffit pas d’être né sur le sol Italien pour être Italien. Alors une femme accouche sur la place, met son bébé dans la corbeille de fleurs d’un marchand, et un carabinier arrive, et demande, malgré ce miracle, les « documenti » (papiers). Et toutes les personnes présentes sur la place achètent toutes les fleurs du marchand et vident le panier. La place vide, et seul reste le Carabinier réclamant toujours ses « documenti » ». L’histoire est si belle que les applaudissements précèdent la chanson, qui me rappelle par son rythme Georges Brassens, et par son sujet son «Hécatombe » du Marché de Brive La Gaillarde. Brassens aurait-il de nos jours parlé des sans-papiers au lieu des voleurs de pommes comme « Celui qui a mal tourné ». Gianmaria Testa fit du public un cœur approbateur.

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Gianmaria Testa continua par une vieille chanson d’exil de 1927 qu’il tient de sa mère.

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En Bis, il chanta, en anglais, comme lors de son premier passage à New York, une chanson que la chanteuse Allemande Marlène Dietrich avait popularisée en Allemand («Ich bin von Kopf bis Fuß auf Liebe eingestellt ») (Je suis faite pour l’amour des pieds à la tête » de Friederick Hollander en 1930, devenue en anglais par Sammy Lerner (mais avec un sens très édulcoré par rapport à loin l’original) « Falling In Love Again (Never Wanted To) dans « Der Blau Engel » de Josef Von Sternberg, rendant tout de même, fût-il de seconde main, cet hommage à une grande artiste Allemande.

En seconde partie, la violoniste et chanteuse Tchèque Iva Bittova, née en 1958, déjà venue aux Nuits Européennes au TNS en 2002, qui vit maintenant près de New York dans la forêt et offre ici son seul concert Européen, vêtue d’une robe indienne fleurie et ses cheveux frisés et noirs retenus d’un ruban vert.

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Elle commence d’une voix bouleversante par un chant Tzigane ou Bittovien, s’envole d’une voix d’enfant terrible, qui devient ensuite plus profonde et mature, aigue comme celle d’une diva folle avec dans ses yeux l’innocence.

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Elle prend son violon et joue un bourdon aigu dissonant, y posant des yeux étonnés, puis un bourdon grave sur sa voix grave, presque Rajastani dans « Latcho Drom » de Tony Gatlif, mongole, diphonique dans ses aigus, suit son violon en des appels tziganes forestiers, sauvages, dans un au-delà des langues et des folklores n’appartenant qu’à elle, et qui les rassemble toutes et tous en elle, dans cette liberté capable de tout.

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Elle continue par un thème Tchèque spirituel, mais s’en échappe EST elle-même toutes les musique et son propre univers, du cri jusqu’à ce halètement grave, ce langage siffleur d’oiseau universel, retrouvant les babillements de l’enfance, dans cette rêverie passant les pays et les âges à tire d’elle, et lâche l’oiseau d’un baiser sec dans la salle.

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En fait il s’agissait d’une chanson sur « une fille qui demande à sa mère si elle est en âge de faire l’amour, mais elle doit encore attendre un peu », dans son style « imité des oiseaux » (elle aime la nature).

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En 2002, au TNS, elle était arrivée avec un plein sac de jouets sonore, en avant lancé un dans le public et avait improvisé un duo sonore avec une personne du public avant de réclamer le retour de l’objet.

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La voix se mêle à l’archet frotté, aux pizzicati, aux glissements, semble bailler, vient de sa gorge, bouche close, comme si ses cordes vocales répondaient à son violon, tandis que dans son regard passent des lueurs de folie, avec cette voix de gorge criante ou diphonique, d’oiseau bouleversant chantant sur la branche du violon, alors que son regard est, comme une enfant, effrayée de sa propre voix., qui s’élève jusqu’à une diva sauvage et forestière, puis le Piano sous La Mer de st Preux, et bifurque vers la baroque Johânn Sébastiân Bâch.

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Elle reprend ensuite « Auschwitza » () de Latcho Drom, sur le génocide tzigane, triste mais belle. Sa version est plus gaie et folle, jeune que celle de Margita Makulova dans le film, semble redonner vie à cette mélodie, plus rageuse que mélancolique.

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Elle joue du kalimba (petit piano à pouce africain) avec la régularité d’une boîte à musique tout en chantant d’une voix enfantine, puis profonde. De la même manière, dans le film « Step across the Border » de Fred Frith en 1989, elle bâtissait un morceau autour d’un réveil matin dans leur chambre d’hôtel avec le guitariste Pavel Fajt, alors son mari.

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Elle continue avec « Rodrigo », un berceuse Espagnole Judéo-Hispanique de l’exil après la reconquista,, rallonge la mélodie en la faisant vibrer en n’en gardant que les fins de mots et les r roulés, la ramène de Turquie en Espagne sur les ailes des œufs de percussion dans ses mains de sa voix d’enfant femme, passant au-dessus des montagnes et des forêts, puis claque de la langue et jette les œufs à terre comme des jouets dont elle se serait lassée.

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Elle continue avec une chanson en allemand, une histoire de chat (katz) qui saute, descend dans la salle, attire l’attention d’une personne du public crie, utilise l’archet en pizzicato percussif presque élastique, tourne comme une derviche folle sur elle-même.

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Elle enchaîne sur une improvisation débridée , avec une voix à la fois née du dernier orage et descendue des glaciers millénaires, sans âge ou de tous les âges, où sa voix part avec sion violon et vice versa. Elle a dit un jour que son violon était une partie d’elle, diabolique de possédé par elle et toutes les danses du monde et inversement, de la gravité à la folie. Elle utilise la chaise pour jouer avec l’espace, nous arrivant des profondeurs d’une forêt ou toute proche. Je crois que c’est bien la chanteuse la plus génialement folle que j’aie vue de ma vie.

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Autre Berceuse, de John Lennon, « Good Night », chantée par Ringo Starr, qui fermait le « Double Blanc » des Beatles, remplaçant les violons symphoniques par ses pizzicati, l’archet puis scatte.

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Malgrè toutes ces Berceuses, elle serait une Mary Poppins à ne pas fermer l’œil de la nuit pour en entendre toujours un rêve de plus de plus , finit par souffler dans un kazzo comme un oiseau fou en roulant des yeux.

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Pour le Bis, elle revient saluer, trépigne comme une enfant puis finit par Mozart : elle a joué Dona Elvire dans « Don Giovanni » dans sa jeunesse comédienne. Gageons que Dom Juan lui-même se serait laissé prendre, à force de ne pas s'en lasser…

Jean Daniel BURKHARDT

lundi, septembre 21 2009

Un Nouveau Festival Musical à STRASBOURG : INTERFERENCES

Ce week-end s’est tenu à La Citadelle (lieu des festivals International Tzigane et Alsace Percussions, mais peu exploité musicalement depuis) la première édition d’un nouveau festival musical : INTERFERENCES, organisé par Safia, Miléna et Léo, habitués des soirées du Molodoï, et tirant parti de la richesse de la scène locale.

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Le vendredi 18 septembre était consacré au Punk Rock avec « J’aurais Voulu », le samedi à l’electro et au hip-hop avec Art District, DJ Nelson en tête d’affiche et une intéressante réunion de trois groupes le duo de DJ Chud et les groupes de dub Eyeshot, et La Brèche en « Chudeyebrreche ».

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La communion de ces structures et individualités est une fleur don chaque pétale s'épanouit, et a donné un bon support au flow hip hop en anglais de la chanteuse d’Eyeshot et son melodica, Carine de La Brèche à l’émotion orientale vibrante ou le bagou d’une Catherine Ringer en français de celle de la Brèche et au violon d’Anita Bomba qui nous livra la « Recette de la daube » musicale pour accommoder ces éléments disparates, une mèche couvrant son œil en pirate sur la guitare d’Eyeshot et les congas jouées façon tablas par le percussionniste.

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Le dernier jour, dimanche 20 septembre, dédié aux musiques traditionnelles, après un set amusant de DJ Gloubiboulga, DJ pour grands enfants nostalgiques rejouant la BO de « L’Île Aux Enfants » entre autres génériques enfantins entre une reprise féminine accélérée de « Salade De Fruits » de Bourvil, « Chaud Cacao » d’Annie Cordy avec excuses à leurs familles. Il fut suivi de DJ’ellaba (car il se produit et vit en djellaba) arrivant sur « Within You Without You » (la chansons indianisante de George Harrison de l’album Sergeant Pepper’s Lonely Heart’s Club Band »), puis un bootleg de « Gloomy Sunday » Billie Holiday, puis une chanson hip hop amère mais actuelle : on n’en vient à cause du monde à ne plus aimer les gens et un slam sauvage d’Aldo sur les noms qu’il voit en rêve.

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De l’autre côté, on put ensuite entendre autour des tables le groupe Zakouska, excellent groupe de musique Tzigane de deux violonistes, un guitariste un peu bouzouki sur une corde et un accordéoniste vraiment dans le style des banquets de mariage tziganes de Roumanie (où ils étudièrent cette musique), mais capables aussi de Flamenco Gitan, qui invitèrent un de leurs amis jongleur Pyrénéen qui fit danser son diabolo comme personne.

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«Ben Seultou » chante des chansons contestataires, baladin engagé ou concerné, aux textes poétiques ou ironiques, constatant l’égoïsme humain et ses travers plus qu’ils ne les dénoncent, portés par de belles mélodies, une vraie voix et de bons arpèges de guitare, mais qu’on devine derrière ou dans ses illusions perdues porté aussi par l’espoir d’un idéal à inventer, à créer encore, (pour lequel se battre. Ben est Seul mais ce Seul est un Tout plus que Tout Seul. Et puis Bob Dylan l’était aussi au début… Ses introductions et mimiques étaient amusantes et ses amis là pour le soutenir. Finalement l’ironie le sauve du côté moralisateur prêcheur boy-scout de la protest song.

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Une de ses chansons sur un homme qui s’endort sans savoir son bonheur de ne pas connaître la misère m’a fait penser à celle de Marcio Faraco «A Dor na Escala Richter » où il disait que sur l’échelle de la Richter de la douleur, on ne se soucie des tremblements de terre « que lorsque le poste de télévision tombe de l’étagère »…Mais ses personnages, s’il les critique, sont humains aussi par leurs travers mêmes, émouvants, et peuvent évoluer, et il les traite avec tendresse. Il a sorti un premier disque « Egali-Terre » et l’a déjà dépassé de quelques nouvelles compos.

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« Bal Pygmée » est un groupe habillé de zèbres en chapeau, foulard, gilet, cravate ou autre accessoire, à la chanteuse charismatique et théâtrale, capable de passer de la folie de l’enfance à une sagesse sans âge, accompagnée d’un groupe assumé «folklo franco-maghreb-ô-elsâssich AOC » guitare, basse, accordéon batterie, percussions et clarinette efficace, qui viennent de sortir « Chansons Rayées », enregistré en studio et live à la Friche Laiterie.

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Ils commencent par « Debejani », magnifique ballade à clarinette klezmer, où la chanteuse tourne sur elle-même comme une poupée mécanique, chantant dans un au-delà des langues ou dans plusieurs connues et imaginaires, improvisées et mélangées en un esperanto de l’émotion universelle qui nous parle et nous charme, jusqu’à cette vérité que « le Temps Passe » sous les coups de caisse claire du percussionniste barbu comme un marin au bonnet de montagne ou des bois, et se termine plus gaiement en invitation à une valse folle comme « Le Mal de vivre » de Barbara se terminait en joie de vivre dansée tout aussi passionnément à la russe. Après information auprès de Malika, la chanteuse de Bal Pygmée: "Debajani est une chanson traditionnelle algérienne que les femmes chantaient quand j'étais ptiote, une chanson qui parle de ces femmes qui quittent le foyer familial lorsqu'elles se marient, déchirement pour commencer une autre vie et quitter le monde de l' enfance. C'est la première chanson composée avec Bal Pygmée".

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« Sex For Fish » est une Bossa Tango Paso sur les vacances au « padam padam padam » rallongé de quelques temps où la chanteuse une héritière déjantée d’Edith Piaf, puis arrête tout dans un silence brutal au regard terrible.

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« L’âge rit »est un paso manouche de troisième âge avec danse des genoux en flexion et un côté Paris Combo dans le décalage Jazz de la voix, mais Combo d’ailleurs car revisité façon Brigitte Fontaine ou Les Elles et musiques traditionnelles sur le groove de la contrebasse, avec une extraordinaire incarnation de la petite vieille de 71ans (on dirait une des vamps, ou les deux !) qui a attendu d’être en maison de retraite pour tomber amoureuse.

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Suit "Pritsch" un flamenco jazzy parce qu’ »On est tous un peu zinzins», sur « la vie pas si facile » « les filles des magazines » au groove jazzy décalé avec un scat à la Paris Combo dans l’accent faussement anglais et sa sensualité distante entre feu et glace, mais se termine par « la vie dans un bidon ville ne tient qu’à un fil ».

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Leur plus beau texte est « Longues Nuits » un texte Arabo-Andalou du XIème mais très moderne sur un flamenco lent et une cymbale orientale où la ferveur de l’amour est poussée jusqu’au mysticisme dans le manque et la nostalgie, souligné d’un geste dramatique, où chaque musicien prend sa place dans un ambiance envoûtante, hypnotique, « s’en allait battre aux rythme de tes han-an-ches » puis finit dans un souffle, un soupir, le souffle coupé, se fige.

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Ils terminent par la version la plus locale de « La Mauvaise Réputation » et la seule à prendre en compte les expulsions des sans-papiers, donc la plus actuelle, partant en ska acoustique à deux voix avec le clarinettiste et remplaçant les manchots et aveugles du Brassens antimilitariste par les ragondins, les Alsaciens avec la coiffe en nœud locale, ornée de rubans zèbres, bien entendu! Le meilleur groupe local que j’aie pu voir depuis longtemps pour leur folklore généreusement mondial et imaginaire, qui fait aussi penser à Lo' Jo par sa poésie en créole personnel.

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Le groupe de reggae Indika est l’un des meilleurs groupes de reggae Live de la région depuis 2001, grâce à une rythmique reggae roots, un bon chanteur et d’excellentes choristes et a sorti en 2008 son dernier album, « Shooting Star ».

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Ils commencent par un de leurs nouveaux morceaux, le « 9 to 5 Reggae », un Reggae pêchu aux influences ska et aux chœurs do-wop relevé, sur l’album, d’un harmonica Bayou Zydéco cajun. La guitare solo est psychédélique et world, suivi d’un solo de saxophone alto sur la basse de « When The Music’s Over » des Doors.

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La guitare rythmique introduit en dub « Pas de fumée sans feu » avec une rythmique basse/guitare vraiment à la manière des albums de Bob Marley ou de Peter Tosh sur Island, avec une belle mélodie et un de ces solos de guitares Blues Rock à la pédale wah-wah sur lesquels misa Chris Blackwell pour faire aimer le reggae au public américain sur « Catch A Fire », premier album de Bob Marley & The Wailers sur Island. Ils reprennent même la basse de « Slave Driver » (premier nom de "Catch A Fire" que les Wailers jouaient déjà dans la tournée « Talking Blues » aux Etats-Unis où leur succès supérieur au sien fit résilier son invitation à faire sa première partie à Sly & The Family Stone.

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Après une excellente intro de guitare psyché 70ies commence « Virus », le plus beau titre du dernier album, un reggae Peace & Love 70ies aux magnifiques harmonies vocales. Ce « virus qui a envahi le monde » est la guerre et la misère. [Cette émotion, cette compassion, n’empêchent pas les paroles d’être engagées, car le Reggae dépasse la seule consolation de l’opprimé comme le Blues ou le Jazz par l’insurrection, est AUSSI conscience politique, appel à la lutte et révolte douce.

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Les voix dans le reggae, la justesse des chœurs, sont l’élément le plus difficile à obtenir, et ceux d’Indika sont parfaits sur « Shooting Star » avec des harmonies proches de celles de « War » de Bob Marley.

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« Love Is the Solution » est introduit par un clavier très rapide, presque Salsa sur une batterie drum’n’bass installant un tempo sautillant sur la caisse claire du percussionniste.

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Le symbole d’Indika est un arbre dont on devine les racines par le tronc énorme et puissant de baobab, aux branches noueuses et nombreuses s’épanouissant comme des racines, «arbre buveur de ciel » disait Nougaro dans « Mater ».

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Un autre reggae, plus cool, place son espoir dans l’engagement et l’unité (« rien ne pourra jamais tuer notre force intérieure, Unite People »).sur la mélodie du « Kinky Reggae » de Marley rappelant le réveil au commissariat de « Brurnin’ and Looting », entouré de gens « all dressed in uniforms of brutality », pour demander « no more war, no more killing », et est aussi engagée (« tant que je serai là ils ne m’arrêteront pas ». C’est de la conscience de l’oppression que naît la révolte.

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Et ce ne sont que des compositions, mais dans le style des reggaes de Bob Marley dans les années 70s, ce qui est plus difficile que des reprises.

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Dans le « Babylon Blues » aux chœurs presque Gospel, je comprends que c’est leur connaissance profonde des origines aussi du reggæ, mais aussi de ses origines dans le gospel via les vocaux collectifs du Niabinghi qui les rend si bons, au même titre que ces solos de guitare Blues-Rock entre Clapton et Hendrix. Il faut comprendre les origines, les tenants et les aboutissants d’une musique pour bien la jouer, qu’elle devienne spiritualité et rentre dans notre façon de vivre. Eux y sont arrivés indubitablement avec le Reggae. J’irais même jusqu’à dire que je les ai préférés aux wailers sans Bob Marley ni Peter Tosh, ni Bunny Livingstone!

Lucia De Carvalho est une chanteuse noire née en Angola, éduquée en France, qui a fait pendant dix ans partie du meilleur groupe de Batucada Brésilienne de la région , Som Brasil (), puis s’était produite avec Franck Wolf dans un répertoire plus Bossa Nova, et lance maintenant son premier projet en tant qu’auteur compositrice de ses propres chansons.

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Elle a gardé l’ « ENERGIA » chère à l’autre chanteuse de Som Brasil, vu ici-même lors du premier et unique festival « Alsace Percussions ». Cette énergie est servie par des arrangements Rock très modernes à la Cyro Baptista dans son « Carengueiro Estrelha Brilhante » (The Crab and The Shining Star) citant « Heartbreaker » de Led Zeppelin, grâce à son guitariste électrique et acoustique, tandis qu’elle joue de la batteria ornée de fleurs, d’autres autres percussions duvetées de rose et chante avec deux choristes en robes rouges et aux micros fleuris, une africaine et une blanche de type espagnol: de loin la scène la plus belle, colorée et exotique du festival!

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Mais elle n’a pas peur de quitter la musique et même la langue Brésilienne pour un authentique Flamenco en Espagnol, et lui donner la saveur Arabo-Andalouse et les percussions partant comme un cheval au galop, mais sait aussi le moderniser à la fin en Flamenco en Hip Hop à la manière plus moderne des jeunes groupes néo-flamenco espagnols comme Calima sur la cajon partant en drum’n' bass.

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Elle retrouve le Brésil et le style de Nazaré Pereira, fait chanter le public « Zena fenza lâ » sur une batucada endiablée.

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Elle ouvre aussi la musique brésilienne à la pop sur la cowbell, comme le fit Elis Regina en son temps, ou le fait encore Mariana Aydar sur des percussions irrésistibles, modernise les musiques traditionnelles, la fait entrer dans le XXIème siècle.

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Elle pousse même jusqu’au Funk, au Rock, avec son « Som », maracatu funky, la chanson la plus moderne de son répertoire, avec cette guitare wah wah presque Afro Beat et le groove vocal de ses onomatopées, aussi funky que Banda Black Rio en moins daté Groove 70ies ou Caetano Veloso dans "Odara"..

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Bref, de la musique Brésilienne ouverte à tous vents, respectueuse des traditions, mais tournée vers l’avenir, et est une des meilleures promesses de la région, dans la musique Brésilienne mais pas seulement, et nous avons beaucoup de chance de l’avoir dans la région, donc de pouvoir la voir plus souvent que les Brésiliennes ou Angolaises venues de ces pays.

Twan est le dernier artiste à se produire ce soir à presque minuit. Il se produit seul avec ses dreadlocks en chantant avec sa guitare, mais sa force est dans ses compositions originales, Reggae, Ragga ou Sega. Il avait, en 2008, partagé par surprise son set avec Francis Lalanne, alors candidat Vert pour Antioine Waechter dans le quartier de la Krutenau… Twan a déjà sorti l’album « Comme Un Roc ».

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Dans ses vocaux, il fait preuve d’une réelle Soul roots et a un bon jeu de guitare et ses chansons sont poétiques. Il chante les espoirs et les plaisirs et nous en redonne le goût, non sans une certaine sagesse malgré son jeune âge.

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La première chanson est un souvenir sur une biguine d’une fille qui lui demandait ce qu’il cherchait, les phrases entrecoupées d’un talk-over naturel les ancrant dans sa vie quotidienne et ses anecdotes amusantes, prenant ceux qu’il y croise et le public à témoin, comme Lavilliers dans « El Dorado », et il ne trouva que répondre, comme si la conscience de cette vanité de sa vie était à l’origine de sa vocation de chanteur, mais la fragilité, le doute, continuent de rendre la chanson émouvante, comme si le sens était à réinventer dans chaque chanson, et chaque matin à trouver la direction du jour.

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Pour trouver ce sens, Twan « veut voyager » découvrir d’autres horizons et « être étranger », voyager spirituellement aussi, comme il nous fait voyager. Espérons que sa musique lui en donne l’occasion, car il le mérite. Avis aux promoteurs de concerts, festivals, etc...

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Il poursuit avec une superbe reprise en biguine bossa à la magnifique mélodie de « La Javanaise » de Gainsbourg conciliant la guitare acoustique sans les chamdams chamdams de la première version en valse exotique et le rythme exotique dub Jamaïcain de la version « Javanaise Remake » Reggae remplaçant « mon amour » par « Love » en une troisième personnelle.

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C’est émouvant de voir qu’un type tout seul, juste avec sa guitare, des chansons, compos et reprises peut encore susciter l’enthousiasme d’une jeunesse solaire et souriante que je croyais plus habituée à se vider la tête sur de la bruyante techno ou à passer sa haine inutile sur le rap.

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Mais « Au Nom Du Père » montre que Twan est aussi engagé, en appelle à la conscience politique, réfléchit sur l’actualité et l’histoire : nos croisades, notre colonialisme et aujourd’hui leur guerre sainte, les guerres de religion et les attentats kamikazes et les enfants soldats, la situation au Moyen-Orient, alors que la spiritualité devrait être acte et message d’Amour, et répond « Seul ton cœur connaît les réponses » sur un flow ragga. Dylan le disait aussi à la jeunesse en 1964 dans « With God On Our Side ». Mais Twan le dit avec moins d’idéologie, plus d'humou, plus de questions que de réponses, ce qui est plus dans le genre de la jeunesse actuelle.

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Pour une autre chanson, il souffle dans un kazoo avec une gaieté comique, clownesque New Orleans et utilise le bois de sa guitare comme percussion, pour « ne pas confondre partager et imposer ». Une autre chanson est plus émouvante encore car plus personnelle, sur son grand père dont « la maison de repos est bien loin d’ici », que, «s’il le pouvait », il aimerait kidnapper et emmener avec lui loin de ce monde de fous, en fugue poursuivie par la police. Ce n’est pas possible, mais c’est d’une magnifique naïveté déjà que d’en avoir l’idée…

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Dans la ville, parfois Twan fait parfois tache à chanter sa joie de vivre à ceux qui ont perdu la leur. Il en a fait une chanson amusante, « Hystérique ».

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Autre reprise également originale, celle de « Foule Sentimentale » d’alain Souchon en Sèga, sur un rythme kléger, reprise par le public, la plus douce des chansons contre cette société de consommation (), confrontée aux rêves d’autre chose que nous avons encore.

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Sur la « der des ders », le riffs funkys raoppellent un peu ceux de Roy Buchanan dans « Cant I change my mind», introduisant sa plus belle ballade poétique pleine d’espoir en de nouveaux matins : «Chaque Seconde » : « Nous ne savons plus voir à quel point l’aurore est une victoire…mais chaque seconde naissent des enfants qui demain feront l’histoire, alors jouis de chaque seconde qui passe.» Ce texte montre que Twan a déjà acquis par lui-même sa part de sagesse universelle en devenir, une vision globale. Bob Dylan le chantait déjà, environ au même âge, avec moins d’espoir, dans « Hollis Brown ».

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Twan se produira le samedi 3 octobre à 21 h au Caveau du Jimmy's Pub (29 rue des Juifs à Srasbourg).

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Bref un festival qui m’a montré des richesses de la scène locale que je ne soupçonnais pas, et m’en a rendu l’espoir. Longue vie à Interférences!

Jean Daniel BURKHARDT

samedi, juillet 18 2009

Le BABANU Quartet à l’Illiade et concerts gratuits à venir à Illkirch et Strasbourg cet été...

Hier soir vendredi 17 août, le « Babanu Quartet » ouvrait la saison d’été des Pique-niques musicaux tirés du sac et gratuits de l’Illiade d’Illkirch.

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Le groupe se compose de « Guigui à la contrebasse, Jean-Fi à la guitare (que je connais depuis quelques années, dont les préférences vont du baroque de Bach à Django Reinhardt et au Jazz, jusqu’au choro Brésilien d’Heitor De Villalobos et Antonio Carlos Jobim), Jérémy aux percussions (cajon à balais, darbouka), et Fred à l’accordéon.

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Leur My Space annonce la couleur éclectique : « un style Klezmerguez, ques-a-quo ? » Peut-être une propension à faire dériver avec une belle énergie d’ensemble un thème au demeurant oriental vers le tzigane en provoquant la furie du public…

« Montres réglées sur 7h40 » :l’heure de départ d’un train du souvenir entre une fanfare locale et un vieil air Klezmer!

« Boutons nacrés, cordes affûtées, quatre fistons sans vergogne flirtent avec les mélopées balkaniques, cambriolent la valse musette, dévalisent le folklore yiddish, malmènent la cadence et finissent par allumer la poudre d’escampépette . »

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Ils portent des chemises blanches à l’ancienne et des chapeaux évoquant leurs influences : juif polonais pour le violoniste, sorte de bonnet oriental pour le bassiste, feutre mou pour le guitariste, casquette gavroche parigotte pour l’accordéoniste et d’immigré grec descvendu du bateau pour le percussionniste

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Ils jouent avec énergie un répertoire varié oscillant entre valse non –musette, Klezmer triste puis gai , airs Tziganes Balkaniques ou Grecs plutôt gais ou chanson russe aux Yeux Noirs, et une version lente mais émouvante d’ « Aide Iano », chanson populaire Serbe popularisée dans la région par le groupe Boya, trio du joueur de gadulka bulgare Dimitar Gougov qui le joue plus vite. Le Jazz manouche fut représenté par le « Minor Swing » de Django REinhardt et ses riffs de basse descendants.

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Ils reprennent aussi des musiques de film typiques : « Talijanska », air d’accordéon borgne de Goran Bregovic pour Le Temps Des Gitans de Kusturica à l’accordéon bouleversant lent puis de plus en plus rapide, un air Klezmer du film « Train De Vie » de Mihaelanu, musique de Bregovic également, et une valse de Yann Tiersen pour "Le Fabuleux Destin D'Amélie Poulain".

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Après une fin « en théorie, mais la théorie et le babanu Quartet ça fait deux », on eut encore droit à la mélancolie d’une chanson yiddischo-alsacienne à la contrebasse surpuissante dans ses solos à répétition et pour finir une chanson du Babanu à la manière Nouvelle Guinche d’ « Au P’tit Bonheur », qui était bien meilleur que beaucoup de groupes actuels, mais ne dépassèrent pas ce manouche et zazou "J'veux du Soleil".

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Bref, un groupe à suivre, qui dépasse déjà à la scène les promesses de son My Space.

Pour les prochaines semaines, les pique-niques musicaux vous proposent Christophe Mougenout et son quartet jazz avec Grégory Ott au piano le 24 juillet, du Tango avec le « Nocturno Tango Trio » le 7 août, le Martiniquais Browni Steel le 14 août, et Allkeymia le 21 août, à 19 h et toujours gratuit!

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Au TAPS SCALA, les mardis vous pourrez sur invitations gratuites à retirer à la Boutique Culture et réserver au 03.88.23.84. 65., et vous pourrez y entendre Luamar (duo Bossa expérimental de Dresde) le 21 juillet, les Violons Barbares (gadulka, vièle Morin Khoor mongole et chant diphonique) le 28 juillet, le Transcabaret le 4 août, Shezar (Oriental Jazz) le 11 août, Maliétès (musiques egéennes grecques et Turques) le 18 et le Grand Ensemble de la Méditerranée en formation avec trio rock, trois chanteuses et chœur Bulgare Electrik GEM dans son Radiopolis Project.

Enfin, une troisième scène, celle du Château des Rohan, accueillera à 20 h le meilleur groupe de Salsa local Sonando le lundi 27 juillet, le Musikverein Neuerburg Big Band Jazz le mardi 28, le voyage autour du monde de l'Harmonie de Gambsheim le mercredi 29, l'Ensemble Papyros'N de Klezmer et musiques tziganes d'Europe Centrale voire Celtques le jeudi 30 juillet, l'ensemble de percusions africaines Issangano et la danse et musique Antillaise de Tropic Groov. le samedi 1er août. On poura y voir aussi le Bloosband de Dorlisheim, le meilleur Big Band de la région le Big Band de Bischeim ou BBB le samedi 1er août et le Jazz Muk de Kihlstedt le dimanche 2 août. Du 7 au 17 aoÛt,le 10 ème festival Les Arts Dans La Rue investira le Centre-Vile de ses déambulations, avec même une Fanfare du Rajastan, le Jaipur Maharaja Brass Band. Tout cela est entièrement gratuit.

Je consacrerai le dernier quart d’heure de mes émissions de Jazz (Radio Judaïca, 102.9 FM, les jeudis 21-22 h) à la présentation de ces concerts…

Jean Daniel BURKHARDT

dimanche, juin 28 2009

Lisez ma dernière chronique de disqe sur la complile de Musique Panaméenne "PANAMA!2"....

Aimez-vous la Salsa? Découvrez son pendant Panaméen avec la compilation ""Panama!2: Latin Sound, Cumbia Tropical & Calypso Funk on the isthmus 1967-1977"!

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Si à cette période la « Latin Soul », aussi appelée Salsa bat son plein à New York (à grands renforts de musiciens latino-américains exilés et de portoricains) avec le label Fania, la musique Panaméenne a su à la fois aborder la tradition des styles Cubains, et la modernité Rock, Soul, Funk ou Calypso venus d’ailleurs et garder sa spécificité, les Tamborera ou Tamborito, versions locales de la musique Meztica, de la Cumbia ou de l’accordéon Vallenato de la Colombie toute proche, dont le Panama fut longtemps une partie, mais avec une insistance particulière portée aux percussions des noir qui lui est propre.

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Ma chronique de cette compilation est à découvrir sur "drum-bass.net"

Jean Daniel BURKHARDT

FANGA fait résonner l'Afro Beat de Féla à la Samamandre

En introduction, on a pu apprécier le All African Mix de circonstance du DJ Mulhousien Hamid Vincent passant par l’Ethio Jazz Ethiopien, le Soukouss à la Manu Di Bango, l’Afro-Beat (Funk Africain Nigérian créé par Féla Kuti, le Rock Africain à la Extra Golden qui a fait venir le chanteur Kenyan Opiyo Bilongo grâce à Obama ou la Rumba congolaise et Zaïroise, et provoqua sur un petit groupe du public le même effet joyeusement fédérateur et collectivement chorégraphique spontané que dans un village d’Afrique reprenant les rythmes extatiques avec le public.

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Arrive le groupe Fanga (Force spirituelle en Dioula) de Montpellier fondé par Serge Amiamo avec son chanteur Burkinabais Yves Khoury alias « Korbo ». Après des débuts Hip Hop, ils se sont spécialisés dans l’Afro Beat à leur sauce et ont même été adoubés par Tony Allen, batteur de Féla Kuti, jouant sur leur album « Natural Juice » en 2007 et continuent leur chemin par d’autres collaborations Africaines au Togo.

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Ils commencent par « Imo Sina », « contre certaines personnalités comme Monsieur Sarkozy », ayant gardé du Hi Hop l’engagement et la revendication, la révolte, dans une forme Afro Beat africaine. Dans ses transitions aussi, Korbo utilise des formules d’une sauvage magie essentielle avec cette voix, cette conviction, cette générosité qui ne trompent pas, qui dépassent la seule révolte vers un idéal collectif à partager ensemble dans la musique et pour un monde meilleur.

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Le chanteur Korbo au shekere (calebasse dans une maille de billes résonnantes) a la pêche de Féla Kuti et son courage quand il chanta en public « Zombie » (qui assimilait les soldats Nigérians à des robots zombies) malgré l’interdiction du gouvernement Nigérian, malgré toutes les pressions politiques et subit leur répression (destruction de sa prpriété de Kalakuta par l'armée, où sa mère fut jetée par la fenêtre et mourut de ses blessures). Le fender rhodes assure des riffs sur deux temps de la batterie à la cymbale en clavé et des congas. Le rire du chanteur (HA HA HA) est énôôrme, n’a pas peur est aussi puissant et terrible que celui de Féla par son insoumission et sa révolte sur le saxophone baryton.

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Le chanteur explique : « L’Afro Beat fut créé par Féla Anikulapo Kuti, Nigérian, et nous essayons de régurgiter cette musique à notre façon ». Sans section de cuivres, ils savent recréer cet Afro Beat groovy et sautillant saupoudré des notes du clavier qui montent sur la batterie jusqu’à la transe, sur des titres plus courts que chez Féla. Le clavier peut parfois prendre le son saturé du Xénophone de Bojan Z. Le chanteur a cette attitude charismatique de Féla mais plus Hip Hop, avec un jeu de scène dramatique. D’ailleurs le Hip Hop Africain marche très fort en ce moment avec le projet de Didier Awadi sur les Présidents qui veut rendre les jeunes Africains fiers de leur passé politique en leur rappelant Lumumba et d’autres héros de l’indépendance. Mais par rapport à cette scène Hip Hop Africaine, la musique de Fanga est portée par l'authenticité, l'énergie Live d'un vrai groupe et l'émotion de l'Afro Beat, ainsi que par la personnalité de Korbo.

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Dans une autre chanson, “I Didn’t Know”, il dénonce en anglais et africain la désinformation, l’apprentissage de nos ancêtres les gaulois aux petits africains, « pour que personne ne puisse jamais dire « I Didnt’Know » (Je ne savais pas): «Everybody needs to know about corruption, oppression, REVOLUTION !!! » (Tout le monde doit être au courant de la corruption, de l’oppression, de la REVOLUTION !!! », prêche Korbo avant le solo de saxophone. L’information et la conscientisation sont essentielles dans un monde désinformé par mes médias et nos préjugés. Féla lui-même faisait des conférences pour débarrasser les esprits africains des idées des colonisateurs.

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Sur un tempo plus Funky, ils poursuivent avec « Afrikalofolo », avec un solo de saxophone, puis « Dounia » enregistré avec les Togo All Stars et sorti depuis en maxi , qui signifie la Terre en bambara, «pour le retour à la terre, celle qu’elle a été et ne sera plus jamais et celle qu’elle restera pour toujours », celle rouge de l’Afrique que les futurs esclaves caraïbes ont dû quitter de force, et que d’autres quittent aujourd’hui pour fuir la misère et la dictature, et être si mal reçus chez nous.

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Comme celui de Fèla, le message de Fanga se veut aussi pensée ddactique sur le monde et l’Afrique, libération du Colonialisme, espoir d’une vie meilleure en Afrique et invitation à venir visiter ces pays. Ceci sur une vraie cohésion musicale, un son de groupe puissant soutenant le discours par la transe groove de la danse à la Féla, un saxo free mais pas trop et un fender rhodes space, à la fois planante et énergique.

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«Don't Close Your Doorways » ("Ne fermez pas vos portes") clame Korbo avec un côté pêchu, le saxophone de Martial Reverdy soutenant le chant sur les bruits électroniques du laptop. Le côté Rock de Féla est présent aussi dans la furie publique que provoque la transe Afro Beat sous la clameur.

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Suit « Noble Tree », longue improvisation du dernier album « Natural Juice », enregistré avec Segun Damisa, membre de la communauté de Féla à Kalakuta, chanteur et percussionniste Afro Beat Nigérian Nigérian ()et leader des groupes Alkebu Ian à Abuja au Nigéria puis des Afrobeat Crusaders à Bordeaux, et décédé en 2006, mais dont l’œuvre se perpétue à travers Amayo, chanteur d’Antibalas.

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C’est ainsi que l’Afro beat de Fèla continue de vivre à travers le monde, et pas seulement par ses deux fils, l’aîné Fémi Kuti ( né en 1962), qui a travaillé ave son père qui avait reconstruit le Shrine Auditorium, la salle de concert de Féla à Lagos à nouveau détruit par la police quelques jours avant l’anniversaire de sa mort et le dernier Seun Kuti, 22ans, qui, après avoir commencé à 9 ans comme choriste de Féla, et est accompagné par le groupe de Féla Egypt 80s.

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« There Was A Time »…le chanteur se fait aussi conteur engagé : «Il faut régler le problème de notre culture qui été démantelée au profit d’une politique extérieure » sur le fracas de la batterie de Samuel Devauchelle, les percussions d’Eric Durand, le son du rhodes de David Rekkab de plus en plus aïgu..

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Par ce regard de Korbo VENU DE L’AFRIQUE, Fanga offre une autre forme d’engagement, un nouveau regard sur la Métropole, un autre point de vue critique venu de l’Afrique-même, différent du Hip Hop français venu des secondes générations des cités, les appelant à la redécouverte des origines, et nous à dépasser notre ethno-centrisme.

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Suit le très efficace titre éponyme de « Natural Juice », « parce qu’on nous pousse à nous conformer. Alors il est TEMPS de retrouver ses instincts, de retrouver en nous notre jus naturel, notre Natural Juice ».

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Le Natural Juice de Fanga, c’est ce groove funky obsédant où synthé, saxo et laptop aux sons space se confondent en une même énergie portant les rugissements de Korbo, avant un solo de saxophone au vibrato poussé jusqu’au cri, tout en gardant le groove . Joué ainsi, le saxophone devient aussi sauvage et terrien, ethnique, Africain, naturel et humain que les percussions, presque vivant.

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Natural Juice ce sont aussi les baguettes qui font parler aux peaux des tambours et tambours d'eau la langue rythmique de l’Afrique en mettant la tribu du public en transe sur le son énorme du fender rhodes Ethio-Jazz et du saxophone, tout cela venant du fin fond des origines, les rappelant et nous y ramenant, partageant avec nous cette énergie brute, sauvage, plongeant le public aussi dans son Jus Naturel, qui est aussi la sueur de la danse répondant à l'énergie du groupe en un même bain de communion musicale.

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En Bis, puisque le public est « toujours debout », ils terminent par l’instrumental « Crache Ta Douleur » : « pour éliminer les ondes négatives entre nous », avec cette voix forte et ces termes clairs, cette chaleur communicative et contagieuse, généreuse et ces paroles mixtes de sagesse, de révolte et d’amour universel festif.

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Cette fois le solo de fender rhodes est limpide et iodé dans une transe aquatique, marine. Korbo prêche en guérisseur de l’âme et des cœurs, des esprits : « La Douleur peut disparaître puis revenir plus forte », avant un autre solo très puissant du saxophone, comme ululé, samplé par le laptop, de plus en plus apocalyptique.

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Une Apocalypse qui viendrait, cette fois, vengeresse, de l’Afrique, avançant sur ce dub de feu. Le saxo hûûrle, en extase, se balance dans l’ombre, puis revient sur le riff sur la batterie en broken Beat, dernière improvisation entre électro, dub et énergie funky..

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Bref, Fanga a apporté toute la générosité et l’énergie de l’Afrique au festival Contretemps.

Jean Daniel BURKHARDT

mercredi, juin 10 2009

CONTRETEMPS RENCONTRE PREMIERES : DORIAN CONCEPT et NIKKI LUCAS, PABLO VALENTINO & TAL STEF

Pour sa seconde soirée, le Contretemps s’associait au festival de théâtre « Premières » pour animer sa dernière soirée au Maillon Wacken.

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Pablo Valentino, qui a ravi et fait monter au plafond et miauler de bonheur le « Chat Perché » tout l’hiver de ses soirées Chat Groove les jeudis et Chat House les vendredis, n’a pas encore sorti son double Hip Hop « Kid Sw!ng » auteur de « Basquiat » et du LP « 6th Grange Street » à venir en juillet sur son label FACES RECORDS, du placard, mais une avalanche de cuivres et de rythmes Brazil pour faire danser et tournoyer cheveux aux vents comme un cyclone, un ouragan son amie la Fourmi Toupie Derviche Funky aux yeux verts, ouvrait le bal.

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Suivit leViennois Dorian Concept, qui a troqué très jeune sa Nintendo contre un clavier synthétiseur pour produire cette étrange musique électronique improvisée, modifiée mais belle. Gilles Peterson le compare déjà au pionnier de ces claviers, Jo Zawinul. Il vient de sortir « When Planets Explode »

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Il est accompagné de Cid Rimon aux baguettes sur batterie électronique. Il est parfois indianisant et planant comme sur les soufflets d’un harmonium portatif, ou par sa vélocité la musique Japonaise de koto, puis trouve sur son MicroKorg la folie des « Toccata & Fugue » de Jean-Sébastien Bach jammant avec la distorsion sonore d’un Van Halen des claviers, mais aussi les bruits de la jungle naturels et d’autres plus aériens, incarnant sous ses doigts la canopée de sa structure et l’oiseau qui s’en envole à tire d’aile.

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Le jeu de Dorian Concept est, me dit-t-on, très visuel, entre clusts, scratchs et bouton de Nintendo de son enfance sur la Drum’n’Bass de son batteur. C’est vrai que par moments on pense à Jo Zawinul dans les aigus, et par ce côté très improvisé, jouant acoustique sur des instruments électriques. Il est entre le naturel et le modifié, joue plus électrique qu’acoustique, venu non du piano mais de la Nintendo.

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Soudain nous illumine un sample de voix Soul à la Gnarls Barkley sur les bonds mouvants de l’electro et la basse broken, les claviers qui semblent scratcher. Au moins s’amuse-t-il comme un petit fou avec une folie rare dans le Jazz actuel.

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Parfois il crée un monde aquatique par des aigus et des ralentis à la Edgar Froese sur les percussions rebondissantes de la batterie électronique.

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Sur une sorte de dub, il déploie de grandes orgues aux échos cotonneux, évanescents, stellaires. Son univers bascule entre mouvements de planètes et d’étoiles dans le calme de l’univers sidéral et de soudaines explosions où elles explosent, s’entrechoquent, se confondent. Les gracieuses comédiennes du Festival Premières agrémentent le set de mouvements harmonieux, robotiques ou ailés selon le rythme.

Arrive Nikki Lucas,, DJ Londonienne mais qu’on pourrait dire à sa musique du monde entier elle est cosmopolite dans le Rechauffement Planétaire positif de ses rythmes. Elle a commencé au sein du Lucky Cloud Posse, qui organisait les venues du légendaire David Mancuso. Aujourd’hui elle a son propre Radio Show « Future Fusion ».



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Elle commence par les percussions entraînantes de la Batucada Brésilienne modernisée par le Samba Reggae à la Olodum, qui évolue en Hip Hop Brazil « reprezenta », d’une voix qui devient rythmique sur les beats des autoroutes mondiales.

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Elle passe ensuite en Afrique avec un Soukouss Africain festif de Kenge Kenge porté par des balafons en hommage à Barack Obama. Un des comédiens, qui viennent de toute l’Europe et d’ailleurs, Africain, fait la danse du bâton. La sélection World de Nikki Lucas ravit toutes ces nationalités qui dansent.

Toujours en Afrique, mais plus funky, après l’Afro Beat (mélange de funk, jazz, rock et de musiques traditionnels Africains créée par le Nigérian Fèla Kuti), elle est aussi au courant du « Future Afrobeat » modernisé d’une clavé cubaine doublée d’une cymbale broken de l’Afrozen Orchestra avec le chanteur Chancellor Dedianga sorti en mars dernier sur la label Strasbourgeois Soultronik de Tal Stef, l’un des organisateurs du festival. C’est dire quand même l’ubiquité de cette globe trotteuse et les possibilités de connexions entre le local et le mondial.

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Sur l’écran , OPTIK HARTMAN, Vjay de Karlsruhe montre des lunes éclatant comme des bulles de savon autour d’un homme monté dans un arbre. Le saxo crie jusqu’à la transe. Une nuit bleue tombe sur la savane, dont les lunes deviennent des sphères étoilées stroboscopiques ou des flocons de neige sur un magma de bulles rouges. Les cuivres Afrobeat passent sur des claviers dub dans des Ombres sur fond vert, puis à un dub Oriental à la « Asian Dub Foundation » (maîtres Pakistano-anglais du genre) en moins violent, plus lent et planant. Envoûté, un derviche en pull rouge acrylique danse la techntonik en pantalon blanc et se contorsionne

Premieres_Nikki_Lucas_Mixe.gif . A la voix de Lee Scratch Perry, le père Jamaïcain du Dub, avec un trombone (Don Drummond des Skatalites? Non, il est mort trop jeune), son style me rappelle un peu les dub de Gainsbourg avec Sly Dunbar & Robbie Shakespeare par ses petites diodes rythmiques sur la batterie ou le « Kingston Kill The Sun » de Bernard Lavilliers. Quand le Reggae n’était pas encore Ragga, et le Dub la seule musique électroniquement improvisée…

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Des cadrans rouges se muent en scratches, en fleurs mauves qui s’ouvrent et se ferment à l’infini en éponges marines sur le rythme Banghra Indien de Bollywood qui se mue en Raï de Khaled à ses débuts accompagné d’un simple synthétiseur, Nikki Lucas par les harmoniums Pakistanais, sur lesquels danse Un danseur est au centre d’une floraison de pétales violonistes.

Après un passage dans l’Afrique du « Magic System », le flot se durcit en Ragga à la Bone T Killa sur des serpents spermatozoïdes en fleurs qui roulent en fleurs puis se rejoignent.

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Autres tropiques, les cuivres de la Salsa s’enchaînent sur le «Diamonds are a girl’s best friends » de Marilyn Monroe en robe rose fuschia » dans « Les Hommes Préfèrent Les Blondes ». Nikki Lucas revient en Afrique avec les Talking Heads, puis avec «Pata Pata » de Myriam Makeba reprise par une voix aigue et enfantine.

Plus tard elle passera du Funk sur un Tango’Rero (dont la partenaire semble la cape avec sa robe volante, et finira par en Disco avec « Everybody Dance » modernisé de diodes, laissant le public subjugué par ce mix Sound System Mondial.

Enfin, la soirées se termina avec un ping pong musical entre Tal Stef et Pablo Valentino, entre Disco, Brazil, Cuba, Reggae rapide/lent, Sol 70ies... On se serait cru revenu dix ans en arrière au Café Des Anges, où ils mixaient tous deux.

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Le premier grand DJ du Café Des Anges, NoStress, fondateur des soirées Acid Jazz des années 90s, y fera son grand retour ce soir mercredi 10 juin, dans la soirée « Back In The Dayz », avec un autre retour aux sources, celui du Funk vers ses racines Rockabilly/ Rythm’N’Blues/ Jump Blues avec l’Ecossais Keb Darge, danseur de disco victorieux en 1979 à 22 ans, puis doyen des DJs Northern Soul qui vient de sortir « Kings Of Funk ».

Jean Daniel BURKHARDT

samedi, mai 16 2009

MARIANA AYDAR à la Salle Du Cercle de Bischeim

Mariana Aydar est une chanteuse Brésilienne de Saõ Paulo fille de Mario Manga, musicien de Premê, groupe d’avant-garde des années 80s et de la productrice Bia Aydar. A moins de 30 ans, elle est la chanteuse Brésilienne la plus intéressante du moment, et vient de sortir le 4 mai dernier son deuxième album « Peixes, Passaros , Pessoas » après « Kavita 1 » en 2007, qu’elle présentait hier en concert à la Salle Du Cercle de Bischeim.

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Elle est vêtue d’une robe-tunique rouge rosée biffée de dièses japonisantes imprimées en noir et accompagnée d’un jeune groupe, claviériste chevelu coiffé à la Jeanne D'Arc accordéoniste sur les titres les plus traditionnels, d’un bassiste et d’un guitariste électriques barbus, d’un percussionniste noir et d’un métis à la batterie, Duani, producteur du disque et « son amour ».

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Le concert commence par « Sem Ceremonia », l’une des chansons pop et rapides du dernier disque, avec des fusées de guitares à la "See Emily Play" de Pink Floyd et de grands orages magnétiques envoyés par les claviers, doucement rythmée par la voix de Mariana Aydar balançant entre tempo rapide et ralenti avec un accent de jeunesse à la Mayra Andrade, Capverdienne entendue dans cette salle.

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Extraite de son dernier album, on apprendra que « Palavras Não Falam » est la première chanson qu’elle ait écrite elle-même, avec un clavier Reggae et Soulfull soutenant la voix sans les efficaces cuivres de l’album, mais avec une agilité vocale m’évoquant Elis Regina sur les scintillements des claviers, et des percussions vocales rythmiques enfantines sur les sifflements des guitaristes en fond sonore.

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Finalement c’était bien son amie la Capverdienne Mayra Andrade qui l'accompagne sur le titre « Beleza » de l’album, alors que je croyais à une ressemblance générationnelle. Cette chanson offre une belle montée vocale sur « Sensual, Fenomenal, Ritual d’Exaltaçaõ » colorée de motifs pop kitsch répété du synthétiseur, soutenant les soupirs solaires qui m’émurent aux larmes à ma première écoute dont les échos se prolongent jusqu’au final.

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Suit un Samba, genre qu’elle dit les aimer beaucoup. C’est en effet l’amour de la samba comme « partie de l’essence brésilienne » qui a fait retourner Mariana Aydar au Brésil en 2006 «pour créer quelque chose qui partage cette expressivité.».

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Elle chanta tout d’abord « Manhã Azul » , une samba-choro accompagnée par le guitariste au cavaquinho, une de ces sambas mélancoliques à la « Manhã De Carnaval » de Luiz Bonfa () dans « Ofeo Negro » de Michel Camus, d’après la pièce de Vinicius de Moraès sur la musique d’Antonio Carlos Jobim.

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C'est une samba d’un de ces matins bleus de Saudade, cette nostalgie que les marins Portugais découvreurs du Brésil amenèrent avec le Fado où cette morgue se confond avec la douceur de vivre dans le bleu de l’aube lavée de pluie. Dans ce répertoire émouvant, Mariana Aydar fait penser à Elis Regina par sa justesse et la profondeur de l’émotion et l’allongement de certaines syllabes. Elle aimerait que nous comprenions les paroles. Nous aussi.

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«Florindo » est une autre Samba accompagnée d’une flûte qui ouvre son nouveau disque, remplacée ici par l’accordéon du claviériste. L’âme brésilienne s’est toujours interrogée sur le pourquoi de la souffrance, de cette mélancolie, de la fuite du temps et de la perte des illusions mais a toujours su aussi rendre cette douce tristesse dansante sur un rythme de samba, comme si les larmes ne pouvaient empêcher les pieds de danser, trouvant par là-même le remède à la peine.

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Suit un autre rythme Brésilien, le Xote, plus rapide, « Tà ?» interroge le nerf de la guerre et les mensonges des palabres, avec l’insolence et l’absurdité d’Elis Regina dans « Quaraquaqua (Vou Deitar E Roular) » dans son côté revendicatif.

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L’arrangement est original, modernisé par un clavier minimaliste évoquant à la fois la désuétude d’un orgue joué de Barbarie par le bassiste et la modernité electro dans ses prolongements de claviers doublés par le percussionniste. Le talent de Mariana Aydar est de moderniser la musique Brésilienne sans en perdre l’essence.

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Sur un tempo encore plus rapide et pop, « Pras Bandas De Là » de Duani évoque l’elasticité des allers-retours dans les voyages sur un arrangement pop. On pense à « Calcahnar De Aquilles » d’Elis Regina, quand elle cassait sa voix pour aller au bout des phrases sur un arrangement funky. Là encore, le clavier colore l’arrangement d’un océan kitsch acidulé avec les guitares.

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Quelques roulements de batterie martiaux en breakbeat annoncent le titre éponyme du dernier disque « Peixes, Passaros, Pessoas » (http://www.youtube.com/watch?v=eI417D0Zg_A ) ( (Poissons, passagers et personnes) (http://www.youtube.com/watch?v=8XdFiqoLeqE ) , la plus inquiétante, la plus violente et aux arrangements les plus modernes, a la guitare quasiment Rock voire Hard dans son solo, qui finit en cri suraigu, chanté cambrée vers l’arrière, comme celui d’Elis Regina au –dessus des flûtes de « Zazueira » (http://www.youtube.com/watch?v=PTJBkmmUYyI ).

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On comprend mieux à ses explications en anglais : « le texte est très fort : Nous vivons comme des poissons, passons comme des poissons dans la mer, et mourons comme des poissons étouffés dans un cri. »

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Elle reprend ensuite un classique Vinicius De Moraès et Baden Powell, « Consolação », modernisée par un tempo drum’n’bass et de guitares funky avant le solo de percussions. Elle semble s’arrêter, est applaudie et reprend de plus belle.

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Suit « O Samba Me Persegue », samba qu’elle a chantée sur l’album avec Zé Do Caroço sur l’album, avec une belle énergie de samba collective, et quelques pas de danse, comme Elis se renvoyant Sambas et Bossas avec Jair Rodrigues dans leur « Pot-pourri Do Morro ». Toutes deux sont de dignes descendantes de la Samba de rue, que Mariana a pratiquée avec Daniela Mercury au Carnaval de Bahia, et auraient pu défiler avec Carmen Miranda sur le rythme des mains du public et la batteria de Duani., même si Mariana Aydar et ses arrangements sont plus de la génération des Trio Electricos, du Rock et du Funk.

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Dans le bis prolongé, il y eut encore « beaucoup de Sambas » et une reprise en français d’ »Un Deux Trois » de Camille dont elle partage la folie vocale de tout remettre en cause avec un naturel presquu'ethnique et une déconcertante modernité, pris sur un tempo medium puis accéléré en Rock.

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Pour terminer un « Forro » avec Duani au tambourin, rythme du Nordeste. Les chanteuses de « Som Brasil » et danseuses de l’Association de Batucada « Orkhêstra » offrirent sur le bord de la scène le spectacle de leur jeu de jambes foudroyant.

Enfin, Mariana Aydar, qui nous avait fait penser à Elis Regina toute la durée de ce concert, offrit en dernier bis une reprise d’un de ses premiers succès, quand elle était elle aussi, en 1965, comme elle aujourd’hui, une jeune chanteuse qui monte, en interprétant « Menino Das Laranjas », qui n'avait certes pas les trois visages Jazz, Tango puis Blues à voix cassé final de la version d'Elis.

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Bref, Mariana Aydar a montré à la fois son ancrage dans les traditions des musiques Brésiliennes et son indubitable modernité.

Jean Daniel BURKHARDT

vendredi, avril 10 2009

L’OCELLE MARE ET XIAO-HE A STIMULTANIA, La BOÎTE A RIMES au JIMMY's

Depuis vingt ans, la galerie d’art Stimultania, qui a déménagé 33 Rue Kageneck près de La Gare à côté de la Maison de l’Image est l’un des lieux artistiques les plus passionnants à Strasbourg : expositions plastiques, apéro-concerts rock, trad ou electro-accoustiques décalés et accueillant les ateliers du CEDIM une fois par mois.

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Ce mois-ci, Julien Bourdier Martin y expose objets inutiles mais beaux aux matériaux hétéroclites et très belles photos du monde souvent « Sans-Titre » ou légendés de détails techniques, mais très poétiques d’une faille rocheuse naturelle, d’un CRS tournant le dos à la lumière d’une baie vitrée bulle, d’un temple au plancher troué en damiers et profond, d’un hippie dans un trou, de démolitions urbaines, aussi : notre monde.

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Pour le concert, tout d’abord, on pouvait entendre L’Ocelle Mare venu de Ribèrac (avec un nom pareil, je pensais que c’était une fille!), un jeune barbu en chemise à carreaux triturant un banjo.

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Sur « Porte d’Octobre » (titre de l’un de ses disques), il court sur les cordes en cascade pour rattraper le tempo d’un métronome posé au sol, puis quelques vents librement soufflés dans un harmonica ou d’une guimbarde ou d’un . On pense à Fred Frith et à un de ses émules Québécois, banjoïste free, à Derek Bailey aussi.

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Sur d’autres titres, il rythme sa musique des deux pieds sur une planche comme un bluesman rouge ayant appris l’art du pow-wow autour d’un feu, ou de pédales d’effets/ sampler.

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Oui , L'Ocelle Mare est entre un américain et un Chinois du banjo distordu, sonnant toujours du pied la sonnette d’un vélo ou d’un bol Tibétain. Quand il joue ses accords très haut, on croirait entendre un luth mongol. Il a aussi un usage original du diapason, utilisé comme médiator pour son pouvoir vibrant faisant passer les harmonies d’une simple note dans toute la pièce.

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D’ailleurs selon certaines théories sur les migrations humaines originelles, ce serait à l’origine le même peuple que les Mongols et les Indiens d’Amérique : des « cueilleurs » préhistoriques ayant passé le détroit de Behring en quête de nourriture. Pour preuve, on peut remarquer une curieuse adéquation entre la structure de la yourte mongole et du tipi (ou wigwam) amérindien! Peut-être tout cela était-il volontairement plus esquissé, cherché comme à tâtons, essayé/tenté que joué réellement dans un souci de laisser l’improvisation ouverte. Ce passeur nous a amenés de Ribérac en Amérique, en Chine.

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Xiao He, lui est un Chinois de Pékin jouant de la guitare, d’un lap top qui la modifie, et chantant à la manière diphonique des mongols des steppes.

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On découvre une guitare plus folk, plus proche des luths mongols et un chant diphonique aux aigus de cantatrice de Shanghaï, aux graves gutturales, puis poussées jusqu’au cri free, hululé sous son chapeau de feutre noir, une sorte de chamane oiseleur, puis se calme sur la guitare et finit en diphonique aigu chevrotant (les mongols imitent les cris des animaux dans leurs chasses). Les accords de la guitare bluesys ou folkeux, sont samplés en rythmique, allongés/modifiés, électrisés par les effets et le laptop jusqu’à devenir cithare chinoise, percussions d’eau électrique. A partir de simples cordes, d’effets et d’un ordinateur portable, c’est tout un univers envoûtant et personnel qui s’offre en écrin à la voix de ce chanteur fou, capable d’un théatre de marionnettes intime dont il serait toutes les voix de l’enfant ou la femme dans les aigus à l’homme ou aux êtres surnaturels dans les graves du chant diphonique, parfois aigres ou profondes, claires ou brisées, puis adapte ce style au ragga plus actuel dans le final.

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Dans les accents les plus graves sur les tempos les plus rapides, on croirait entendre le groupe Huun Huur Tu, comprendre des mots anglais « We Dream We Dream We Dream » mais on rêve à cette pleine voix libérée dans l’aigu,, naturelle puis diphonique dans le final.

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Echos, rebonds d’eaux à la Edgar Froese sur le laptop, intercalé de cithares chinoises. Comme dans la musique Chinoise Classique, la Nature occupe une grande place dans la musique de Xiao He, même si c’est par le truchement de l’électronique et de l’ordinateur. En fermant les yeux, on entend des harpes, des guimbardes, le sifflement d’une coulisse.

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Parfois les accords de guitare sont plus rock, les cris plus trash dans l’aigu. Les vocaux rauques se font bluesys, on entend tinter une cloche lointaine, puis comme la mélodie des glaciers glissants sous la fonte du réchauffement climatique avec déjà des grenouilles électro surnageant, et la voix de Xiao He hurlant avec le loup.

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En bis, des accords de folk plus cool des aigus aux cordes basses, puis les bruits de la mer et la voix, bruits d’eaux qu’il laisse en s’en allant jouer seuls la cascade, les oiseaux : un peu de sa Chine naturelle.

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Pour finir la soirée, il y avait une soirée Slam de la Boîte à Rimes (ma première) au Caveau du Jimmy’s Bar avec un « Bibliothécaire de la Vie », poète dégingandé et conteur post-moderne et l’autre plus un poil sur le caillou, plus hip hop mais à la poésie non moins essentielle : Ils ont la naïveté et la révolte, la folie et la poésie libre à deux, quatre lunettes curieuses ouvertes en hublots sur le monde et leur imaginaire, accompagnés un guitariste de bataille navale et invitant le public à se joindre à eux dans le set final par des exercices originaux : alphabet personnel, «dans une autre vie, je serais… », ou des extraits de livres… . Jean Daniel BURKHARDT

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